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Ostéotomies segmentaires d’augmentation verticale des crêtes alvéolaires atrophiées

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L’augmentation verticale des crêtes alvéolaires est largement décrite par greffes osseuses en blocs ou en particules. Ces techniques présentent comme inconvénients la morbidité liée à un deuxième site de prélèvement et des suites opératoires conséquentes. Le segment prélevé étant un os non vascularisé, il subit alors un remodelage pour son intégration, entraînant une résorption estimée à plus de 20 %.

La revue de la littérature concernant les taux de succès des procédures d’augmentation montre des taux variables en fonction des techniques : de 60 à 100 % pour la régénération osseuse guidée (ROG), de 92 à 100 % pour les greffes en onlay, de 98 à 100 % pour les techniques d’expansion alvéolaire et de 96,7 à 100 % pour la distraction alvéolaire (Chipasco et coll 2006).

L’analyse plus fine des taux de succès des implants posés dans l’os augmenté révèle des taux variables en fonction de ces mêmes techniques. Ainsi, les taux de survie des implants varient de 92 à 100 % pour les régénérations osseuses guidées (ROG), de 60 à 100 % pour les greffes en onlay (sans distinguo des greffes par Bocs ou par particules), de 91 à 97,3 % pour l’expansion alvéolaire et de 90,4 à 100 % pour la distraction alvéolaire (Chipasco et coll. 2006).

La conclusion des précédents résultats met en évidence le rôle du remodelage dans la viabilité de l’augmentation et par conséquent du rôle majeur de la vascularisation et de l’angiogenèse.

D’autres alternatives aux greffes existent : les ostéotomies segmentaires axiales. Elles peuvent être progressives (distraction alvéolaire : DA) ou immédiates (Ostéotomies Segmentaires à proprement parler).

On s’intéressera dans cet article à cette technique immédiate.

L’ostéotomie segmentaire, consiste à sectionner un segment osseux crestal qui sera maintenu vascularisé par ses attaches muqueuses et déplacé coronairement, en ouvrant l’espace médullaire. Il est alors stabilisé dans sa position finale par ostéosynthèse.

Historique

Schettler réalise en premier cette ostéotomie à visée alvéolaire. Sa technique consiste en une ostéotomie axiale de la symphyse et un déplacement coronaire du fragment sectionné, suivi d’une interposition de cartilage entre ce fragment osseux et l’os basal (rapporté par Harle 1975). Schettler, en 1976, a utilisé la même technique en interposant un greffon osseux iliaque. Harle, en 1975, décrit une technique d’ostéo tomie transversale du segment lingual symphysaire, avec déplacement coronaire de ce fragment pédiculé.

Ces techniques ont été initialement utilisées en vue d’augmentation de la crête alvéolaire en prothèse complète conventionnelle. A cette même fin de prothèse amovible, Stoelinga et coll. en 1986, ont combiné des ostéotomies segmentaires axiales et interposition de greffon dans la région symphysaire, associées à des tunnelisations distales et greffe de mélange d’os autogène et d’hydroxyapatite.

La stabilisation (du segment déplacé) à l’os basal est réalisée par des ligatures mandibulaires. Vanassche et coll. 1988 ont également utilisé cette technique chez 55 patients pour une augmentation de mandibules sévèrement résorbées. Des prothèses amovibles d’usage sont réalisées six mois post augmentation.

Les patients ont été suivis sur une durée de 2 à 3 ans et l’examen des courbes de résorption publiées dans l’article montre une résorption de l’ordre de 10 % à 6 mois et après le port des prothèses amovibles de 30 % à 3 ans. Il faut insister sur le fait que cet os reconstitué a subi des forces compressives par cette prothèse amovible.

Haers et coll. 1991, ont réalisé, chez 92 patients à atrophie mandibulaire sévère, des augmentations à visées implantaires ou de vestibuloplasties selon la technique de Stoelinga. La perte osseuse évaluée dans la zone de segmentation est de l’ordre de 8 % à 6 mois. Après la réalisation prothétique (prothèse amovible éventuellement stabilisée par deux implants), de l’ordre de 20 % sur un suivi de deux à cinq ans.

Stelligsma et coll. 1998, réalisent, sur 10 patients, une ostéotomie interforaminale avec interposition d’os iliaque et une greffe en onlay distale par tunnelisation.

L’incision est vestibulaire de pleine épaisseur dans la région antérieure. L’augmentation est de l’ordre de 10 mm et la stabilisation assurée par la pose de plaques. Le suivi est de 31 mois en moyenne (19 mois à 57). La perte osseuse péri-implantaire est modérée et les auteurs la mesurent à des valeurs identiques à celles observées dans un os non augmenté.

