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Rencontre avec Hadi Antoun

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Hadi Antoun est une figure incontournable de l’implantologie. Clinicien de renom, conférencier international, il est également le fondateur de l’IFCIA, une association de formation au sein de laquelle il transmet son savoir et son savoir-faire. Nous lui avons demandé son point de vue sur la situation de la profession en France dans le contexte actuel et sa vision future du monde dentaire. Rencontre avec la passion et l’humilité.

LFD : Hadi pouvez-vous nous dire quelques mots de votre parcours ?

HA : Après avoir terminé mon second cycle à Lyon, j’ai vite souhaité m’orienter vers la parodontologie. J’ai eu la chance de rencontrer à la fin de ce premier cursus Jacques Bori qui m’a transmis la passion du métier et qui m’a donné les bases de cette spécialité pendant les 4 années que j’ai passées à ses côtés.

J’ai ensuite renforcé les bases fondamentales et mis en pratique la parodontologie et l’implantologie en parallèle en suivant plusieurs formations : d’abord les Certificat d’Etudes Supérieures (CES) de Paris 7, ensuite le Diplôme universitaire (DU) d’implantologie chirurgicale et prothétique et enfin une formation aux Etats-Unis auprès de Carl Misch, un homme également passionné par son métier.

J’avais également intégré le service d’Implantologie de Paris 7 auprès de Patrick Missika et grâce à son sens de l’ouverture, j’ai pu garder le contact avec le monde universitaire pendant une bonne dizaine d’années. Au-delà des échanges avec les étudiants, cela m’a permis de conserver l’envie de rechercher toujours à faire évoluer les pratiques et techniques.

L’étape suivante a été la création en 2003 d’un institut de formation destiné aux confrères et consoeurs qui souhaitent améliorer en conditions réelles leurs pratiques professionnelles en implantologie. Outre les formations, l’Institut de Formation en Chirurgie Implantaire Avancée (IFCIA) dispose également d’un study group que nous constituons avec une vingtaine de praticiens. Confronté à ces émulations, je me rends compte que je reste un éternel étudiant !

Comment devient-on Hadi Antoun ?

Question difficile et inattendue… mais en même temps, cela est assez simple pour moi de répondre car je considère que je n’ai pas beaucoup changé depuis le début de mon parcours.

Je suis de nature perfectionniste, éternellement insatisfait, et cela me pousse à être en permanence à la recherche d’améliorations. Aussi, depuis le début de ma carrière, je passe une grande partie de mon temps libre, en dehors des heures de cabinet, à lire, rédiger, travailler et réfléchir sur un certain nombre de sujets autour de mon métier.

J’ai également eu la chance de rencontrer une femme exceptionnelle qui ne s’est à aucun moment de notre vie conjugale opposée à ce rythme et m’apporte au contraire beaucoup de soutien. Les seules fois où elle manifeste son mécontentement, c’est lors de nos différents voyages quand mes livres et revues prennent plus de place et de poids que le reste !

hadi antoun entoure d une partie de son equipe

Hadi Antoun entouré d’une partie de son équipe.

Nos rythmes à tous en tant que praticiens, et en particulier quand nous sommes en libéral me semble-t-il, ne nous laissent aucun moment dans nos journées en dehors de la gestion du cabinet et des soins prodigués à nos patients. Si l’on consacre les fins de journées à sa famille, que reste-t-il alors comme temps et énergie disponible ? La seule manière que j’ai trouvée de consacrer un peu de temps au travail académique consiste à un réveil très matinal.

Je fais également très attention à mon hygiène de vie et je fais notamment du sport pour me maintenir en forme et être performant lors des interventions.

Pour ce qui est du reste, je tente tout simplement de rester fidèle à mes valeurs et je cherche à améliorer le quotidien des personnes avec lesquelles je travaille. Face aux exigences que nous avons vis-à-vis de nous-mêmes et aux résultats que nous souhaitons obtenir, nous sommes parfois confrontés à des personnes qui ne font pas nécessairement preuve de ce même engagement.

J’ai aujourd’hui la chance d’être bien entouré, depuis quelques années, que ce soit au cabinet ou au sein de l’IFCIA par des personnes engagées, dévouées et très compétentes ! Il est important de savoir constituer autour de soi une telle équipe et de se donner les moyens en ayant recours à des compétences extérieures pour affronter les évolutions que subissent nos professions, notamment dans le domaine numérique.

participants de la formation greffes osseuses en implantologie

Participants de la formation Greffes osseuses en implantologie de mars 2017.

