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Micro-abrasion amélaire : techniques et précautions

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La micro-abrasion amélaire trouve son indication dans l’élimination des anomalies de structure ou de pigmentation qui sont confinées à la surface de l’émail (Wray et Welbury, 2001). Plus précisément, elle est indiquée en présence de tâches superficielles ou d’hypoplasies légères de l’émail générées par les amélogenèses imparfaites légères (Fig. 1), les fluoroses légères (Fig. 2), les formes légères de MIH (Hypominéralisation Incisive/Molaire) ou encore les déminéralisations postorthodontiques. Elle peut également trouver son indication en présence d’anomalies amélaires superficielles induites sur une dent permanente par un traumatisme ayant eu lieu sur la dent temporaire susjacente (Chafaie et Heyraud, 2006 ; Chafaie, 2010). La micro-abrasion est une technique simple, mais dont les résultats cliniques obtenus dépendent directement de la profondeur des anomalies de structure et/ou de couleur à traiter. Les cas cliniques présentés sur les figures 1 et 2 en sont l’illustration.

Techniques

La micro-abrasion amélaire permet l’élimination de la couche la plus superficielle de l’émail via l’utilisation d’une pâte associant à la fois un agent érosif et un agent abrasif (Croll, 1989). L’agent érosif utilisé peut être de l’acide orthophosphorique (entre 30 et 40 %) ou de l’acide chlorhydrique (entre 6 et 18 %). L’agent abrasif, quant à lui, est généralement représenté par des particules d’oxyde d’alumine, d’oxyde de silicium ou de carbure de silicium. Le mélange acide/agent abrasif est appliqué et frotté sur l’émail à l’aide d’une instrumentation manuelle ou rotative (Croll, 1997 ; Croll et Cavanaugh, 1986a ; Croll et Cavanaugh, 1986b ; Croll et al., 1990 ; Wray et Welbury, 2001). Il en résulte une érosion et une abrasion de l’émail, d’où l’utilisation par certains auteurs du terme « abrosion » pour désigner les deux actions (Wray et Welbury, 2001).

Protocole et précautions à prendre

Étapes pré-opératoires

La première des précautions consiste à réaliser un diagnostic précis qui permettra de poser les indications, mais aussi les contre-indications. Comme mentionné précédemment, la micro-abrasion est indiquée en présence d’anomalies de structure et/ou de couleur qui sont confinées à la couche la plus superficielle de l’émail (Fig. 1 et 2). La difficulté principale réside cependant dans l’appréciation de la profondeur des lésions.

réalisation-d’une-micro-abrasion

Fig. 1 : traitement d’une amélogenèse imparfaite par la réalisation d’une micro-abrasion amélaire : A : situation clinique initiale ; B : situation clinique finale, après 2 séances de micro-abrasion amélaire réalisée avec 6,6 % d’acide chlorhydrique

Lorsque les anomalies de couleur ou de structure sont localisées au niveau du bord incisif, un examen de ce dernier en vue occlusale peut parfois renseigner sur leur profondeur. L’utilisation de la transillumination peut également apporter une aide au diagnostic (Chafaie et Heyraud, 2006 ; Chafaie, 2010).

Si la dyschromie ou les anomalies de structures s’étendent profondément dans l’émail et/ou la dentine, la micro-abrasion est contre-indiquée. Le respect de cette contre-indication est d’autant plus important que les lésions profondes sont de faibles étendues. Dans ces cas en effet, la micro-abrasion non seulement ne permet pas de résoudre le problème, mais surtout, comme elle est difficile à limiter à la seule zone lésée, elle risque d’effacer sur une grande partie de la face vestibulaire, y compris dans des zones initialement saines, la microgéographie de surface. Un aplanissement inutile et disgracieux de la face vestibulaire peut même survenir dans les situations les plus extrêmes. En présence de lésions profondes et limitées de l’émail, mais également en présence de lésions localisées sous l’émail, l’approche conseillée consiste à réaliser un composite en technique directe après retrait de la lésion, ce qui permet de respecter l’anatomie des zones adjacentes à la lésion (Chafaie et Heyraud, 2006 ; Chafaie, 2010).

