Salle d’intervention spécifique ou aménagement de la salle de soins du cabinet dentaire : règlements et obligations, maîtrise de la chaîne d’asepsie
La chirurgie implantaire est un acte de chirurgie invasive, au même titre que la chirurgie buccale, acte classifié d’acte à haut risque infectieux selon les anglo-saxons où tout dispositif médical doit être stérile ou à usage unique. Actuellement, les infections nosocomiales sont un problème majeur de santé publique. En effet, la multiplicité des actes invasifs et la nécessité de prendre en charge un risque que les patients ne veulent plus assumer font de la lutte contre ces infections un problème de société que les pouvoirs publics tentent de résoudre depuis plusieurs années.
Le devoir d’asepsie est une obligation réglementaire pour toutes les professions médicales et les établissements de soins. Si le respect d’une qualité et de la sécurité des soins prodigués aux patients fait partie de l’éthique médicale, les articles 3-1 et 62 du code de déontologie en chirurgie dentaire précisent que l’hygiène et l’asepsie sont des obligations légales.
Ainsi, l’article 3-1 du code de déontologie des chirurgiens dentistes, issu du décret n° 94-500 du 15 juin 1994, impose aux praticiens de prendre « toutes dispositions propres à éviter la transmission de quelques pathologies que ce soit ». De plus, l’article 62 de ce code dispose que « l’installation des moyens techniques et l’élimination des déchets provenant de l’exercice de la profession doivent répondre aux règles en vigueur concernant l’hygiène ».
Seuls ces deux textes concernent l’hygiène et l’asepsie en chirurgie dentaire. L’hygiène et l’asepsie sont un devoir du praticien qui doit donner des soins conformes aux données acquises de la science. Cependant, nous devons suivre certaines recommandations et circulaires, délivrées par des organismes comme la DGS (direction générale de la santé), l’ADF ou encore le Conseil supérieur d’hygiène publique de France. Elles rassemblent essentiellement des protocoles à effectuer en matière de désinfection et stérilisation selon des normes très précises. Ces dernières concernent la chaîne de stérilisation, ensemble des techniques qui vont de la fin de l’utilisation d’un dispositif médical jusqu’à sa mise à disposition stérile pour l’utilisateur. Tout chirurgien-dentiste doit connaître et appliquer ces normes et protocoles en matière d’hygiène et asepsie.
Salle d’intervention spécifique ou préparation de la salle de soins du cabinet dentaire ?
En ce qui concerne la chirurgie buccale, et, plus précisément la chirurgie implantaire, rien n’oblige à réaliser ces actes dans une salle d’intervention spécifique. Aussi, pour déterminer une ligne de conduite cohérente, nous devons intégrer l’état d’esprit indispensable à l’hygiène afin de maîtriser la chaîne d’asepsie, clé de la réussite pour la lutte contre le risque nosocomial. En d’autres termes, chaque praticien doit réfléchir à son organisation et ses actes thérapeutiques pour aboutir à une cohérence gestuelle en fonction des niveaux de risques permettant la maîtrise de la chaîne d’asepsie.
Si on se réfère à la littérature internationale, peu d’études ont analysé le problème de l’hygiène et asepsie en chirurgie implantaire.
En 1993, une étude rétrospective, sur une période de huit ans, compare les résultats obtenus avec des implants Brånemark posés, soit dans des conditions d’asepsie stricte (service de chirurgie) soit dans des conditions dites de « propreté » (service de parodontologie, le praticien n’est pas en tenue stérile, pas de calot ni casque stérile ni
surchaussure, le patient n’est pas recouvert par un champs stérile et la salle d’intervention ne semble pas avoir bénéficier de désinfection particulière).
Les taux de succès sont semblables pour les deux groupes ( 273 implants posés sur 60 patients en service de chirurgie, 113 implants posés sur 30 patients en service de parodontologie). Deux remarques importantes sur cette étude, le nombre de cas réalisés en service de parodontologie parait faible comparé à celui en service de chirurgie avec des opérateurs différents ; de plus il est marquant d’avoir comparé un service de chirurgie avec un service de parodontologie, équivalent d’un cabinet dentaire.
En 2000, deux autres études ont été réalisées par l’équipe suisse, menée par le Dr J.P. Bernard. La première compare les taux de succès obtenus sur des implants ITI, non enfouis, le jour de la mise en charge prothétique et à un an de mise en charge.
Un groupe (I) concerne des implants posés dans des « conditions dites stériles », l’autre groupe (II) les implants sont posés dans des « conditions d’asepsie ».
