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Les critères de l’esthétique dento-gingivale

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L’harmonie du sourire ne peut se concevoir sans un « écrin gingival » parfaitement sain avec un volume et des formes équilibrées. Le praticien doit tout d’abord savoir analyser les critères de l’esthétique dento-gingivale pour détecter les principales altérations du sourire de son patient, puis proposer des solutions chirurgicales ou prothétiques compensatrices. Un défaut des tissus gingivaux ne peut pas être compensé par la qualité d’une prothèse dentaire aussi bien réalisée soit elle. Les critères fondamentaux de l’esthétique dento-gingivale sont parfaitement établis et doivent faire partie de la culture esthétique de l’omnipraticien.

Esthétique dento-gingivale

Le cadre gingival du sourire

Lorsque nous regardons une personne qui parle ou sourit, nous ne retenons qu’une vision d’ensemble de ses dents et de sa gencive, les détails échappent s’il n’y a pas un intérêt particulier à les connaître. R.E. Lombardi définit en 1973 (1) la notion « d’arc dentaire antérieur ». Il s’agit de l’entité morphologique constituée par les six dents antérieures maxillaires (Fig.1). Cet arc est limité vers le haut par la ligne ou découpe gingivale et vers le bas par la ligne ou découpe incisale. Toute deux ont un fort pouvoir expressif dans le sourire. L’harmonie gingivale, qu’il s’agisse d’un parodonte sain ou post-chirurgical, dépend de plusieurs facteurs qui seront évalués lors de l’examen clinique initial.

arc-dentaire-anterieur

Harmonie de la ligne gingivale

Dans le cadre de sourires découvrant la gencive, la symétrie des festons gingivaux par rapport au médian du visage est un prérequis à toute réalisation prothétique (Fig. 2). Tout décalage des collets gingivaux qui crée une asymétrie marquée justifie des interventions de chirurgie parodontale pré-prothétique. Le plus souvent, on réalise des gingivo-plasties ou des techniques de greffe (2).

Principe de l’aile de mouette d’Abrams

Le galbe vertical de la gencive doit respecter le principe de « l’aile de mouette d’Abrams » (cité dans (3) (4)). C’est-à-dire qu’aux gencives épaisses correspondent des profils dentaires axiaux bombés et aux gencives fines des dents plates. Cette correspondance des formes est en rapport avec la nécessité d’un profil déflecteur pour le bol alimentaire (Fig. 3).

galbe-et-profil-de-l-incisive

Zénith du contour gingival incisif

Au niveau des incisives maxillaires, Preston J.D. et Miller E.L. font la remarque que le point le plus apical du contour gingival est toujours déjeté en distal par rapport au médian. Rufenacht C.R. (5) note que ce caractère est toujours présent pour les I1 et inconstant pour les incisives latérales. En fait, il correspond morphologiquement à la présence sur les couronnes des I1 d’un lobe distal volumineux qui s’harmonise avec un contour gingival haut situé (Fig. 4).

Festonnage des papilles et embrasures

Au niveau des incisives, l’harmonie repose sur l’existence d’un feston gingival sain, rose pâle avec des papilles proximales qui comblent les embrasures cervicales évitant ainsi l’effet disgracieux de « trous noirs » proximaux. Les maladies parodontales, les prothèses fixées mal adaptées ou l’age peuvent modifier cette architecture gingivale. La perte des septa osseux proximaux étant irréversible, nous trouvons des solutions prothétiques pour compenser ces défauts esthétiques (6).

Biotype gingival

L’évaluation du biotype gingival est un préalable avant tout acte restaurateur. Les gencives épaisses et fibreuses pourront facilement masquer par leur opacité une limite prothétique sous gingivale, alors qu’une gencive fine et transparente est plus défavorable à la prothèse.

Altérations et solutions chirurgico-prothétiques

Aspects thérapeutiques

Il n’y a pas d’esthétique sans parodonte sain. Nos traitements commencent toujours par une mise en condition parodontale avec apprentissage des règles d’hygiène strictes. L’utilisation de moyens de nettoyage proximaux (fil de soie, brossettes proximales, bâtonnets) est un pré-requis de la prothèse parodontale.

Il existe de nombreuses techniques de chirurgie parodontale pour corriger les dysharmonies gingivales de volume et de forme. On parle de chirurgie plastique parodontale (2). Les techniques les plus performantes sont celles des greffes de conjonctif enfoui tant en prothèse dento-portée qu’au stade 2 de la chirurgie implantaire. Dans tous les cas, la santé parodontale passe par des « incontournables prothétiques » qui garantissent l’intégration biologique de la prothèse à long terme. L’ajustage des marges prothétiques, la gestion du profil d’émergence et du profil axial et la prise en compte de l’occlusion en sont les principaux éléments.

Cas clinique 1 : équilibration de la ligne gingivale

equilibration-du-ligne-gingivale

Cette patiente de 55 ans souhaite des dents plus claires et mieux alignées, elle veut rajeunir son sourire. Elle refuse l’orthodontie que nous lui avons proposée pour l’alignement de 22 et 23. Le plan de traitement comporte des facettes de céramique feldspathiques sur 12, 11 et 21 et une couronne céramo-céramique (In Ceram® Spinelle) sur 22 (Fig. 5b).

L’asymétrie marquée de la ligne gingivale (Fig. 5a) justifie un aménagement parodontal pré prothétique. Une gingivectomie est réalisée sur 12 (Fig. 6) et une greffe de conjonctif enfoui recouvre les collets de 22 et 23 (Fig. 7a et 7b). Ces interventions permettent de retrouver un équilibre dans la vision d’ensemble de l’arc dentaire antérieur. La prothèse n’est réalisée que dix à douze semaines après la chirurgie plastique gingivale.

