Ils étaient bien nombreux au milieu des années 80 à observer d’un mauvais oeil l’avènement de l’implantologie ostéointégrée d’importation suédoise (1)! Et (rendons à César ce qui lui appartient) il a fallu bien de l’audace et de la conviction à Patrick MISSIKA pour créer en 1986 le premier service universitaire parisien d’implantologie ostéointégrée. Ce service devenait une branche du département de chirurgie dédié jusqu’alors aux seules extractions dentaires et autres chirurgies conventionnelles. Ce n’est que bien plus tard que les services de parodontologie se sont progressivement transformés en services de parodontologie et implantologie…
A mesure que les parodontistes admettaient de plus en plus la pertinence thérapeutique de l’implantologie. A l’image de l’évolution des noms d’associations scientifiques de l’époque (APC devenue APCI, SFP devenue SFPIO…) certains parodontistes « implantoconscients » ont en effet jugé bon d’intégrer les implants dans leur arsenal thérapeutique. Si nombre de praticiens et enseignants de renom ont mis bien du temps avant de baisser les bras pour admettre la validité de cette discipline émergeante (2), d’autres ne l’ont acceptée qu’à titre d’ultime recours, c’est-à-dire lorsque toutes les autres techniques « conventionnelles » s’avouent en position d’impossibilité de solutionner une situation clinique (3).
C’est malheureusement cette posture « radicale » qui génère des situations cliniques bien embarrassantes : en effet tout clinicien expérimenté n’ignore pas que dans les cas où la parodontologie et la prothèse fixe ne peuvent plus solutionner une problématique clinique, le capital ostéo-gingival (nécessaire à l’implantation) est le plus souvent lui aussi réduit à peau de chagrin. Paradoxalement, nous constatons ainsi des situations cliniques similaires chez les patients victimes d’extractions dentaires intempestives (1, 4) et chez les patients « victimes » d’acharnements thérapeutiques de la part de parodontistes « jusqu’au-boutistes » (5). Mes pérégrinations sur les différents groupes professionnels constitués au sein des réseaux sociaux(6) m’amènent d’ailleurs à constater que ce sont ces mêmes parodontistes «puristes» qui s’offusquent encore aujourd’hui de la propension d’exécution de techniques à types d’ALL ON FOUR (7)… En occultant le fait que ces techniques sont essentiellement proposées aux patients se trouvant en situation de capital ostéogingival réduit à cause de l’échec entretenu par les techniques conventionnelles qui ont jalonné leur histoire dentaire.
Heureusement, certains parodontistes émérites (8, 9) ont aussi su prendre à temps le train de l’implantologie pour optimiser les résultats de nos thérapeutiques parodontales et prothétiques. Je veux ici leur rendre hommage et affirmer que c’est dans leur lignée que je m’inscris en défendant les couleurs d’une implantologie intégrée en omnipratique (10), c’est à-dire d’une discipline qui doit trouver sa place légitime à tous les étages de la dentisterie lorsqu’il s’agit de peser le pour et le contre d’un choix thérapeutique en examinant les incidences probables à court-moyen et long termes, mais surtout en prenant en considération objectivement le bénéfice/risque pour le patient au vu du recul dont nous jouissons aujourd’hui.
Nous avons tout à y gagner, à commencer par la reconnaissance gratifiante de nos patients pour les avoir bien informés en amont et pour leur avoir prodigué des soins efficaces et satisfaisants en adéquation avec nos promesses et conventions thérapeutiques (11, 12, 13).
BIBLIOGRAPHIE
1. M. ABBOU : Le bon sens clinique envers et contre les dogmes institutionnels. Dentoscope n° 168, Nov 2016 ; 12-26 – éditions EdP dentaire
2. P. SAFAR, C. TOUBOUL : L’histoire clinique, hommage à J-C HARTER « Pourquoi j’ai jeté mon iconographie clinique aux oubliettes » JSOP, FEV. 2009; 26-27
3. F. JOACHIM : Traiter-conserver ou extraire-remplacer : la réponse des experts. Paroles d’experts – Dentalespace, 01-06-2017
4. M. ABBOU, D. ABENSUR, P. MISSIKA : Techniques avancées en implantologie : à propos d’un cas clinique. Rev. Odontostomatol., 1995 ; 24(3) : 165-178
5. M. ABBOU : Traiter-conserver ou extraire-remplacer : observations factuelles suite aux avis d’experts. Paroles d’experts – Dentalespace, 15-06-2017
6. N. FRYDMAN : The Facebook-based dentistry. L’édito d’Implant – CdP.fr, 18-09-2018
7. M. ABBOU : All on four… Not for all patients and practitioners Paroles d’experts – Dentalespace, 0904-2019
8. J. GUNNE, P. ASTRAND, K. AHLEN, K. BORG, M. OLLSON : Implants in partially edentulous patients. A longitudinal study of bridges supported by both implants and natural teeth. Clin. Oral Implants Res. 1992, Jun; 2 : 49-56
9. P. GENON, C. GENON-ROMAGNA : L’apport des implants dans le traitement des parodontites avancées. Comment les implants peuvent contribuer à améliorer le pronostic des dentures à parodonte réduit. J. Parodontol. Implantol. Orale., 1997; 16 (2) : 177-189
10. M. ABBOU : Smart sailing in implantology – Plaidoyer pour une implantologie intégrée en omnipratique. Séminaire A.C.D.R.A – SICT MIEUX du 21-06-2019
11. M. ABBOU : New sensations with latest implant generations allowing high performance strategies in oral implantology. Periodontics and Prosthodontics 2016, 2 (3) : 1-13
12. M. ABBOU : Les techniques d’esthétique dentaire. Médecine TV, interview du 10-07 2019
13. M. ABBOU, S. PELLEGRINO, B. DELCOMBEL : Réactions à la charte de l’UNPS. Décisions qui font débats du 17-09-2019, Parresia-Edp dentaire