Posés dans la même salle d’intervention le groupe I diffère du groupe II par le fait que le chirurgien n’est pas en tenue stérile (pas de casaque stérile).
Cependant, pour cette équipe de chirurgie, les « conditions d’asepsie » signifie une gestuelle et une ergonomie stricte durant l’intervention, conditions considérées comme celles appliquées par l’ensemble des praticiens en Suisse.
Les taux de succès comparables dans les deux groupes (423 implants posés sur 201 patients dans le groupe I et 427 implants posés sur 192 patients dans le groupe II) à la mise en charge prothétique et un an après, permettent aux auteurs de confirmer que les « conditions d’asepsie »suffisent pour la pose d’implant dentaire. Ces auteurs confirment ces résultats dans une deuxième étude sur cinq ans, où 1553 implants ont été posés selon un protocole unique de « conditions d’asepsie », observant un taux de 0,77% d’échec.
Ces études semblent montrer que la chirurgie implantaire orale peut être réalisée dans une salle non spécifique comme la salle de soins de cabinet dentaire, en respectant des conditions d’asepsie : asepsie environnementale et gestuelle et ergonomie en cours d’intervention. En terme d’obligation légale, le chirurgien-dentiste n’a pas à créer de salle d’intervention spécifique pour les actes invasifs comme la chirurgie implantaire ou buccale. La création d’une salle d’intervention spécifique pour la chirurgie implantaire peut s’avérer intéressante pour optimiser l’ergonomie dans l’organisation quotidienne du cabinet dentaire.
En revanche, le praticien doit être vigilant et respectueux de la mise en oeuvre des techniques d’hygiène et d’asepsie. La maîtrise de la chaîne d’asepsie sera abouti par une organisation stricte réalisée autour d’un axe principal, véritable « colonne vertébrale » de l’asepsie, la chaîne de stérilisation, dont les normes sont bien établies. Seule la réflexion sur notre organisation et sur nos actes chirurgicaux permet d’obtenir une cohérence gestuelle en fonction des niveaux de risque et ainsi d’atteindre une « ligne de conduite » alliant rigueur et vigilance pour la maîtrise de la chaîne d’asepsie.
L’Association Française d’Implantologie, (A.F.I.) pour sa part, recommande la création d’une salle d’intervention spécifique pour la chirurgie implantaire car d’une part elle optimise l’exercice de la chirurgie buccale et implantaire sur le plan de l’ergonomie et de l’asepsie et d’autre part elle garantit au patient une sécurité maximale. L’A.F.I. recommande également une formation appropriée des praticiens à l’implantologie et le respect des protocoles afin de garantir au patient un résultat fiable à long terme des réhabilitations prothétiques implanto-portées.
En conclusion, le « guide de prévention des infections liées aux soins en chirurgie dentaire et stomatologie » publié par le Ministère de la Santé DGS , en Juillet 2006, a confirmé que la salle d’intervention spécifique n’était pas obligatoire, mais recommandé comme l’AFI le préconise.
Bibliographie
1. Missika P., Drouhet G. : « Hygiène, asepsie, ergonomie, une défi permanent », Paris, Ed CdP, collection JPIO, 2001
2. Numéro transversal des Editions CdP 2004, « Hygiène et asepsie », revues : Implant, AOS, Clinique, Cahier de Prothèse, Ed Cdp, 2004.
3. Drouhet G. : « l’hygiène et l’asepsie en cabinet dentaire, une contrainte, une obligation ? une démarche impossible ? ». Titane, vol.1, Ed Quintessence, 2004.
4. Conseil supérieur d’hygiène publique de France : « Guide de bonnes pratiques de désinfection des dispositifs médicaux »
5. Brisset L., Lecolier MD. : « Hygiène et asepsie au cabinet dentaire », Paris, Masson, collection des abrégés d’odontostomatologie, 1997
6. Circulaire DGS/5C/DHO/E2 n°2001-138 du 14 mars 2001, « précautions à observer lors de soins en vue de réduire les risques de transmissions d’agents transmissibles non conventionnels (ATNC) ».
7. Circulaire DGS/DH-N°98/249 du 20 avril 1998 : prévention de la transmission d’agents infectieux véhiculés par le sang ou les liquides biologiques lors de soins dans les établissements de santé.
8. Dossiers de l’ADF, commission des dispositifs médicaux : Implantologie Orale, 2003.
9. Guide de prévention des infections liées aux soins en chirurgie dentaire et stomatologie publié par le Ministère de la Santé DGS , en Juillet 2006