Ce que je suis aujourd’hui, je le dois bien entendu à mes parents et à leur éducation et en particulier, le sens de l’effort qu’ils m’ont transmis, mais j’ai également évolué grâce au contact permanent de toutes les personnes que je rencontre dans l’exercice de mon métier.

En tant que leader d’opinion, quels seront selon vous les effets du règlement arbitral sur la santé bucco-dentaire en France ?

Malin celui qui pourrait prévoir l’avenir de cette situation inédite. Cette décision unilatérale est inacceptable et injuste, cependant je tente de trouver un aspect positif à cette tournure que prend notre profession.

J’ai toujours considéré et ce, depuis le premier jour de mon installation en libéral, que notre nomenclature était inadaptée à notre exercice et aux données acquises de la science. Elle ne permettait en aucune façon d’avoir par exemple une orientation de prévention et de soins conservateurs dans nos cabinets qui puissent être tenables économiquement. Les soins de parodontologie étaient inexistants, ce qui me rendait furieux ayant passé des années à me former à cette discipline que je considère aussi à la base de la dentisterie.

Rattraper les soins par la prothèse ne pouvait plus durer.

D’une part médicalement nous créons un biais inacceptable au niveau éthique ainsi que vis-à-vis de nos patients qui doivent recevoir les soins adéquats et appropriés et non pas les soins les plus rentables.

D’autre part, notre profession, souvent montrée du doigt par les médias à cause du décalage entre le coût de la prothèse et le montant facturé, ne peut plus accepter ceci et ne peut plus défendre cet état de fait. Chaque acte est censé être rémunéré au temps passé, à son niveau de technicité, au plateau technique nécessaire, au niveau de risque engagé et à la compétence puis l’expérience du praticien.

C’est ainsi que je vois les choses et c’est ainsi, je pense, que nous pouvons évoluer et améliorer d’une façon permanente les soins prodigués à nos patients, tout en les faisant profiter des évolutions techniques et technologiques.

Mon vrai souhait serait que cet important chamboulement puisse apporter des évolutions dans ce sens. Nous savons tous que le dé-conventionnement en masse se profile dans un avenir proche grâce au travail exceptionnel réalisé par les CCDELLI. Si cela se concrétise, ce sera une réponse assez radicale à la situation dans laquelle nous nous trouvons et qui risque de rendre quasi-impossible l’accès au soins pour un nombre non négligeable de Français, mais nous laisse-t-on vraiment le choix ?

Peut-être qu’il est également temps de créer le métier d’hygiéniste qui existe déjà dans 23 des 28 Etats Membres de l’Union Européenne ? Ce serait un bon moyen de créer des emplois et de faire de la prévention dans nos cabinets sans nécessairement augmenter le coût pour la sécurité sociale.

evolutions techniques et technologiques

Je souhaiterais que les hommes et femmes politiques se saisissent des vrais problèmes qui se posent à notre profession. Mais, comme je n’ai pas beaucoup d’espoir dans ce vœu pieux, je pense que c’est à chacun d’entre nous de retrousser ses manches et de participer à ce chantier de réformes de la profession.

Comment voyez-vous l’avenir de l’implantologie ?

L-echange-avec-les-participants-est-au-coeur-des-formations-IFCIA

L’échange avec les participants est au cœur des formations IFCIA Membres du study group (De gauche à droite les Drs Marwa Fessi, Jeremy Abitbol, Aurélia Abecassis, Théodore M. Abillama, Olfa Rachdi, Ons Zouiten, Hadi Antoun, Zeinab Hamdi, Axel Azouri. Absents de la photo : Joseph Eid, Youssef Jelif, Michel Karouni, Alaa Kasem, Sylvie Pereira,

Cette discipline, comme vous le savez, a connu un essor important au cours des deux dernières décennies. Elle a permis de rendre de grands services à nos patients et a chamboulé nos plans de traitement. Aujourd’hui, le patient est informé de l’existence et des bienfaits des implants et devient demandeur de ce type de soins.

L’implantologie a encore de belles années devant elle ! Peut-être les plus belles ? Les progrès techniques et technologiques qui se profilent le laissent penser.

Vous avez également placé la formation au cœur de votre activité avec l’IFCIA dont vous êtes fondateur. Quelle est la valeur ajoutée des formations que vous proposez ?