En 2005, dans un rapport de cas clinique, Yeung décrit une ostéotomie sandwich mandibulaire postérieure. L’espace est comblé par de l’os iliaque. Aucun suivi de ce cas ni de radiologie des implants supposés ne sont rapportés dans cet article.

En 2006, Jensen a présenté une étude rétrospective pour évaluer la stabilité dimensionnelle de l’augmentation alvéolaire au niveau du secteur mandibulaire postérieur en utilisant une technique d’ostéotomie segmentaire avec translation d’os pédiculé et interposition d’un greffon osseux ramique. Huit patients avec dix sites greffés ont été suivis pour une période de 1 à 4 ans avec une évaluation radiographique pour déterminer les variations des sites alvéolaires greffés. Le gain est mesuré de 3 à 7 mm. Les dix sites greffés ont montré une stabilité et un maintien de la forme de la crête alvéolaire avec une récession de 0 mm dans 8 cas et de 1 mm dans 2 cas pour une période de suivi de 1 à 4 ans.

Marchetti et coll. 2007, présentent une série de 6 patients avec 7 sites pour l’augmentation de la hauteur mandibulaire postérieure par une ostéotomie segmentaire avec interposition d’un greffon d’os autogène ; les patients présentent une hauteur de 6 à 7 mm au-dessus du nerf alvéolaire inférieur (évaluée par CT-Scan) et une largeur d’environ 5 mm. Les interventions ont eu lieu sous anesthésie générale pour le prélèvement d’un greffon mono cortical de la partie médiale de la crête iliaque. La hauteur osseuse a été mesurée par CT Scan avant la chirurgie et 3 à 4 mois après pour évaluer l’augmentation obtenue.

Les auteurs notent une résorption osseuse nulle ou limitée, de 14 à 16 mois après la mise en charge des implants.

l’atrophie-mandibulaire-posterieure

Fig. 1 : radiographie panoramique, flèche du dessus ligne myélohyoïdienne, flèche du dessous ligne oblique située à une hauteur de 2 à 3 mm du canal dentaire Fig. 2 : mesure guide radiologique en place de la hauteur osseuse disponible sur les futurs sites d’implantation Fig. 3 : image caractéristique de l’atrophie mandibulaire postérieure Fig. 4 : ostéotomie segmentaire réalisée et ouverture de l’espace médullaire Fig. 5 : stabilisation de la hauteur par ostéosynthèse (Plaque et vis Deltex) et comblement de l’espace médullaire par de l’os allogénique particulé (Biobank) Fig. 6 : Le site est recouvert de membranes de PRF Fig. 7 : à noter le peu de suites opératoires observées à 5 jours

Technique (cas clinique)

Dans notre protocole, après une simple anesthésie locale, une incision de pleine épaisseur, équivalente à celle d’une distraction alvéolaire, est réalisée.

Un décollement est réalisé à minima pour découvrir la zone de l’ostéotomie et mettre en évidence le nerf mentonnier.

La section de l’os est réalisée à l’aide de la piézo-chirurgie permettant de couper le segment osseux crestal sans perturber le périoste lingual (Fig. 4). Le segment pédiculé est séparé de l’os basal grâce à un ciseau à os puis déplacé coronairement à la hauteur souhaitée et stabilisé dans la nouvelle position par des mini-plaques d’ostéosynthèse Deltex (Fig. 5).

L’espace ainsi créé entre le fragment osseux coronaire et l’os mandibulaire est comblé par des particules d’os allogénique Biobank. Aucun prélèvement osseux n’est réalisé dans notre protocole. Des plaquettes de PRF sont appliquées sur les segments et matériaux (Fig 6) et le site est suturé sans tension après relaxation du tissu jugal.

Les suites opératoires sont minimes voire nulles dans plus de 30 % des cas traités. La post médication correspond à un antibiotique usuel (Amoxicilline ou Pyostacine) et antalgiques de niveau 1 « Paraceta mol » sans adjuvant et bains de bouche.

Quatre mois après, une tomodensitométrie est réalisée et le site est mis en évidence. La plaque est déposée et la pose des implants a lieu selon le montage directeur initial prothétique en 1 ou 2 temps chirurgicaux.

Trois mois plus tard, la prothèse d’usage est réalisée. Une étude rétrospective sur 18 cas est en cours et sera publiée prochainement. Les conclusions préliminaires montrent des taux de résorption faibles, moins de 5 % de l’augmentation osseuse initiale.

