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Agénésie des incisives latérales : apport d’une stratification de résines composites en technique directe

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Introduction

Avec une prévalence de 10 à 25 % d’agénésies dans le secteur antérieur, il n’est pas rare de devoir faire face à une telle situation clinique. Chez l’adulte, la solution implantaire reste une thérapeutique de choix, bien qu’il persiste des contre-indications (espaces réduits, défauts osseux, croissance tardive) et que le coût d’une telle réhabilitation peut constituer un frein. Les bridges collés en cantilever, largement décrit dans la littérature constituent alors une réelle alternative.

Ces thérapeutiques sont autant de solutions lorsqu’un maintien de l’espace est privilégié. Dans le cas d’agénésies multiples, une fermeture des espaces par traitement orthodontique peut être l’option de choix. Pour une intégration esthétique complète, l’utilisation de résines composite peut s’avérer alors indispensable. Avec l’amélioration de leurs propriétés optiques (teinte, indice de réfraction, état de surface), la réversibilité de leur mise en œuvre et un coût moindre, elles ne sont plus uniquement usitées pour restaurer une perte de substance dentaire. Avec un mimétisme amélioré pour une application simplifiée, leurs indications ne cessent de s’étendre : facette en technique directe, fermeture de diastème, modification de formes pour amélioration du sourire…

A travers un cas clinique, nous aborderons les différentes étapes de mise en oeuvre de résines composites pour obtenir des résultats reproductibles et prévisibles.

Examen clinique

Marie, 14 ans, est suivie au CRSD* de Montpellier dans le cadre d’un traitement pluridisciplinaire. Elle présente dix agénésies concernant notamment les incisives latérales maxillaires et l’intégralité des incisives mandibulaires. Les antécédents familiaux et le nombre d’agénésies nous imposent de réaliser une analyse génétique permettant le dépistage de grand syndrome.

Aucune pathologie sous-jacente associée n’est diagnostiquée. En fin de traitement orthodontique, la patiente nous est adressée pour améliorer l’harmonie de son sourire. Les canines définitives 13 et 23 sont mésialées en place des incisives latérales (fig.1 et 2). Une modification de forme par ajout de résine composite est prévue pour les « transformer » en incisives. Les canines temporaires seront maquillées dans un deuxième temps.

analyse-du-sourire

Fig. 1 : situation initiale après traitement orthodontique : les canines définitives sont mésialées en position des incisives latérales. Les incisives centrales n’ont pas la prédominance habituelle d’un sourire naturel, leur allongement est nécessaire. Fig. 2. : vues occlusales et latérales initiales après traitement orthodontique

Procédure clinique

Analyse du sourire : photographies, moulages

Préalablement à toute intervention dans le secteur antérieur, une analyse précise à partir de clichés photographiques et de modèles d’étude est fortement recommandée. La restauration ne doit pas être envisagée de façon individuelle. La dent restaurée doit s’intégrer harmonieusement dans l’ensemble complexe qu’est le sourire.

Dans le cas présent, l’observation du cliché préopératoire, nous informe sur la nécessité de rallonger les incisives centrales (fig.1). Sans cela, le bord libre de nos futures restaurations, donné par les pointes canines de 13 et 23, s’alignerait avec celui des incisives centrales maxillaires (fig. 2). Pour un sourire plus naturel, il est recommandé de situer le bord des incisives latérales de 0,5 à 1,5 mm au-dessus de la ligne joignant les points les plus incisifs des centrales et des canines [1]. A partir du modèle d’étude, une cire de diagnostic est réalisée. Au-delà de pouvoir pré-visualiser les futures modifications, elle permet de confectionner un guide en silicone (fig. 3), facilitant la réalisation des faces palatines.

cires de diagnostic et cle en silicone

Fig. 3 : cires de diagnostic et clé en silicone pour le montage des faces palatines

Forme

Il est important d’identifier la forme générale des dents de sorte à la reproduire pour une meilleure intégration esthétique.

Magne et Belser [1] décrivent trois types essentiels de formes de dents : carré, ovoïde et triangulaire.

Avec des contours proximaux courbes délimitant un collet étroit et un bord incisif plutôt arrondi, la morphologie des incisives maxillaires de notre patiente est plutôt de type ovoïde (fig. 1).

Teinte

La technique du « bouton de composite » est utilisée pour la sélection de la teinte (fig. 4). De petites quantités de résines sont appliquées sur la dent (sans adhésif), les masses dentines dans le tiers moyen ou cervical et les masses émail en incisal.

L’observation se fera après polymérisation des échantillons.

