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Comment gérer les subtilités anatomiques du traitement orthodontique de l’adulte

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L’adulte en orthodontie présente des particularités qui peuvent être liées à son passé dentaire ou orthodontique. Donc en plus des spécificités anatomiques, le traitement orthodontique de l’adulte doit prendre en considération l’environnement social du patient avec cependant des exigences de résultat esthétique et fonctionnel.

L’analyse d’un cas de restauration du sourire chez l’adulte repose sur une réflexion globale qui peut faire appel à l’ensemble des disciplines de la dentisterie. Les thérapeutiques qui peuvent être mises en œuvre présentent des caractéristiques que l’on doit également intégrer dans la réflexion : l’économie tissulaire, la durée du traitement, les changements d’équilibre dentaire, squelettique et musculaire et aussi le coût. Dans tous les cas, l’état parodontal devra être préalablement évalué, assaini si nécessaire et contrôlé régulièrement car c’est la base de toute démarche thérapeutique qui se veut durable.

Le cas clinique présenté illustre l’importance de l’analyse complète d’un cas et l’intérêt de connaître les limites biomécaniques des différents outils orthodontiques dont nous disposons aujourd’hui afin de pouvoir établir le plan de traitement le plus judicieux.

photographies-du-sourire-etape-initiale

Figures 1 : photographies du sourire, étape initiale.

Cas clinique

Mme L. est une jeune femme de 30 ans qui a déjà suivi un traitement orthodontique multibague à l’âge adolescent avec extractions de 4 prémolaires (14-24-34-44).

Elle souhaite corriger les malpositions de ses incisives latérales 12 et 22 et a conscience que ses premières molaires inférieures « penchent » vers l’intérieur de sa bouche ce qui entraîne une accumulation de tartre du côté lingual. Elle consulte un dentiste qui souhaite avoir un avis orthodontique.

Examen clinique

Mme L. présente un visage harmonieux de face comme de profil. La ligne du sourire est globalement équilibrée mais révèle les malpositions de 12 et 22 (Fig. 1a et 1b).

Elle présente une occlusion de classe II avec insuffisance d’occlusion latérale et postérieure ; insuffisance du sens transversal de l’arcade supérieure et linguoversion marquée de 36 et 46 qui sont en plus en mésioversion ; malpositions du groupe incisivo-canin et absence de 14-24-34-44 (extraites à l’adolescence) (Fig. 2a, 2b, 2c, 2d, 2e).

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Figures 2 : arcades dentaires, étape initiale.

Examen radiographique

L’examen radiographique met en évidence des éléments essentiels qui guideront les choix thérapeutiques. Nous pouvons observer des racines dentaires très courtes, en particulier pour ce qui concerne 12, 22 et les incisives inférieures (Fig. 3a). Par ailleurs, le panoramique dentaire objective bien la mésioversion de 36 et 46 qui présentent également des racines dentaires plutôt courtes. Ceci peut être probablement attribué à des résorptions radiculaires qui se seraient produites lors du traitement orthodontique multibague que la patiente a suivi à l’âge adolescent avec extractions de 4 prémolaires. Des déplacements orthodontiques importants ou des forces exercées trop intenses peuvent être à l’origine de ce genre de résorption ; des prédispositions individuelles sont des facteurs aggravants à ces résorptions liées à des déplacements dentaires provoqués [1, 2].

Quoi qu’il en soit, nous devons prêter une attention particulière à cette situation délicate : il faudra prendre en considération cette fragilité anatomique dans nos choix thérapeutiques.

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Figures 3 : panoramique dentaire et téléradiographie de profil, étape initiale : on observe d’importantes résorptions radiculaires

Plan de traitement discussion des choix thérapeutiques

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Figures 4 : amélioration du parodonte après greffes gingivales à l’arcade inférieure

Mme L. présente une gencive fine, des récessions gingivales surtout localisées à l’arcade inférieure et un manque de gencive attachée sur certaines dents (Fig. 2a, 2b et 2c). Elle a donc tout d’abord été adressée chez un parodontiste afin d’évaluer les possibilités d’améliorer le parodonte en amont du traitement orthodontique afin de prévenir une aggravation des récessions pendant les déplacements dentaires.

Il a été réalisé des greffes de tissu conjonctif enfoui à l’arcade inférieure au niveau des prémolaires jusqu’à la 1ère molaire inférieure gauche, des canines et des incisives ; la résection du frein médian de la lèvre inférieure a aussi été réalisée (Dr Thierry MOUSQUES, parodontiste) (Fig. 4a, 4b et 4c).

Les récessions gingivales de l’arcade supérieure sont sous surveillance et une technique de brossage adaptée a été enseignée à la patiente. On observe une amélioration de l’épaisseur de gencive et une nette diminution des récessions gingivales.

Des photographies prises régulièrement permettent de surveiller l’évolution de ces récessions.

Les 4 dents de sagesse ont été extraites. Bien que 36 et 46 aient un pronostic plus réservé, il a été décidé d’extraire 38 et 48 car l’option de la mésialisation orthodontique de 37 et 47 nous a semblé contre indiqué compte-tenu de la fragilité radiculaire de cette patiente.

