L’extraction-implantation immédiate est un acte réfléchi qui doit s’indiquer en l’absence de foyer infectieux évolutif ou circonscrit et simple à éliminer, avec un volume osseux permettant la stabilité primaire de l’implant. L’avantage est de réduire la perte osseuse induite après extraction. Dans le secteur antérieur maxillaire, il faut tenir compte du caractère esthétique de la réhabilitation prothétique, aussi l’analyse clinique et radiologique doit nous permettre d’évaluer les pertes osseuses notamment vestibulaires.
Cas clinique n°1
STEP BY STEP de l’extraction-implantation ainsi que la régénération osseuse et muqueuse associée. Le patient âgé de 22 ans se présente pour accidents infectieux répétitifs de la dent N 11.
Fig. 1 : montre la situation clinique qui ne présente pas d’altération majeure des repères esthétiques. La ligne des collets est homogène (malgré une discrète rétraction occasionnée par la prothèse conjointe) et les papilles sont respectées. La dent ne présente pas de mobilité.
Fig. 2 : la radiographie montre une dent immature et un processus de résorption radiculaire au niveau coronaire. La décision d’extraction-implantation immédiate est envisagée. Se pose la question de la temporisation. À première vue, la racine est massive et longue et un doute persiste quant à la possibilité d’avoir une stabilité primaire suffisante (> à 30 N.cm). La temporisation est envisagée selon les hypothèses soit par un amovible soit par mise en esthétique immédiate.
Fig. 3 : l’avulsion est réalisée avec l’aide de périotomes et l’alvéole post-extractionnelle est respectée. On observe au fond de l’alvéole les résidus du traitement canalaire. Au sondage vestibulaire, on note une déhiscence triangulaire caractéristique sur une hauteur de 5 mm. Un curetage et un débridement soigneux sont alors réalisés.
Fig. 4 et 5 : la dent extraite est mesurée. Au niveau apical, l’épaisseur radiculaire est de 4,7 mm (cf compas) et au niveau coronaire (mésio-distal) de 5,3 mm. La longueur de la racine est de 12 mm environ. Sachant que l’implant devra être positionné à distance du mur vestibulaire, le diamètre maximal qui respecterait cette distance est de 5 mm. L’anatomie de l’alvéole des incisives au niveau apical contreindique un implant cylindrique de grand diamètre (5 mm). Un implant cylindro-conique ou conique s’impose. Dans ce contexte, l’implant choisi est un Astratech OsseoSpeed® de 5 par 15 mm. Soit un ancrage de 3 mm au-delà de l’apex. Sa base est de 3,7 mm de diamètre et par conséquent ne présentera pas de contact important avec les parois du fond de l’alvéole. À ce stade, nous savons que la mise en esthétique immédiate ne sera pas réaliste du fait du peu de contact des parois adjacentes et du seul ancrage radiculaire (3 mm au-delà de l’apex).
Fig. 6 : le forage est initié au détriment du mur palatin. Noter la forte inclinaison palatine. Le point d’ancrage est situé au 1/3 apical de l’alvéole. Au fur et à mesure de la progression, l’axe est redressé en palatin. Ainsi le risque de dérapage vestibulaire, entraîné par la plus forte corticalité de l’alvéole palatine, est évité.
Fig. 7 : le forage est de diamètre progressif conventionnel et retrouve un axe palatin avec une émergence proche du cingulum de la dent extraite (repère par dent controlatérale). Nous voyons sur cette image la sonde qui matérialise la face vestibulaire et l’axe palatin du foret à distance de la crête vestibulaire.
Fig. 8 : l’implant Astratech OsseoSpeed 5/15 mm est positionné en fin de préparation alvéolaire, en suivant la même insertion que le forage principal et redressé lors de sa progression.
Fig. 9 : le couple développé est lisible sur le moteur et atteint 20 % de 70 N.cm. Soit 14 N.cm. Le couple de 30 N.cm n’est pas atteint comme discuté en préop (Fig. 2) et une mise en nourrice s’impose.
Fig. 10 : l’implant est positionné 3 mm sous le rebord vestibulaire pour anticiper la perte initiale liée à l’avulsion (1 mm environ).
Fig. 11 et 12 : une membrane de type « Socket Repair » est glissée en vestibulaire à distance de l’implant et en regard de la déhiscence.
Fig. 13 : un comblement au Bio-Oss© est réalisé dans l’espace vestibulaire afin de limiter l’effondrement consécutif à l’avulsion, et la membrane est suturée en palatin.
Fig. 14 et 15 : un greffon conjonctif est prélevé en rétro-molaire, destiné à « booster le biotype » ou à gonfler les tissus mous et rattraper la perte de niveau des collets objectivée sur la photo pré-opératoire. Il est inséré en vestibulaire en dehors de la crête et suturé en vestibulaire par des points en U.
Fig. 16 : la radiographie post-opératoire objective le positionnement implantaire.
Fig. 17 : la prothèse transitoire n’est en aucun cas compressive et l’espace ménagé permettra la prolifération muqueuse sur la membrane au niveau crestal tout en respectant les papilles en position.
Cas clinique n°2
Dans le contexte d’implantation immédiate postextractionnelle, la supraclusie ne permettant pas de disclusion stricte au niveau de la dent restaurée, est une contre-indication formelle à la mise en esthétique immédiate. Ce cas clinique va à l’encontre des principes usuels de préservation papillaire. Classiquement, il est de mise que le point de contact distant de 5 mm du col de l’implant est le garant d’un bon repositionnement papillaire. Cela est valable dans la mesure ou l’on cherche à recréer la papille… Autant éviter de l’effondrer en la soutenant dans sa position. Ce rôle est traditionnellement dévolu à la prothèse implanto-portée lors de la mise en esthétique immédiate.