Les teintes Medium Dentin (GC Essentia – MD) et Light Enamel (GC Essentia – LE) sont retenues. Une photographie en noir et blanc permet de valider la luminosité des résines choisies (fig. 4). Cette dernière propriété optique, maximale dans le tiers moyen de la dent, apparaît comme la composante primordiale dans le choix de nos résines composites [1].

selection-de-la-teinte

Fig. 4 : sélection de la teinte : technique du « bouton » de composite

Etat de surface

L’état de surface influence directement la luminosité. La géographie marquée des dents jeunes entraîne une plus grande réflexion de la lumière et de fait une luminosité accrue. Les clichés photographiques en vues latérales et occlusale mettent en évidence la macro géographie, notamment les différents lobes segmentant la face vestibulaire des incisives centrales.

La micro géographie (anatomie dans le sens horizontal) est plus difficilement perceptible du fait de sa légère altération par le traitement orthodontique.

Isolation : mise en place du champ opératoire

L’isolation imposée par les techniques adhésives nécessite la mise en place d’une digue. Au-delà de l’étanchéité, la pose du champ apporte un confort opératoire, facilitant l’ergonomie et améliorant la visibilité. Pour la première séance, nous envisageons d’intervenir sur les incisives centrales et les canines permanentes. Les canines temporaires seront restaurées ultérieurement. Les crampons sont mis en place sur les dents les plus distales, à savoir les premières prémolaires permanentes. Pour bien positionner les perforations sur le champ, le milieu du bord libre des dents à isoler est marqué à l’aide d’un feutre directement sur la feuille de digue posée sur l’arcade. Le choix d’une feuille de digue épaisse (Nic Tone Heavy blue) facilite son enfoncement dans le sulcus, et permet de repousser la gencive marginale (fig. 5).

pose d-un large champ operatoire

Fig. 5 : pose d’un large champ opératoire. Les ligatures en fil dentaire permettent de refouler la digue dans le sulcus (inversion de digue)

Préparation de la surface dentaire

Le collage s’effectuant sur de l’émail, l’utilisation d’un système adhésif en mordançage total est préconisé (G-Premio BONDGC).

La mise en oeuvre de l’adhésif étant spécifique à chaque produit, il est important d’appliquer avec rigueur le protocole préconisé par le fabricant.

Stratification

L’amélioration du mimétisme des résines composites permet d’établir un protocole de stratification simplifié, en revenant au concept classique à deux couches décrit il y a plus de 30 ans [5]. Avec le concept ESSENTIA® de GC, deux masses principales sont usitées, l’une avec les caractéristiques de translucidité de l’émail et l’autre plus opaque, chromatiquement saturée comme la dentine. Il est recommandé de débuter les restaurations par les incisives centrales maxillaires qui définissent la médiane et les axes dentaires [4]. Une fine couche de composite émail (Essentia LE) est appliquée dans la clé silicone palato-incisale. Une « coque » palatine est ainsi créée.

Les incisives centrales allongées, un « bourrelet » très fin de composite dentine (Essentia MD) est apposé le long du bord libre pour constituer un liseré opaque qui souligne la translucidité de la zone sous-jacente.

stratification-de-la-masse-dentine

Fig. 6 : les incisives centrales sont allongées et légèrement élargies pour conserver un ratio largeur/hauteur naturel. Les dents naturelles apportent l’opacité nécessaire sous la résine composite émail (Essentia LE). Seul un très fin bandeau de masse dentine (Essentia MD) est appliqué en incisal pour créer un effet halo. L’application des composites est facilitée par l’utilisation d’un pinceau plat (GC Gradia légèrement imbibé de Composite Primer) ou d’une spatule large et fine (LM- Arte Modella). Fig. 7 : stratification de la 13 : une masse dentine (Essentia MD) est nécessaire au niveau de l’angle mésial, la face vestibulaire est ensuite recouverte de masse émail (Essentia LE). Une bandelette deTéflon® isole la dent adjacente, elle évite à la résine composite d’y adhérer lors la gestion du point de contact.

Les irrégularités des bords libres de 11 et 21 donnant l’illusion de lobes dentinaires sous la masse émail, il est décidé de ne pas ajouter de masse dentine supplémentaire. L’augmentation de la hauteur des incisives centrales nous conduit à les élargir légèrement de sorte à maintenir un rapport largeur/hauteur compris entre 75 et 85 % [1] [2]. L’épaisseur de composite dans le sens mésio-distal n’excédant pas 1mm, l’apposition d’une simple couche de masse émail est acceptable [4] (fig. 6).

Au niveau des canines, la modification de forme plus importante impose un apport de résine composite de plus d’1 mm en proximal. Il est alors préférable de placer une masse dentine opaque en sous couche avant de la recouvrir de masse amélaire (fig. 7).

