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La violence tous concernes !

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Une femme sur dix est victime de violence conjugale. Tous les trois jours, une femme décède sous les coups de son compagnon.
Ce sont les chiffres de la réalité en France en 2019, et cela touche tous les milieux socio culturels. Parfois aussi, la violence est intra-familiale, l’agresseur est un autre membre de la famille que le conjoint (parent, frère, fils…).
Face à ce fléau, les chirurgiens-dentistes ont un rôle à jouer : oser accepter que l’identification des victimes fasse partie de leurs compétences, et se former pour savoir comment réagir face aux victimes qu’ils identifient ou qui se confient à eux.

1. Je repere

Je pose la question systématiquement
Les violences subies ont un impact fort sur la santé générale, la question « Vivez-vous ou avez-vous vécu des situations de violence ? » a donc toute sa place dans notre questionnaire médical remis systématiquement à tout nouveau patient. S’il est rempli par écrit, on repose la question à l’oral en reformulant.
La question étonne ? Rassurez votre patient : « Je demande cela à tout le monde ».
La systématisation vous permet de laisser votre « radar personnel » au repos. Ca n’est pas à vous de flairer les choses, c’est une question qui concerne potentiellement chacun de vos patients.
L’existence même de cette question est une porte ouverte, le message pour la patiente que c’est un problème qu’elle pourra aborder avec vous, quand elle sera prête, que ce n’est pas tabou dans l’enceinte du cabinet dentaire, alors que c’est passé sous silence dans les autres domaines de sa vie, et parfois durant des décennies.

Je connais les différentes formes de violences conjugales (ou intra-familiales)
Il peut être utile de rappeler à la victime que la violence peut prendre différentes formes (pas toujours clairement identifiées comme telle) et que ToUTES sont également punies par la loi :

  • violence verbale : injures, propos humiliants, critiques, menaces…
  • violence physique : crachat, coups, griffures…
  • violence sexuelle : attouchements, viol, mariage forcé…
  • violence psychologique : chantage, interdictions, harcèlement, cyberviolence (mouchard sur le téléphone, piratage de compte…)
  • violence économique/administrative : empêcher de travailler, confisquer sa carte vitale…

J’identifie les signes d’alerte au cabinet

  • Attitude : phobie, refus de soins, interruption intempestive, ou au contraire « trop » résistante à la douleur, trop docile voire figée…
  • Symptômes de trauma : hématomes voile du palais, récidives de fractures dentaires
  • Pathologies résistantes aux traitements, parodontites récidivantes, bruxisme
  • Addictions
  • Autres pathologies « étonnantes » (par exemple hypertension, troubles cardio-vasculaires, dérèglements thyroïdiens chez une personne jeune…)

Les soins dentaires peuvent reproduire des situations de domination extrêmement difficiles pour la patiente (allongée avec un praticien plus haut qu’elle, gestes intrusifs en bouche, positionnement moral de « sachant » face au patient…) : soyons délicats et à l’écoute, avec bienveillance, du rythme de nos patients.

2. J’agis

Une patiente me confie qu’elle est victime de violences, que faire ?

J’accueille la réponse

  • avec neutralité et bienveillance.
  • en accordant notre pleine confiance : dire à une victime « Je vous crois », c’est déjà la réhabiliter dans sa capacité à penser, à dire son histoire, à être.
  • en déculpabilisant : « Votre agresseur est le seul responsable »

J’oriente

  • “Ce sont des violences, et les violences sont punies par la loi”
  • Donner le numéro du 3919, appel gratuit intraçable, en expliquant qu’elle peut y être orientée vers des associations selon ses besoins (aide juridique, logement…)

Je rédige un certificat initial…

  • … totalement factuel : on écrit ce que l’on constate.
  • … qui reprend les termes exacts de la patiente, entre guillemets. Par exemple : Je reçois Madame XX qui me dit : « Mon ex-mari m’a frappée, il m’a donné un coup de poing sur le menton ». Pas de périphrase, pas d’interprétation, c’est la neutralité de cette citation stricte qui nous protège en tant que praticien.
  • bien iconographié : rétro-alvéolaire, panoramique, photo du visage si contusions (avec les yeux pour qu’il n’y ait aucun doute possible sur l’identité de la victime prise en photo), photos intra-buccales…
  • … même si la patiente ne souhaite pas de certificat. Je l’établis le jour-même, daté, signé, et conservé dans son dossier, et je le lui dis. Cela pourra lui être utile des années plus tard quand elle sera prête à agir.

Je fais un signalement à la CRIP (Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes) si j’ai connaissance de la présence d’enfants mineurs vivants dans le foyer où ont lieu les violences (ou si la victime est elle-même mineure bien entendu). Un enfant témoin, même si il ne subit pas directement les violences, est entièrement victime, c’est donc un enfant en danger. Pour conserver le climat de confiance avec la patiente, il est préférable de l’informer de ce signalement, mais le signalement d’un mineur ne nécessite pas son accord.

3. Je lache prise

  • Nous sommes chirurgiens-dentistes, notre devoir est de participer à la santé de nos patients en identifiant les situations de violence, et en les orientant vers d’autres professionnels.
    Sachons passer la main avec diligence vers plus compétents que nous et concentrons-nous sur notre mission.
  • Une personne victime de violence conjugale subit une emprise psychologique très forte. Il lui faudra du temps, parfois des années, pour s’échapper de cette situation.
    Sachons être là sans brusquer, et ne pas voir ce délai inévitable comme un échec de notre prise en charge.

– Selon le cycle de la violence que la personne est en train de vivre, elle peut tenir d’un rendez-vous à l’autre des propos totalement différents. Une personne victime est parfois une personne qui semble « impossible à aider », voire qui peut provoquer un sentiment de rejet de notre part. Cela fait partie de SES problèmes, pas des nôtres. Il faut le savoir pour rester professionnel et garder la juste distance qui permettra de la soigner.

  • Mieux connaître les mécanismes de la violence m’aidera à ne pas avoir peur de ma propre empathie, de mon impuissance, pour pouvoir aider ma patiente en restant son praticien.

Et pour tout cela… je me forme !

La formation sur « l’accueil et la prise en charge au cabinetµ dentaire des femmes victimes de violences » est obligatoire pour tout chirurgien-dentiste depuis 2014.

  • Pour les pressés, le minimum est la sensibilisation de 2h en e-learning proposée par le Conseil National de l’ordre (durée insuffisante pour valider notre obligation de formation, mais cela peut donner les bons réflexes en attendant qu’une formation soit proposée dans votre département)
  • Pour les plus intéressés, le FFCD organise cette formation sur une journée. Cela offre des vrais temps d’échanges avec des juristes, des psychologues, des chirurgiens-dentistes, et permet de prendre conscience de son propre rapport à la violence. Renseignements sur le site : sfcd.fr.

notre vigilance peut faire la différence.

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A propos de l'auteur

Dr. Constance LEGER

DU d'Expertise en médecine dentaire Paris 7 DU d'Implantologie chirurgicale et prothétique Paris 7 Diplôme d'état de docteur en chirurgie dentaire Paris 5

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