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Quelle attitude adopter face à un patient qui se plaint d’un traitement réalise par un confrère ou une consœur ?

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La réponse semble simple dans la mesure où la législation existe et que chacun se doit d’un devoir de réserve avec comme obligation de ne pas critiquer le travail réalisé par un confrère ou une consœur. Dans la vraie vie, les choses semblent un peu plus complexes et il est difficile de ne pas réagir face à une situation de détresse. L’auteur de ces lignes n’étant ni expert ni spécialiste des choses du droit, le propos de ce court texte est de partager deux situations (bien réelles) vécues.

1. L’excès empathie ou le syndrome du cavalier blanc

La patiente qui se présente à ma consultation a une quarantaine d’année c’est-à-dire beaucoup plus que mes années de pratique en chirurgie implantaire à cette époque.

Mon manque d’expérience me fait voir un patient comme un problème technique à résoudre avec plus ou moins de difficulté. Le fait qu’une situation clinique n’ait pas de solutions fiables ne me vient pas à l’idée. C’est pourquoi, quand la patiente qui vient de très loin pour me demander de l’aide, je ne doute pas une seconde que ce soit possible.

La situation est assez simple : le dentiste de cette dame s’avère être un dangereux psychopathe qui littéralement prend du plaisir à extraire les dents et à faire souffrir cette malheureuse personne. L’examen clinique montre une bouche en assez mauvais état mais relativement facile à restaurer au moyen de prothèses traditionnelles et de prothèses implanto-portées. Le piège se referme tranquillement quand je prends d’emblée partie pour cette dame m’indignant ouvertement du sort inadmissible que lui réserve notre confrère. De longues discussions s’engagent mêlant techniques de dentisterie et psychologie de comptoir.

Un plan de traitement est proposé, des rendez-vous sont pris et… La patiente revient quelques temps après avec une dent de moins. Son sadique de dentiste a de nouveau sévi. La patiente reprend sa complainte. Le premier moment de surprise passé, une nouvelle discussion s’engage. Pourquoi être retourné le voir puisqu’il agit de la sorte ? Quelques explications confuses suffisent à renforcer mon besoin d’aider cette malheureuse coûte que coûte. Nouvelle discussion à n’en plus finir, nouveau plan de traitement et… de nouveau la patiente revient avec des soins réalisés par le confrère. L’envie furieuse d’aider la pauvre patiente s’est vite transformée en une sensation d’être devant un cas incompréhensible et bien trop difficile à gérer pour un jeune praticien aussi motivé de bien faire était-il. Il a suffi d’hausser le ton en mettant un sérieux ultimatum à cette patiente pour ne plus la revoir.

De nombreuses années plus tard, je n’ai toujours pas compris quel pouvait être le type de relation, peut-être un peu sado maso qu’entretenait cette dame avec son praticien.

Mais cela m’a guéri de l’envie de sauver le monde à tout prix. J’essaye de conserver une distance émotionnelle en évitant de faire d’emblée, un procès à charge. Quelle est part de responsabilité du patient ou de la patiente dans le mauvais déroulement des interventions ? Est-elle ou est-il de bonne foi quand il ou elle affirme avoir parfaitement suivi les recommandations etc. Cela ne m’empêche pas considérer la souffrance des patients.

2. La retenue

Le jeune homme qui se présente à la consultation semble bien mal en point ; il parle avec difficulté, a le teint bien gris et semble en manque évident de sommeil. Il lui suffit d’ouvrir la bouche pour comprendre la situation. Le palais est sanguinolent, l’os est apparent sur la moitié du maxillaire. Le pauvre patient a subi, car il n’y a pas d’autres mots, une greffe osseuse sous anesthésie locale qui a duré 7 heures ! Ensuite, il y a eu une exposition de la greffe que notre confrère a voulu gérer par une rotation d’un lambeau palatin. Tout est exposé, et à l’évidence, toute tentative de recouvrir l’os nécrosé est voué à l’échec. Il faut tout déposer, et tenter de recommencer dans des conditions bien plus difficiles, les tissus étant sclérosés.

Devant l’évidence de la situation, il est difficile de ne penser que ce praticien est un “bel enfoiré” d’avoir tenté une opération complexe sous anesthésie locale et pour laquelle il avait de toute évidence pas la compétence. Mais même si on le pense très fort, il est important de garder ce type de conclusions pour soi afin d’éviter d’ajouter à la douleur physique de la douleur morale pour s’être fait avoir par ce que l’on pourrait qualifier de margoulin s’il s’agissait d’un autre métier que la dentisterie.

Quelques photos et radiographies et une prise de notes précises suffiront au patient pour se retourner contre le confrère si l’envie lui venait. Mais critiquer d’emblée, même un travail manifestement mal fait, ne sert à rien. Le patient n’attend pas de notre part qu’on lui explique combien il s’est fait avoir. Il vient pour essayer de trouver une solution la plus rapide et la plus efficace à son problème.

Pour avoir eu moi-même des patients qui, mécontents de mon travail, décidaient de prendre un autre avis pour s’entendre dire sur un ton horrifié « mais qui a bien pu vous faire cela ? ». Bien entendu, sans que l’accusateur n’ait la moindre idée des circonstances qui ont conduit à la situation présente. Cela m’encourage à éviter moi-même ce type d’exercice qui est plutôt une preuve de faiblesse qu’une marque de grande intelligence.

Conclusion

On peut dire que le bon sens demande de la retenue.

Il est difficile de comprendre une situation d’emblée en n’ayant qu’une version du problème. Cela ne veut pas dire qu’il faut refuser d’aider les patients, mais il semble important de ne pas faire d’excès de zèle en prenant ouvertement partie. C’est aux experts, si cela devient nécessaire, de le faire. Notre rôle est d’une part de soulager vite et ensuite éventuellement de suggérer une solution pérenne de traitement.

Mais il faut bien faire attention à ne pas juger trop rapidement sans bien connaitre les tenants et aboutissants de la situation qui ont amené un patient à demander un autre avis.

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A propos de l'auteur

Dr Franck Renouard

Ancien Président de l’European Association for Osseointegration
Professeur invité à l’Université de Médecine de Lièges - Belgique
Docteur en chirurgie dentaire
Exercice limité à l’implantologie

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