En présence de lésions carieuses débutantes dans les secteurs antérieurs, de restaurations en composite infiltrées ou de dyschromies légères à moyennes, la préservation tissulaire peut et doit être privilégiée.
La stratégie courante, en pratique clinique, consiste à tenter de re-minéraliser les lésions débutantes dans les secteurs vestibulaires à l’aide d’application régulière de fluorures conjointement à une reprise en main de l’hygiène du patient. Nous disposons de plus de techniques de retouches esthétiques très efficaces aujourd’hui et extrêmement préservatrices pour les tissus dentaires sains résiduels, telles que :
- la micro-abrasion de l’émail par un gel d’acide chlorhydrique à 15 % mélangé à de la silice, elle permet d’atténuer ou de faire disparaître de légères dis-colorations superficielles
- les techniques d’éclaircissement interne pour les dents dévitalisées grâce au perborate de sodium mélangé avec de l’eau
- les techniques d’éclaircissement externe ambulatoires ou au fauteuil par l’intermédiaire de peroxyde de carbamide ou d’hydrogène à des concentrations plus ou moins fortes
- les composites de stratification, qui améliorent nettement les résultats grâce à l’opacité de leurs teintes dentine, la luminosité de leurs teintes émail et la possibilité de recréer des zones de caractérisation spécifiques (translucidité, opalescence, fluorose, taches ambrées etc.)
Ils nécessitent toutefois une préparation précise et suffisante pour optimiser leur intégration, en particulier au niveau de l’émail.
Fidèle à cette philosophie de dentisterie minimalement invasive, une nouvelle technique a été récemment proposée pour traiter les caries débutantes de l’émail dans les secteurs antérieurs et interproximaux, l’infiltration résineuse de l’émail. C’est une technique alternative qui présente l’avantage de ne pas nécessiter de préparation et est totalement indolore pour le patient. Le principe est de déminéraliser l’émail à l’aide d’un gel à base d’acide chlorhydrique avant de le déshydrater totalement à l’alcool pour permettre une infiltration complète des porosités par une résine photo-polymérisable très fluide et faiblement chargée.
Par l’intermédiaire d’un cas clinique, nous proposons de :
- combiner différentes techniques pour essayer d’obtenir un résultat s’intégrant dans le sourire du patient
- restituer une harmonie satisfaisante avec un coût tissulaire et biologique minimal
- respecter la philosophie conservatrice de la dentisterie à minima.
Présentation du cas
Cédric D., 23 ans, se présente à la consultation pour un motif esthétique. Il est particulièrement gêné par les différentes colorations perturbant son sourire. On note en effet la présence d’anciennes obturations composites infiltrées et dyschromiées sur 12, 11, 21 et 22, de caries inter-proximales sur 12, 11 et 22, de fracture amélaire sur 11 et de taches de fluorose blanches sur 21 et 22.
Une intégration esthétique pas à pas du sourire est proposée en déposant et remplaçant les anciennes obturations par des composites montés par stratification couplés à une micro-abrasion de l’émail coloré dans le but d’atténuer la visibilité de la fluorose.
L’exérèse carieuse est réalisée minutieusement pour supprimer toutes les colorations susceptibles d’influencer le résultat final.
Pour rester le plus conservateur possible, et en accord avec le patient qui est prévenu de sa persistance visuelle, nous avons décidé de conserver l’angle mésial fissuré de la 11 qui permet la conservation d’une plage d’émail conséquente et qui peut être renforcé par le collage. Une réévaluation pourra toujours être faite a posteriori si besoin était sans remettre en cause les traitements réalisés.
Nous tentons de diminuer la visibilité des taches blanches opaques de fluorose en réalisant 5 passages d’une brossette imprégnée d’un gel à base d’acide chlorhydrique à 15 % mélangé à des particules de carbure en silicium (Opalustre® Ultradent) pendant 10 secondes sur ces zones. Cette micro-abrasion amélaire élimine une épaisseur de 10 microns à chaque passage et est en général efficace et particulièrement préservatrice dans les cas de dis-colorations superficielles. Elle s’avère toutefois insuffisante dans notre cas pour obtenir une intégration parfaite de ces 2 incisives dans le sourire (Fig. 5 et 6).
Celle-ci fait, en outre, apparaître des porosités de surface indiquant qu’il est inutile d’espérer éliminer la totalité de cette dyschromie blanchâtre avec une abrasion de surface et qu’un recouvrement est nécessaire.
L’option conventionnelle consisterait donc, à ce stade, à prendre une fraise pour éliminer cet émail et le remplacer par un composite. Les inconvénients sont, bien sur, un coût tissulaire important couplé à une restauration adhésive étendue dans une zone particulièrement visible au sourire. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’utiliser une technique basée sur l’infiltration résineuse de l’émail (Icon, DMG).
Ce système non invasif utilise le principe de la micro-abrasion à l’acide chlorhydrique pour éliminer la couche superficielle, ouvrir les anfractuosités amélaires et y faire pénétrer une résine liquide peu chargée.
Cette résine comblera la zone et la protègera en empêchant la progression d’une nouvelle lésion et surtout préviendra la cavitation en renforçant la structure amélaire.
Conclusion
La préservation tissulaire dans les secteurs antérieurs présente de nombreux intérêts pour le patient, telles que la prévention carieuse ou la conservation des zones de résistance mécanique de la dent mais elle permet surtout la réalisation de restaurations présentant un rapport coût tissulaire/bénéfice esthétique/coût financier très intéressant pour le patient.
L’infiltration résineuse de l’émail semble être un traitement alternatif ou complémentaire prometteur. Si elle est destinée au traitement des lésions carieuses débutantes, elle apparaît comme un moyen efficace de traiter également des dyschromies ou des porosités de surface. Cette approche directe permet en outre une maintenance aisée et des ré-interventions à minima si nécessaire.
Bibliographie
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