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Canines en rétention : l’apport du numérique

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Pour une désinclusion chirurgicale mini-invasive et une analyse précise de la biomécanique orthodontique

Les canines retenues sont rencontrées de manière assez fréquente en omnipratique. La dent est bloquée dans son alvéole et reste figée dans cette position. Son éruption peut être empêchée par de l’os ou une dent adjacente. La gestion orthodontique de ces dents peut s’avérer très complexe et requiert une approche interdisciplinaire soigneusement planifiée.

e praticien doit, lors du choix de la solution thérapeutique, prendre en compte de nombreux facteurs, notamment l’accès chirurgical à la dent, la situation anatomique de l’inclusion, le pronostic de l’intervention concernant la canine retenue et les dents adjacentes, l’impact du traitement sur l’occlusion finale ainsi que l’éventuel échec chirurgical.

Cependant, une localisation précise est nécessaire pour poser un diagnostic précis, déterminer le meilleur accès chirurgical, planifier la traction orthodontique en évitant les lésions iatrogènes sur les dents adjacentes et ainsi permettre la mise sur l’arcade de la dent concernée [1].

Le repérage précis de la situation anatomique de la dent retenue peut relever du défi s’il est uniquement basé sur l’examen clinique et les méthodes de radiographie conventionnelles. Le manque de précision peut être source d’erreurs d’interprétation (artefacts, distorsion, superposition de structures anatomiques) et de choix de plan de traitement. Selon Becker[2], les principales étiologies d’échec de traction sont le choix d’un ancrage inadéquat (48,6 %), une erreur de localisation et de direction de traction (40,5 %) ou encore l’ankylose de la dent concernée (32,4 %).

De nos jours, la technologie biomédicale nous offre la possibilité d’obtenir des images en 3D à partir du traitement de données obtenues par scanner x (MSCT Data MultiSlice Computed Tomography) et conebeam (CBCT). Les avancées numériques vont permettre d’améliorer la capacité du praticien de poser le bon diagnostic et de choisir la solution thérapeutique adéquate.

Cas clinique

Pour illustrer nos propos, nous présentons le cas clinique d’une jeune femme de 25 ans qui présente des agénésies multiples dans un cadre non syndromique. A l’examen endobuccal, on note la persistance de 53 et 63 sur l’arcade mais l’absence de voussures palatines en regard de ces dents. L’orthopantomogramme permet de confirmer la présence et l’inclusion de 23 (Fig. 1) mais l’agénésie de 13.

desinclusion-chirurgicale-mini-invasive

Les informations nécessaires à la décision thérapeutique n’étaient pas toutes disponibles sur les radiographies conventionnelles concernant notamment les possibles résorptions sur les dents adjacentes ou les relations anatomiques avec les structures adjacentes. La patiente a donc bénéficié d’un examen CBCT pour obtenir une reconstruction 3D. Le résultat de l’examen est donné en fichiers DICOM (Digital Imaging for Communication in Medicine). Une analyse d’image ainsi qu’une reconstitution tridimensionnelle ont été réalisées grâce au logiciel Medical Visualisation Studio® (Hospices Civils de Lyon) à l’aide d’un algorithme de segmentation d’image basé sur le principe de la croissance de région. Les images 3D sont alors segmentées dans le but de séparer le tissu osseux, le tissu dentaire et muqueux. Ces structures sont alors individualisées et peuvent être manipulées de manière indépendante sur l’écran d’ordinateur avec l’instauration d’un code couleur modifiable (par exemple dans ce cas, blanc : os maxillaire ; bleu/rouge : dent retenue).

La solution thérapeutique sélectionnée comprenait la tentative de mise en place de 23 sur l’arcade (étant donné le contexte d’agénésies multiples) et la préparation orthodontique avant réhabilitation prothétique. La manipulation de la scène dans les différents angles de vue permet de confirmer la position palatine de 23 et de détecter un conflit existant entre la couronne de 23 et la racine de 21 et 62. Le point optimal du collage de l’attache est défini et positionné sur la face distale de 23 (Fig. 2).

solution-therapeutique

Une simulation de la meilleure séquence de traction peut être réalisée tout en contrôlant les rapports avec les dents adjacentes lors de chaque étape. Dans un premier temps, nous appliquerons une traction disto-palatine pour éloigner la couronne de 23 de la racine de 21 et 62 et ainsi éviter toute interférence. Enfin, nous exercerons une traction mésio-vestibulaire pour corriger l’axe de 23 et finir de la mettre sur l’arcade (Fig. 3).

simulation-du-position-finale

Le logiciel permet de simuler la position finale de 23 sur l’arcade. Nous pouvons confirmer et vérifier l’application de notre plan de traitement, particulièrement en ce qui concerne la biomécanique et les auxiliaires orthodontiques nécessaires.

Pour la gestion de l’ancrage, nous avons choisi de mettre en place un arc transpalatin et une minivis entre 24 et 25.