L’os crestal mature (à 4 mois) ne subit de perte osseuse crestale que relativement aux connectiques des implants placés : on note un maintien de l’os crestal péri-implantaire sans perte osseuse mesurable lors de l’utilisation d’implants à connectique interne conique.

La perte est objectivée sur les connectiques à plat, sans « platform switching » et cela de façon similaire aux implants placés dans les crêtes non augmentées et en accord avec la littérature.

cicatrisation-muqueuse

Fig. 8 : cicatrisation muqueuse à une semaine Fig. 9 : radiographie panoramique de contrôle post-opératoire immédiate : à noter le gain de hauteur objectivé par la ligne oblique déplacée coronairement Fig. 10 : aspect de la cicatrisation à 4 mois Fig. 11 : pose des implants dans le site augmenté : noter la bonne vascularisation de la crête propre à cette technique Fig. 12 : radiographie panoramique de contrôle à 3 mois de la pose des implants Fig. 13 : état des restaurations prothétiques à 2 ans Fig. 14 : radiographie panoramique de contrôle à 2 ans : à noter la stabilité osseuse crestale et l’absence de perte osseuse au niveau du col des implants Osseospeed (Astratech

Discussion

Comparée à l’augmentation verticale par greffe osseuse, l’ostéotomie segmentaire permet d’éviter la morbidité liée à un second site de prélèvement. De plus, en cas d’infection les conséquences sont limitées du fait du maintien de la vascularisation linguale et de la meilleure pénétration des agents anti-bactériens prescrits.

La maturation et le remodelage osseux sont accélérés, en rapport avec cette vascularisation optimisée du segment pédiculé. Les mécanismes de cicatrisation des parties mésiales et distales sont similaires à ceux des fractures (cf. article dans ce numéro, sur l’expansion et mécanismes de cicatrisation).

La cicatrisation de la zone médiane correspond aux mécanismes de remodelage des matériaux lors des comblements alvéolaires.

La résorption osseuse crestale est limitée du fait du maintien de la vascularisation initiale du fragment par les tissus mous sus-jacents et latéraux. Néanmoins, une perte osseuse relative au type d’implant utilisé et de sa connectique pourra avoir lieu, selon les mêmes mécanismes rencontrés sur un os non augmenté.

Bibliographie

1. Ewers R, Fock N, Millesi-Schobel G, Enislidis G. Pedicled sandwich plasty: A variation on alveolar distraction for vertical augmentation of the atrophic mandible. Br J Oral Maxillofac Surg 2004;42:445–447
2. Haers PEJ, Van Straaten W, Stoelinga PJW, De Koomen HA, Blijdorp PA. Reconstruction of the severely resorbed mandible prior to vestibuloplasty or placement of endosseous implants. A 2- to 5-years follow- up. Int J Oral Maxillofac Surg 1991;20: 149–154.
3. Harle F: Visor osteotomy to increase the absolute height of the atrophied mandible: A preliminary report. J Maxillofac Surg 3:257, 1975
4. Jensen OT. Alveolar segmental “sandwich” osteotomies for posterior edentulous mandibular sites for dental implants. J Oral Maxillofac Surg 2006;64:471–475.
5. Jensen OT. Alveolar segmental “sandwich” osteotomy for anterior maxillary vertical augmentation prior to implant placement . J Oral Maxillofac Surg 2006;64:29O–296.
6. Marchetti C , Trasarti S, Corinaldesi Gi, Felice P, Interpositional Bone Grafts in the Posterior Mandibular Region: A Report on Six Patients J Periodontics Restorative Dent 2007;27:547–555.
7. Schettler D. Sandwich-technique with cartilage transplant for raising the alveolar process in the lower jaw. Fortschr Kiefer Gesichtschir 1976;20:61–63.
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10. Vanassche BJE, Stoelinga PJW, de Koomen PA, Blijdorp PA, Schoenaers JHA. Reconstruction of the severely resorbed mandible with interposed bone grafts and hydroxylapatite. Int J Oral Maxillofac Surg 1988;17:157–160.
11. Yeung R. Surgical management of the partially edentulous atrophic mandibular ridge using a modified sandwich osteotomy: A case report. Int J Maxillofac Implants 2005;20:799–803.

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A propos de l'auteur

Dr. Georges KHOURY

Responsable scientifique du DU Clinique de Reconstitution Osseuse, Paris 7
Formateur Génération Implant

Dr. Elias KHOURY

Diplômé d’implantologie et de reconstitution osseuse maxilo-mandibulaire.
Faculté de médecine de Lille II
DEA génie biologique et biomédical (biomatériaux)

Dr. Hamid RIAHI

Ancien interne, université de Casablanca
Assistant des hôpitaux de Paris, service de prothèse, Paris VII

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