Contourage

La stratification terminée, les formes de contour sont retouchées à l’aide de fraises diamantées bague rouge ou de disques à polir (3M Sof-lex). Le bord libre est finalisé, les angles adoucis et les embrasures occlusales dessinées. Les lignes de transition sont mises en évidence avec une mine de crayon appliquée tangentiellement à la surface dentaire (fig. 7). Pour une symétrie parfaite, un pied à coulisse peut être utilisé pour reproduire avec précision la distance séparant les crêtes interproximales.

lignes de transition

Fig. 8 : les lignes de transition sont dessinées à l’aide d’une mine de crayon. La largeur et les contours de ces lignes doivent être symétriques.

Les zones externes aux lignes de transition sont travaillées à l’aide de disques abrasifs flexibles de granulométrie décroissante ou de strips émerisés. La surface est lisse, surlignant les lignes de crête qui agissent comme de véritables réflecteurs de lumière. La face vestibulaire proprement dite est ainsi délimitée. Après retouches pour ajuster le profil d’émergence, elle présente souvent un aspect uniforme et mat.

vue laterale des restaurations

Fig. 9 : vue latérale des restaurations après contourage.

A la suite d’une longue séance de stratification, une finition sommaire doit être effectuée. Le champ opératoire déposé, il est important d’éliminer les excès de résine composite dans la zone cervicale à l’aide d’une lame de bistouri courbe (lame n°12). Le travail de l’état de surface et le polissage pourra être différé et les éventuelles modifications à apporter décidées après analyse du cliché post-opératoire de première séance.

La digue déposée, nous constatons une plage de translucidité légèrement trop importante sur le bord incisal des incisives centrales, donnant cet aspect grisâtre caractéristique (fig. 10).

Ce défaut optique est accentué par la déshydratation des dents sous champ opératoire. A une semaine, après réhydratation complète, l’effet s’est suffisamment atténué pour ne pas juger nécessaire une réintervention. (fig. 10).

vue-des-restaurations-composites

Fig. 10 : vue des restaurations composites directement après dépose du champ opératoire. La gencive marginale a été refoulée par la digue. L’aspect grisâtre des bords libres de 11 et 21, accentué par la déshydratation des dents, s’explique par l’absence de masse dentine opaque dans la zone incisale.

Finition et polissage

Souvent négligée car intervenant en fin de séance, les étapes de finition sont pourtant primordiales pour un rendu esthétique optimal. Elles ont été réalisées au cours d’une deuxième séance clinique dédiée, au cours de laquelle les canines temporaires ont également fait l’objet de modifications. La macro géographie, composante verticale de l’état de surface est effectuée en premier [1]. Les zones de concavité, les méplats, les rainures sont dessinées par le passage à faible vitesse d’une fraise diamantée, bague rouge (fig. 10).

La micro géographie est le résultat direct des lignes de croissance. Elle s’obtient par l’application manuelle fraise diamantée gros grains, de la face mésiale vers la face distale (sans revenir en arrière). Elle n’a pas été reproduite dans le cas présenté.

Un contrôle de l’occlusion est effectué à l’aide papiers à articuler fins. L’objectif fixé semble rempli, la patiente retrouve son sourire pour notre plus grand plaisir (fig. 11).

A l’issue de ces différentes étapes, les procédures de polissage et de glaçage sont réalisées. Elles permettent de révéler la stratification du composite et la géographie recréée sans effacer la texture de surface. Le polissage s’est fait avec des polissoirs siliconés et une brossette diamantée (Optident Groovy diamond brush). Le brillantage est obtenu à l’aide d’un disque en poil de chèvre associée à une pâte à polir. Une meulette en coton aurait pu être utilisée pour optimiser le lustrage final.

finition-et-polissage

Fig. 10 : vue finale des restaurations composites Fig. 11 : mise en évidence de la macro géographie Fig. 11 : vue post-opératoire montrant l’amélioration significative du sourire par stratification de résines composites. La satisfaction est d’autant plus grande qu’elle résulte d’une technique adhésive totalement non-invasive.

Conclusion

La céramique est souvent considérée comme le matériau de choix dans les cas à forte exigence esthétique. Aujourd’hui, le choix n’est plus si évident, les résines composites bénéficient d’excellentes propriétés esthétiques, d’une longévité tout à fait acceptable, le tout pour un coût réduit [4] [6] . Leur mise en œuvre s’est simplifiée avec un mimétisme amélioré. Avec une connaissance des matériaux employés, un minimum de rigueur et une bonne observation préalable, il est possible d’obtenir des résultats satisfaisants sans pour autant être un praticien d’exception. A l’heure d’une dentisterie toujours plus conservatrice, la stratification de résines composites par technique directe se doit de faire plus que jamais parti de notre arsenal thérapeutique.

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A propos de l'auteur

Dr. Julien ROCHE

AHU, exercice libéral à Prades-le-Lez

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