L’exposition chirurgicale a minima et le positionnement précis de l’attache sont possibles et réalisés dans le but de respecter au mieux le parodonte de la dent retenue (Fig. 4). La réalisation d’un guide chirurgical et son utilisation en per-opératoire est possible étant donné que les dimensions millimétriques sont respectées et peuvent être transférées du virtuel au réel.

manipulation-de-la-scene-3D

Dans ce cas clinique, la manipulation de la scène 3D a permis de choisir la technique chirurgicale de désinclusion et la biomécanique orthodontique adaptée. La traction orthodontique

peut être réalisée suivant les axes présélectionnés grâce à la simulation offerte par le logiciel de reconstruction. Les mouvements parasites et les effets iatrogènes comme la résorption radiculaire des dents adjacentes seront ainsi évités.

La durée du traitement peut ainsi être réduite par une traction plus directe et la définition du point optimal de l’application des forces orthodontiques sur l’arc.

Conclusion

L’apport du numérique, en particulier des techniques de reconstructions 3D, permet de mieux exploiter les données fournies par le scanner et le cone-beam en chirurgie orale et en orthodontie. Les données apportées par cette technique viennent compléter et préciser celles obtenues par l’imagerie classique en deux dimensions. Ces informations sont à la fois qualitatives (dissection virtuelle individualisée) et quantitatives (mesure des distances, simulation des conséquences).

Cependant, le recours à ces techniques d’imagerie doit se faire en respectant les règles de radioprotection et notamment en appliquant le principe ALARA (As low as reasonably achievable, aussi bas qu’acceptable à des fins diagnostiques). Le numérique est un outil efficace pour le diagnostic qui offre la possibilité d’affiner le plan de traitement dans l’objectif d’aboutir à un meilleur taux de succès de nos thérapeutiques et une meilleure prise en charge de nos patients.

Bibliographie

1. Messaoudi Y., Coudert JL, Aknin JJ. Contribution of 3d imaging using 3DNEO® software in surgical-orthodontic treatment of impacted teeth.Orthod Fr 2013;84:147–155
2. Becker A, Chaushu G, Chaushu S. Analysis of failure in the treatment of impacted maxillary canines. Am J Orthod Dentofacial Orthop. 2010 Jun;137(6):743-54.

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A propos de l'auteur

Dr. MESSAOUDI

Docteur en chirurgie dentaire Spécialiste qualifié en orthodontie CECSMO
Assistant Hospitalo-Universitaire en orthodontie Université Lyon 1 Ancien interne des Hôpitaux de Lyon AEA

5 commentaires

  1. Très joli article et cas. Merci! Seulement, je suis curieuse de savoir, dans ce cas, vu que la 13 semblait ne pas toucher aucune autre dent, quelle aurait été le risque de la laisser tranquille sur place? Ou si la patiente refusait le traitement? Merci.

  2. Dr MESSAOUDI Yassine on

    Bonjour, merci pour votre retour.
    Pour répondre à votre question, cette patiente adulte présente un oligodontie non syndromique. La décision a été prise après une longue réflexion vu le contexte (adulte, agénésies multiples, faible valeur d’ancrage dentaire) en réunion de concertation pluri-disciplinaire (avec le département de chirurgie et implantologie) et en accord avec la patiente qui souhaitait garder sa dent dans la mesure du possible (aspect psychologique de l’avulsion). La reconstruction 3D permet de préciser la position exacte de la dent retenue par rapport aux dents adjacentes et de vérifier la possibilité de traction en inspectant la présence d’un ligament et écarter une possible ankylose. Un traitement entrepris sans cet examen complémentaire avec une traction à « l’aveugle » aurait pu fonctionner mais avec une forte probabilité d’engendrer des lésions iatrogènes (chirurgie et orthodontie) comme le rapporte BECKER A. dans la littérature et sans avoir d’information précise sur la présence d’ankylose. De plus, la situation initiale ne permettait pas de corriger sans risque iatrogène pour 21 et 23, la position de la 21 (torque radiculo-palatin et supraclusion). Mais il est vrai que ce n’est pas évident à observer en se basant uniquement sur ces iconographies. D’autre part, en prévision de la perte des dents de lait (52-53), la 23 aurait été placé dans le couloir chirurgical nécessaire à la mise en place d’implants, compliquant ainsi la situation. Même si des publications concernant l’implantation à travers les organes dentaires existent, nous avons choisi de ne pas retenir cette option. En conclusion, l’abstention est bien une solution thérapeutique envisageable en gardant à l’esprit que la correction orthodontique de la position de 21 n’aurait pas été possible (un des motifs de consultation).
    Cordialement

  3. Je prépare mon mémoire de fin d’étude sur ce sujet et je trouve votre article très intéressant merci pour ce partage .. si vous avez des références bibliographiques à me proposer je vous serais très reconnaissante cordialement

    • DR MESSAOUDI YASSINE on

      Bonsoir,
      Merci pour retour positif !
      Je vous conseille de regarder notre publication dans l’Orthodontie Française sur le thème en attendant d’autres articles à venir :
      Messaoudi Y., Coudert JL, Aknin JJ. Contribution of 3d imaging using 3DNEO® software in surgical-orthodontic treatment of impacted teeth.Orthod Fr 2013;84:147–155
      Bien cordialement