Au cours de son exercice, tout professionnel de santé est susceptible de se trouver face à une action en responsabilité du produit de santé intentée par un patient. En matière dentaire, ce peut être le cas notamment dans le cadre du processus d’implantologie bucco-dentaire.
La Cour de justice des Communautés Européennes puis le législateur français ont mis en place un régime spécifique de responsabilité du fait des produits dangereux.
D’autres systèmes juridiques existent permettant à la victime d’un dommage causé par un produit d’obtenir une indemnisation. La multiplicité des régimes rend compte de l’exigence de résultat dans ce domaine où l’actualité fait état de procès parfois très médiatisés.
La responsabilité spécifique du fait des produits défectueux
C’est une directive communautaire CE du 25 juillet 1985 qui définit le régime de la responsabilité médicale en matière de produits défectueux.
Plusieurs lois ont par la suite transposées ce texte en droit français, notamment dernièrement la loi du 5 avril 2006 relative à la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur et à la responsabilité du fait des produits défectueux (insérée dans les articles 1386-1 à 1386-18 du code civil).
Quels sont des éléments de responsabilité ?
La responsabilité civile du fait des produits défectueux suppose la réunion des éléments suivants : un produit atteint d’un défaut, un producteur qui met le produit en circulation, un dommage, une victime, et un lien de causalité entre la défectuosité du produit et le dommage allégué par le patient. Il s’agit donc d’une responsabilité objective sans faute, c’est-à dire qu’en cas d’accident lié au produit défectueux, le patient n’aura pas à prouver que le praticien a commis une faute.
Qu’appelle-t-on un produit défectueux ?
Est considéré comme défectueux un produit « qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ; il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu au moment de sa circulation » (article 1386-4). Le défaut, qui doit exister et être réel, de nature à générer un dommage corporel au patient, fait alors courir un risque pour la vie ou le corps du patient au sein duquel il a été implanté.
La Cour de cassation, dans une décision du 5 avril 2005, apporte une précision importante :
« Le danger doit dépasser celui auquel le public peut légitiment s’attendre, c’est à dire qu’il doit être anormal, excessif eu égard à la nature de l’objet en cause. » En matière dentaire, ce peut être par exemple un défaut immédiat de l’implant lui-même ou d’une désagrégation, liée au temps, mais ce pourrait également être le cas d’un médicament.
La responsabilité de principe du fabricant du produit défectueux
Le principe est que la responsabilité civile du producteur fabricant doit être engagée par la victime à titre principal. Par conséquent, la responsabilité du praticien, ou de l’établissement de soins n’a donc pas vocation à être engagée, sauf s’il fabrique lui-même le matériel qu’il utilise à l’égard du patient. La responsabilité du producteur fabricant est engagée lorsque la victime établit le lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage. Pour cela, elle devra par exemple démontrer que les douleurs ressenties sont dues à une rupture ou à une déchirure de l’implant.
La responsabilité du fournisseur à titre subsidiaire
Les choses sont différentes s’il advient que l’identité du producteur ne puisse être prouvée, ce qui constitue une hypothèse fréquente : il est évident que dans de nombreux cas, il est impossible pour le patient de connaître le nom du fabricant du produit. Dans ce cas là, lorsque la recherche de responsabilité du producteur (fabriquant) est restée infructueuse, la victime peut tenter alors d’engager la responsabilité du fournisseur (en pratique, le praticien). Et celui-ci pourra s’exonérer en donnant le nom du producteur ou de son propre fournisseur dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée.
Rappelons ici que les dispositifs médicaux implantables ne portent pas obligatoirement la marque de l’entreprise qui les a fabriqués. Il est donc fortement recommandé au praticien chargé de l’implantation de conserver la facture d’achat, les numéros de lots et de séries de l’implant. L’obligation de traçabilité des produits de santé exige le refus par le praticien d’implanter des produits dont il ne connaît pas l’origine.
Ce n’est donc qu’en cas d’impossibilité totale de retrouver l’identité du producteur que la responsabilité du praticien fournisseur sera pleinement engagée, pendant dix ans après la mise en circulation du produit.
Par ailleurs, l’action en réparation doit être engagée par le patient dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle il a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur.
Les autres systèmes de responsabilité
Trois autres voies peuvent être utilisées par un patient victime d’un dommage causé par un produit de santé.
La responsabilité pour vices cachés
Le praticien peut voir sa responsabilité civile contractuelle engagée pour vices cachés.
En effet, il est assimilé à un « vendeur tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus » (article 1641 et suivants du Code civil). C’est au patient d’apporter la preuve du vice qui peut être invoqué, en principe, à n’importe quel moment de la vie de la chose vendue, mais au maximum deux ans à compter de sa découverte.
L’obligation contractuelle de renseignement
Le fabricant et le revendeur d’un produit sont tenus à une obligation de renseignement et de conseil. Mais il s’agit ici d’une obligation de moyens, ce qui signifie qu’il appartient au patient de prouver une faute pour engager la responsabilité du fabricant et/ou du revendeur (le praticien en pratique).
L’obligation contractuelle de sécurité
Selon la jurisprudence, le vendeur et le fabricant ont une obligation contractuelle de sécurité et sont tenus de livrer un produit exempt de tout vice ou de tout défaut de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens (Cour de cassation du 11 juin 1991, et Cour de cassation du 3 mars 1998).
Il s’agit d’une obligation de résultat (quant à la qualité de la prothèse posée). Par conséquent, la victime n’a pas nécessairement à rapporter la preuve d’une faute commise par le fabricant et le vendeur : les preuves du dommage et du lien de causalité avec le produit vendu suffisent.
Divers systèmes juridiques permettent au patient de mettre en cause la responsabilité des praticiens qui doivent donc faire preuve d’une vigilance accrue. La loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades oblige tous les professionnels de santé à s’assurer en responsabilité civile professionnelle. Cette disposition englobe la responsabilité du fait d’un produit de santé. Ce type de contrat couvre également les dommages occasionnés par un employé du professionnel de santé. Notons enfin que le délai de prescription à ce titre est de dix ans ; par conséquent, si le patient ne porte pas plainte à l’encontre du praticien dans un délai de dix ans à compter de la date de consolidation des blessures, elle ne dispose plus de moyen de recours.