Fig. 1 : dans un contexte traumatique, le patient se présente en urgence suite à un choc ayant entraîné la fracture de 12, conservable, et de 11 à fracture axiale imposant son avulsion. On observe une supraclusie importante qui contre-indique une mise en esthétique immédiate. La présence de diastème inter-incisif validé par le questionnaire médical et la mesure M-D de la dent 21 imposera une restauration finale de dimension équivalente et par conséquent en rétablissement du diastème initial.
Le soutien tissulaire est primordial et, en l’absence de temporisation immédiate implanto-portée (de par la supraclusie), il faut éviter un effondrement qu’il sera difficile de rattraper, en l’absence future de point de contact entre 11 et 21.
Fig. 2 : l’avulsion soigneuse atraumatique est réalisée selon le même principe que le cas clinique précédent.
Fig. 3 : l’implant (Astra 4,5/13) est placé selon les recommandations conventionnelles et un comblement vestibulaire réalisé. Afin de maintenir le volume tissulaire, un pilier de cicatrisation est positionné légèrement sous le collet vestibulaire et une éponge de collagène est suturée en croix. Son rôle est de fixer le caillot et de contenir les matériaux. La connexion conique nous autorise ici un positionnement étanche en sous-crestal.
Fig. 4 : noter le pilier de cicatrisation dont le haut effleure le niveau muqueux en vestibulaire.
Fig. 5 : la prothèse d’usage est réalisée 4 mois après implantation et comblement par une couronne monobloc transvissée (or – céramique). Ceci permet une parfaite adaptation et une étanchéité sans interférence de ciment de scellement. Noter à ce stade les positions des papilles médiane et distale.
Fig. 6 et 7 : contrôle clinique et radiologique 4 ans après la réalisation prothétique. Le niveau papillaire est idéalement situé à un niveau plus élevé que lors de la pose prothétique en Fig. 5. Cette réponse optimisée est liée au maintien des septa en mésial et distal, favorisé par l’absence de joint sous-gingival et par l’étanchéité de la connexion conique.
Cas clinique n°3
Dans un contexte de parodontite terminale, la préservation papillaire est un exercice difficile dès lors que la temporisation est réalisée par une prothèse complète immédiate post-extractionnelle. La compression de cette prothèse de par son support crestal et par son joint périphérique a des conséquences irrémédiables (si ce n’est par une greffe ultérieure) sur le niveau muqueux en général, et papillaire en particulier.
Il en résulte conventionnellement une fausse gencive dont la limite peut être disgracieuse si elle est exposée lors du sourire. La fausse gencive haute (au-delà de la ligne du sourire) quant à elle, ne pose pas ce type d’inconvénient.
Fig. 1 et 2 : patiente atteinte de parodontite terminale imposant l’avulsion complète des dents maxillaires. La mobilité est terminale et à l’occlusion, l’ensemble des dents bascule en avant.
Le sourire expose la ligne des collets rendant hautement probable la visibilité de la limite entre la muqueuse résiduelle et l’éventuelle fausse gencive.
Fig. 3 : en vue de profil, on note l’effondrement de la DV et la protrusion des alvéoles résiduelles. Une prothèse complète provisoire imposera une résection osseuse majeure afin de permettre l’insertion.
Cette composante associée à la compression prothétique et à la résorption post-extractionnelle entraînerait une perte irrémédiable des papilles et un effondrement du niveau muqueux. Sans parler du volume osseux obtenu après cicatrisation.
Fig. 4 : la radiographie objective le résidu d’ancrage au niveau des dents maxillaires.
Fig. 5 : la prothèse provisoire complète réalisée en préopératoire corrige sur articulateur la DV effondrée et repositionne les dents en normoclusion.
Cette prothèse est utilisée en guide chirurgical immédiatement après les extractions. Elle est perforée en occlusal et sert à positionner les implants dans un axe différent de celui des racines protrusives.
Fig. 6 : les implants sont placés en palatin à distance importante des murs vestibulaires afin d’anticiper le remodelage de ces procès protrusifs. Le faible ancrage des implants du fait de leur position palatine impose ici un nombre élevé, afin de garantir une stabilité suffisante de la structure prothétique. Celle-ci joue un réel rôle de fixateur externe.
Fig. 7 : des piliers coniques sont placés et les espaces vacants sont comblés avec de l’os allogénique (Biobank).
Fig. 8 : la prothèse-guide après empreinte de positionnement est retouchée au laboratoire afin de passer en profils d’émergences (sur des tubes transvissés provisoires) selon les règles de prothèses conjointes. Aucune selle ni plaque palatine n’est conservée. Les embrasures sont ouvertes et seront accentuées afin de permettre la prolifération des papilles. Elle est posée dans les 24 h post-opératoires.
Fig. 9 : aspect clinique de la temporisation implanto-portée en mise en charge immédiate et son intégration dans la ligne du sourire.
Fig. 10 : la radiographie objective le positionnement des implants et les tubes provisoires transvissés. L’impression de proximité radiologique est à relativiser à l’observation clinique de la position des implants sur la Fig. 6.
Fig. 11 : aspect clinique et radiologique à 2 ans. La prolifération et le maintien des papilles sont les témoins de la présence des septa osseux et de la bonne intégration de la biologie et de la biomécanique prothétique.
L’absence de joint et de ciment de scellement ainsi que la forte stabilité des connexions coniques sont des facteurs essentiels de ce maintien des tissus durs et mous.