La patiente a été informée que des implants seraient posés en place de 36 et 46 en cas de perte de ces dents pendant le traitement. Elle a également été prévenue de la possibilité d’interrompre le traitement en cas d’aggravation majeure des résorptions radiculaires déjà présentes.

Il a été décidé de redresser les axes de 36 et 46 dans les 3 sens de l’espace car leur situation (linguoversion et mésioversion) est en elle même un facteur défavorable à leur préservation future. Un bon contrôle du sens vertical est nécessaire pendant le redressement de ces dents afin de ne pas engendrer d’ouverture de l’occlusion.

La proposition d’un traitement orthodontique par multibague bimaxillaire a été exclue par l’orthodontiste du fait du risque trop important d’aggravation des résorptions radiculaires (en particulier pour ce qui est des incisives inférieures).

Un traitement par aligneurs a été proposé à la patiente car ce type de technique permet un déplacement progressif et très contrôlé des dents [3]. Toutefois, ce type de technique a actuellement des limites, en particulier pour la correction des inversés d’articulé et pour la correction d’endoalvéolie. Le redressement important d’axes de dents mésioversées tel que celui des molaires 36 et 46 n’est pas possible avec les aligneurs et les mouvements d’égression et d’ingression sont également difficiles avec ce type de système.

fin-de-la-phase-un

Figure 5 : phase 1 Figure 6 : fin de la phase 1

Il a donc été décidé de réaliser ce traitement orthodontique en 2 phases :

Phase 1 (15 mois) : Correction du sens transversal de l’arcade supérieure par plaque amovible et élastiques intermaxillaires ; et redressement des axes de 36 et 46 dans les 3 ordres par multibague partiel inférieur sans prise en charge des incisives inférieures dont les racines sont déjà très courtes (Fig. 5).

L’objectif de cette 1ère phase orthodontique est de préparer la situation dentaire afin d’arriver dans les meilleures conditions pour entamer ensuite la phase d’alignement (Fig. 6).

Phase 2 (9 mois) : Le sens transversal est maintenant corrigé, les axes de 36 et 46 sont corrigés : on se retrouve maintenant dans une situation d’alignement dentaire simplifié.

aligneurs-Invisalign-avec-taquets

Figures 7 : aligneurs Invisalign* avec taquets.

Le système d’aligneurs (technique par gouttières Invisalign*) pourra exprimer au mieux ses qualités d’alignement dentaire avec un souci de déplacements dentaires progressifs et contrôlés (Fig. 7a et 7b).

panoramique-dentaire

Figure 8 : panoramique dentaire, fin de traitement orthodontique : les résorptions radiculaires initiales n’ont pas augmenté.

A l’examen du panoramique de fin de traitement (Fig. 8), nous pouvons observer que les résorptions radiculaires initialement présentes n’ont pas été aggravées ; le choix thérapeutique d’avoir sollicité les incisives inférieures le moins longtemps possible et avec des forces d’amplitude contrôlée a été dans ce cas l’option thérapeutique la plus prudente.

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Figures 9 : arcades dentaires, fin de traitement orthodontique.

photographies-du-sourire

Figures 10 : photographies du sourire, fin de traitement orthodontique.

Le bon engrènement occlusal obtenu en fin de traitement orthodontique laisse présager une bonne stabilité du résultat (Fig.9a, 9b, 9c, 9d et 9e). Des contentions nocturnes par gouttières sont cependant préconisées.

Les contentions collées linguales ne sont pas réalisées afin de ne pas gêner le contrôle de plaque.

Conclusion

L’orthodontie chez l’adulte doit faire appel à l’ensemble des disciplines de la dentisterie, avec en particulier un bilan de l’état parodontal clé de voûte de toute démarche thérapeutique qui se veut durable. Le parodonte devra être préparé autant que possible en amont du traitement orthodontique.

L’analyse systématique complète des cas et la connaissance des limites biomécaniques des différents outils orthodontiques dont nous disposons aujourd’hui sont nécessaires à la réflexion qui permettra la mise en place de plans de traitement adaptés à la situation de chaque patient. Le séquençage et la combinaison de techniques pourront alors être menés par l’orthodontiste.

Bibliographie

1. Dudic A, et al. Orthodontically induced cervical root resorption in humans is associated with th amount of tooth movement : Eur J Orthod. 2017 Oct 1 ; 39(5) : 534-540.
2. Nieto-Nieto N, Solano JE, Yanez-Vico R. External apical root resortion concurrent with orthodontic forces : the genetic influence : Acta Odontol Scand. 2017 May ; 75(4) : 280-287.
3. Elhaddaoui R, et al. Orthodontic aligners and root resorption : A systematic review : Int Orthod. 2017 Mar ; 15(1) : 1-12.

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A propos de l'auteur

Hoa-Cuc TRAN-MINH

Spécialiste Qualifiée en Orthodontie, CECSMO, Paris 7
Ancien interne des hôpitaux de Paris,
Maîtrise en Sciences Médicales

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