Dr P. Pirnay : Vous représentez en France une académie américaine qui a pris le nom du plus illustre des chirurgiens dentistes français. Comment selon vous, nos confrères d’outre-atlantique jugent notre exercice français ?
Dr. H. Ouvrard : Les Américains, bien que toujours persuadés d’être « the best in the world » se sont rendus compte de l’évolution positive de notre dentisterie. Le rayonnement à l’étranger de certains praticiens considérés comme les meilleurs dans leur discipline, à l’exemple de Pierre Machtou en endodontie, y est pour beaucoup.
Dr P. : Le développement et le rayonnement international de la chirurgie dentaire représententt- ils un objectif réservé à une élite ? Comment motiver nos confrères déjà surchargés par la gestion du quotidien pour qu’ils participent à ces actions ?
Dr. H. O. : De nombreux conférenciers français sont invités à parler lors de congrès à l’étranger, des sociétés scientifiques comme la S.O.P. s’exportent, mais cela reste le fait d’une certaine élite ; de même que les publications dans les revues des autres pays. Il est cependant un moyen simple de diffuser le savoir-faire français, c’est de participer à des congrès à l’étranger, ce qui peut être associé de manière agréable à des vacances, et d’établir des échanges avec les confrères des pays visités. Sans oublier qu’un déplacement professionnel peut être partiellement intégré dans les frais du cabinet.
Dr P. : Comment nos confrères peuvent-ils « bénéficier » des actions de la Pierre Fauchard Academy ? Que peuvent-ils en retour lui app orter ?
Dr. H. O. : La Pierre Fauchard Academy est une organisation honorifique qui reconnaît les mérites de certains confrères dévoués à leur profession à travers le monde. Il ne faut donc pas penser en retirer un quelconque profit. Cependant, une partie des cotisations est versée à une Fondation qui s’en sert pour distribuer des bourses et des subventions. Ainsi, en France, chaque année nous décernons deux bourses de 1500 $ à des étudiants désignés par leurs doyens et un don de 15 000 $ au Bus Social Dentaire dont la mission est de soigner les plus défavorisés à Paris et dans la région parisienne.
Dr P. : Vous êtes un tout jeune retraité, toujours très actif. Avez-vous un conseil à offrir à ceux qui bientôt cesseront aussi leur exercice au cabinet ?
Dr. H.O. : Je ne me permettrai pas de donner des conseils à qui que ce soit. Pour ma part, j’ai préparé cette période en gardant des activités dans le monde dentaire (associations, sociétés scientifiques, revues) ou en acceptant de nouvelles responsabilités. Tout en préservant du temps pour mes loisirs selon la saison de l’année : golf, chasse, lecture, visite d’expositions, cinéma, etc. L’important étant de ne pas se laisser aller à l’oisiveté complète.
Dr P. : Quel est votre plus agréable souvenir d ans votre exercice de praticien ?
Dr. H. O. : Il remonte à la période où, jeune praticien, j’ai réalisé ma première réhabilitation orale complète. Il s’agissait d’une patiente que je qualifierai de « grise » : dans son habillement, son expression, la couleur de ses cheveux, tout était gris. Lors du rendez-vous de contrôle, 48 heures après la pose des prothèses, elle m’est apparue arborant une nouvelle coiffure, les lèvres maquillées, le visage souriant et vêtue d’une robe rouge. Je me suis dit que j’avais choisi un bien beau métier s’il me permettait ainsi d’apporter grâce à mes soins, un peu de bonheur et de joie de vivre.
Dr P. : Et celui d’une expérience que vous aimeriez partager avec nos confrères ?
Dr. H. O. : Pour moi, l’expérience professionnelle la plus enrichissante a été celle du contact humain. Connaissez-vous une autre profession qui vous permette de côtoyer autant de gens, aussi différents du bas en haut de l’échelle sociale et qui se confient à vous régulièrement pour que vous les soulagiez, que vous les aidiez, que vous les embellissiez, que vous leur apportiez le meilleur de vous-même ? Vous l’avez compris, j’aime ma profession, même si je ne l’ exerce plus et que les contraintes de tous ordres en ont rendu la pratique de plus en plus difficile par rapport à ce que j’ai pu connaître il y a plus de 40 ans quand j’ai été diplômé.