Cas clinique 2 : Cas complexe pluri-disciplinaire

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Cette patiente de 20 ans souhaite réaliser une couronne définitive en céramique sur 11 après un traitement orthodontique de quatre années. Cependant, les problèmes sont nombreux : la dent 11 est perdue car elle n’a aucune valeur intrinsèque et présente une lésion apicale récidivante, la 12 est en rotation mésiale, la 23 a été mise à la place de la 22 absente par agénésie. En fin de traitement orthodontique, il y a un excès de place antérieur au maxillaire (Fig. 8a et 8b). La mise en place d’un implant est décidée à la place de 11 et des facettes de céramique collée vont permettre l’alignement de la 12, le remplacement d’un composite de classe 4 volumineux et l’élargissement de 21, enfin la transformation de 23 en 22. L’instabilité occlusale ayant entraîné une dysfonction musculaire, nous réalisons un ajustage pré-prothétique de l’occlusion. Le respect de l’équilibre de la ligne gingivale, et en particulier le maintien des papilles proximales de part et d’autre de la 11 implantaire, est un objectif important dans la gestion des tissus mous.

Ce cas clinique montre un compromis esthétique puisque la patiente refuse un nouveau traitement orthodontique. Celui-ci aurait permis d’améliorer les relations intermaxillaires, d’aligner les milieux inter incisifs en créant l’espace pour 22 et de rétablir une classe 1 d’angle du coté gauche. La bonne solution aurait été le choix de deux implants pour 11 et 22.

Les risques esthétiques de ce traitement sont :

  1. le mélange des techniques céramiques (couronne céramo- métallique transvissée sur implant en 11 et facettes de céramique feldspathique sur les autres dents) ;
  2. la difficulté de gérer les tissus mous (situation du collet et préservation des papilles proximales) lors de la chirurgie implantaire ;
  3. la répartition des formes entre les quatre incisives pour fermer les diastèmes (détermination d’un rapport hauteur/ largeur harmonieux).

L’esthétique de la prothèse finale doit déterminer le positionnement de l’implant. Dans le sens vestibulolingual l’implant est positionné en palatin (Fig. 9c) pour permettre un vissage de la couronne sur son pilier conique au niveau du cingulum. Dans le sens vertical, l’implant est assez enfoui pour pouvoir gérer par la forme d’émergence prothétique le guidage des tissus mous. Dans le sens transversal, l’implant est positionné à mi-distance entre les dents collatérales pour permettre la reformation des papilles proximales (Fig. 9c). Du fait de la situation initiale défavorable, l’implant est laissé enfoui six mois pour son ostéointégration avant la réouverture.

Au stade 2 chirurgical, une greffe de conjonctif enfoui est réalisée pour augmenter l’épaisseur de la gencive marginale et mieux gérer le feston gingival (Fig. 10a). La prothèse transitoire est mise en place quatre semaines après le stade 2 chirurgical. Elle est sculptée pour assurer le meilleur guidage des tissus mous proximaux et vestibulaires (Fig. 10b et 10c). Si le résultat est satisfaisant, le profil du col prothétique est reproduit à l’identique sur la couronne céramique définitive. La prothèse transitoire, en particulier dans sa portion sous gingivale, joue un rôle de guide de cicatrisation et de maturation gingivale (Fig. 11a). Elle doit être parfaitement polie et glacée (Bis cover® Ultradent) pour retenir le moins possible la plaque bactérienne. L’aspect esthétique gingival s’améliore encore pendant plusieurs mois autour de la prothèse céramique traduisant l’excellente biocompatibilité des céramiques (Fig. 11b).

Conclusion

Dans la gestion des tissus mous deux notions sont essentielles : la temporisation et la maturation gingivale. La temporisation permet d’apprécier la stabilisation de l’environnement parodontal au stade des prothèses transitoires. La maturation gingivale s’observe dans les mois qui suivent la mise en place de la prothèse définitive. L’aspect esthétique final du cadre gingival ne pouvant réellement s’apprécier qu’entre six à douze mois après les réaménagements parodontaux. La notion de prise de risques est un élément clef de la décision thérapeutique. Le triptyque : « Coût – Sécurité – Santé » oriente nos choix et ceux du patient. Dans le cadre d’indications réfléchies, ces traitements pluridisciplinaires esthétiques donneront de grandes satisfactions tant au patient qu’au praticien.

Bibliographie

1. Lombardi R.E. The principles of visual perception and their clinical application to denture esthetics. .J Prosthet Dent 1973;29:358-382.
2. Borghetti A., Monnet-corti V. Chirurgie plastique parodontale. Paris : Editions CDP, 2000.
3. Kay H.B. Esthetic considerations in the definitive periodontal prosthetic management of the maxillary anterior segment. Int J Periodont Restor Dent 1982;2:44-59.
4. Kay H.B. Critères de modelage des couronnes prothétiques en fonction d’un environnement parodontal modifié. Rev Int Parodont Dent Rest 1985;3:43-63.
5. Rufenacht C.R. Fundamentals of esthetics. Berlin. Quintescence,1990.
6. Magne P., Belser U. Restaurations adhésives en céramique sur dents antérieures. Approche biomimétique. Paris. Quintessence International, 2003.

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A propos de l'auteur

Dr. Jean-François LASSERRE

MCU/PH
Université de Bordeaux
Pratique libérale
Professeur Associé à l'Université Médicale de Cluj-Napoca
Professeur Associé à l'Université d'Ho Chi Minh Ville
Professeur Honoris Causa à l'Université Médicale de Hanoi

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