Depuis toujours je suis animé par le besoin de transmettre et d’échanger en toute transparence. Ces quelques mots résument d’ailleurs très bien les formations IFCIA.

Les formations sont proposées sur 2 jours sur différents sujets, Mise en esthétique et mise en charge immédiates, Greffes osseuses, Aménagements muqueux et depuis peu, l’Approche Allon-4®.

Pour chaque thème de formation, l’apprentissage passe par une réflexion sur les différents aspects du sujet et une mise en pratique directe, à travers des supports théoriques, plusieurs chirurgies en direct commentées avec leur briefing et débriefing et les travaux pratiques. Des revues de littérature et les autres supports pédagogiques sont donnés lors de la formation et sont également disponibles sur l’espace membre de notre site internet. En effet, les formations ne se limitent pas à ces deux jours de présence mais donnent aussi accès à un forum qui permet ensuite d’exposer des cas que nous discutons et pour lesquels des propositions thérapeutiques sont réalisées.

Quels conseils donneriez-vous à un confrère qui souhaite développer l’implantologie dans son exercice d’omnipraticien ?

La première chose à faire, c’est évidemment de se former. Pour acquérir une formation solide, 2 ou 3 jours ne peuvent suffire et il faut au moins un cycle entier de formation. Le passage universitaire reste la voie idéale quand c’est possible, mais cela n’est pas toujours le cas. Une formation dans la durée permet d’avoir le temps d’assimiler certaines notions et de mettre en pratique au fur et à mesure l’enseignement prodigué. C’est la meilleure façon pour se poser les bonnes questions et mieux comprendre la théorie prodiguée lors des sessions antérieures et celles à venir.

Pour chaque cabinet d’omnipratique, il y a une demande pour l’implantologie avec un potentiel certain. Les freins se trouvent d’abord en nous-mêmes avant d’être chez les patients. Si l’on n’arrive pas à développer cette pratique dans notre quotidien, il me semble essentiel de se poser à soi-même ces questions.

Certes le problème socioéconomique joue un rôle important et pour développer l’implantologie dans notre cabinet, il est primordial de simplifier les procédures quand c’est possible ce qui va réduire leur coût, d’avoir recours à la communication et de faire preuve d’assurance. Le patient ressent très bien si nous sommes à l’aise ou pas vis-à-vis d’une pratique ou non et nous avons d’ailleurs peut-être tendance à l’orienter vers ce que nous savons faire le mieux.

Je n’ai jamais hésité à investir dans la communication et je pense que cela est très important, notamment pour faciliter les échanges avec les patients. Différents supports sont utiles afin d’avoir un échange éclairé : il peut s’agir de documents papiers, de modèles pédagogiques, d’un site internet éventuellement avec un espace dédié… Nous travaillons actuellement aussi bien dans notre cabinet que sur internet à rendre optimal le parcours du patient.

Outre la communication, il y a un autre élément important qui n’est que rarement évoqué et peut-être sous évalué dans notre métier : la formation de nos assistantes et assistants. Elle me semble pourtant aussi essentiel que notre formation en tant que thérapeute. Nous ne pourrons être épaulés efficacement que si nos assistantes et assistants sont formés régulièrement, comme nous-mêmes, sur les nouvelles techniques ou approches. Leur motivation n’en sera que meilleure ainsi que leurs rapports et communication avec les patients. Cela contribuera aussi bien au développement de notre pratique qu’à celui de la pratique en implantologie.

reunions quotidiennes permettent a toute l-equipe

Les réunions quotidiennes permettent à toute l’équipe d’agir à l’unisson ! De gauche à droite : Natalia Dos Reis Delgado, Cosmina Bunel, Houda Benaicha, Hadi Antoun, Isabelle Calvé, Mélanie Freire Ramos

Et à celui qui veut faire de l’implantologie sa spécialité ?

Faire de l’implantologie exclusive est à mon sens faisable par tout praticien qui en a la volonté et qui y met les moyens.

Nous pouvons reprendre déjà tout ce que nous avons évoqué pour l’omnipratique mais d’autres outils seront bien évidemment également nécessaires.

Parmi ceux-ci, je commencerai par citer un élément simple mais qui me semble essentiel aujourd’hui, vu la densité des « spécialistes » dans les grandes villes, c’est le choix du lieu de l’exercice.

Etre spécialiste, c’est également être capable de traiter un nombre de patients suffisamment important pour pouvoir reproduire un geste de la façon la plus prédictible possible et pour rendre viable économiquement la structure nécessaire à ce type d’exercice.

Etre spécialiste, c’est aussi être en mesure de créer un réseau de correspondants qui permettra d’assurer le volume d’activité nécessaire à ce type d’exercice. Il faut donc créer un climat de confiance avec les confrères et consœurs qui nous confient leurs patients et en même temps se donner les moyens de traiter les patients dans un environnement adéquat.

Faire de l’implantologie exclusive ne se limite pas à un acte proprement dit mais c’est assurer aussi toutes les conditions nécessaires avant, pendant et après le traitement. C’est garder un contact permanent avec le praticien prescripteur qui a besoin de suivre son patient, de comprendre ce qui est proposé, de participer au plan de traitement et de s’assurer de pouvoir prendre le relais par la suite.

Je dirais que c’est presque un autre métier, que c’est un mode de pensée qui devrait être différent. Nous avons le souci du patient, du traitement prodigué ainsi que de tout ce qui l’entoure mais aussi le souci du praticien qui nous a fait confiance qui joue un élément clé dans la globalité du traitement mais aussi dans le dynamisme d’un exercice exclusif.

Quel homme se cache derrière le dentiste ?

Il n’est jamais simple de parler de soi-même surtout quand il s’agit d’évoquer des choses plus personnelles.

Avant tout je pense à ma famille rapprochée, c’est-à-dire ma femme et mes deux filles… Concilier travail et famille n’est pas toujours très simple surtout quand on s’investit autant que je le fais dans mon métier. Il est vrai que la formation me passionne mais le temps nécessaire à sa préparation, je le prends sur mon temps libre et aussi à ma famille.

Je vis ce dilemme depuis toujours et tente de préserver des moments auprès de mes proches.

Quels sont vos projets personnels et professionnels dans un avenir proche ?

Mon premier souci, c’est de passer plus de moments privilégiés avec ma famille et de tenter de dégager un peu de temps pour moi-même pour tenter de développer d’autres passions que celles professionnelles. J’ai commencé récemment à prendre des cours de pilotage d’avion, on pourrait se donner rdv dans environ un an, après l’obtention de mon brevet, et je vous emmènerai alors faire un tour !

Par ailleurs, je suis engagé dans une association caritative et je souhaiterais lui donner une plus large envergure afin de pouvoir subvenir aux besoins croissants des personnes concernées.

D’un point de vue professionnel, le cabinet et l’IFCIA sont bien évidemment les deux entités que je souhaite continuer à faire évoluer en parallèle.

La partie cabinet est naturellement au centre de mon quotidien. L’objectif central est le patient : il faut le traiter dans les meilleures conditions possibles et dans un environnement agréable. Nous venons de refaire entièrement les salles d’intervention, nous allons également refondre la salle de stérilisation et nous réfléchissons constamment à de nouvelles manières d’améliorer la communication avec les patients et les correspondants.

Enfin, j’ai également le souci de l’aspect humain, notamment dans la gestion de mes collaborateurs. Nous passons beaucoup de temps dans nos cabinets et il est primordial que celui-ci soit agréable, convivial et serein pour tous.

Quant à l’IFCIA, il prend une place de plus en plus importante, même en dehors des formations puisqu’elles se prolongent au quotidien avec les interactions avec les collaborateurs et les participants. Comme pour le cabinet, nous sommes dans une dynamique d’évolution permanente tant sur le fond que sur la forme et nous souhaitons garder la proximité qui existe avec les praticiens qui viennent à nos formations et qui nous font confiance. Je leur suis d’ailleurs très reconnaissant car c’est grâce à leur participation que j’évolue et que je me remets en permanence en cause.

reunions quotidiennes a toute l-equipe

Crédit photo Interview : Maya Antoun, David Arraez
Crédit photo cas cliniques : Cabinet Dr Antoun, IFCIA

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A propos de l'auteur

Dr. Norbert COHEN

Rédacteur en chef du magazine LEFILDENTAIRE
Implantologie dentaire
Stomatologue
Docteur en médecine
Diplomé de l'institut de stomatologie et de chirurgie maxillofacial de Paris
Diplômé d'implantologie dentaire
Post graduate de parodontologie et d'implantologie de l'université de New-York
Diplomé de chirurgie pré et peri implantaire
Ex attaché des hopitaux de Paris
Diplômé d'expertise en médecine bucco-dentaire

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