Comme pour l’éclaircissement dentaire, il est conseillé de réaliser des photographies de la situation initiale. Par ailleurs, il est important d’informer le patient ou ses parents sur les modalités du traitement, les résultats que l’on peut obtenir, mais également les limites. Le consentement éclairé du patient doit toujours être obtenu (Tashima et al., 2009).

traitement-d’une-fluorose

Fig. 2 : traitement d’une fluorose par la réalisation d’une micro-abrasion amélaire : A : situation clinique initiale ; B : situation clinique finale, après 2 séances de micro-abrasion amélaire réalisée avec 6,6 % d’acide chlorhydrique ; la micro-abrasion a été efficace pour réduire la dyschromie superficielle de l’émail induite par la fluorose, mais elle a également induit une modification de son état de surface, avec diminution des porosités induites par la fluorose, mais aussi des micro-reliefs, induisant ainsi une modification des propriétés optiques de la dent ; par ailleurs, noter que, comme une certaine épaisseur d’émail a été retirée, la couleur de la dentine est davantage visible, les dents apparaissent donc plus sombres ; C et D : application de la pâte de microabrasion sur l’émail à l’aide d’une cupule siliconée montée sur un contre-angle ; E : fluoration réalisée avec un gel de fluoration appliqué sur l’émail

Étapes opératoires

  • Un champ opératoire (digue) doit être mis en place pour protéger la gencive contre l’effet érosif et abrasif de la pâte de micro-abrasion (Tashima et al., 2009) (Fig. 2). La réalisation de ligatures autour de chaque dent est conseillée pour parfaire l’étanchéité, mais également pour dégager la surface dentaire à traiter (Fig. 2).
  • Après avoir mis en place la digue, la pâte de microabrasion est appliquée et frottée sur l’émail (Fig. 2). Deux kits commerciaux peuvent être cités. Il s’agit du kit Prema (Premier Dental Products) et du kit Opalustre (Ultradent Products), tous deux composés d’une pâte contenant des microparticules de carbure de silicium et de l’acide chlorhydrique (10 % pour le kit Prema et6,6 % pour le kit Opalustre). Cette pâte est appliquée sur l’émail à l’aide d’une instrumentation manuelle ou d’une instrumentation rotative. Lorsqu’une instrumentation rotative est utilisée, il est conseillé d’utiliser une cupule siliconée spécifique (Fig. 2) montée sur un contre-angle faible vitesse (contre-angle réducteur 1 :10) et sur lequel est appliquée une pression manuelle faible (Croll, 1989 ; Croll, 1990). Un cycle de rotation dure entre 5 et 20 secondes et est suivi d’un rinçage de l’émail avec de l’eau, permettant ainsi une observation visuelle des effets obtenus. Le nombre de cycles nécessaires est fonction de la nature et/ou de la sévérité de la lésion à traiter. Le diagnostic est donc crucial pour éviter qu’une épaisseur importante d’émail ne soit enlevée avant qu’il y ait élimination de la lésion ; une des préoccupations majeures du praticien lors de la réalisation d’une micro-abrasion étant en effet de ne pas éliminer une quantité trop importante d’émail.

La perte d’émail engendrée par la micro-abrasion est difficile à déterminer avec précision car elle est fonction de différents facteurs, dont le type d’acide utilisé, sa concentration, le nombre et la durée de chaque cycle d’application, ainsi que le type d’instrumentation, manuelle ou rotative, utilisée. Si une instrumentation rotative est utilisée, la vitesse de rotation du contre-angle ainsi que la pression manuelle qui y est exercée influent sur la perte d’émail générée (Paic et al., 2008 ; Tong et al., 1993). Par ailleurs, le type d’émail est également à considérer ; l’émail qui présente des anomalies de structure étant éliminé plus rapidement que l’émail sain (Dalzell et al., 1995).

Sur un émail sain, Paic et al., (2009) ont évalué la perte générée lorsque le kit Opalustre est utilisé en association avec une instrumentation rotative. La vitesse de rotation du contre-angle (300 tours/min) ainsi que la pression manuelle exercée sur la cupule siliconée (100 g) ayant été standardisées. Malgré les limites de cette étude, ils ont montré qu’un cycle de rotation de 40 secondes entraîne une perte d’émail de 53,1 +/- 46,5 μm (Paic et al., 2008). Ces résultats sont à mettre en parallèle avec l’épaisseur d’émail présent à la surface des dents. Sur les incisives maxillaires, l’épaisseur de l’émail varie entre 1,12 mm au niveau du tiers incisif et 0,49 mm au niveau du tiers cervical. L’épaisseur d’émail présent sur les incisives mandibulaires est moins importante, allant de 1,02 mm au niveau du tiers incisif à 0,36 mm au niveau du tiers cervical (Shillingburg et Grace, 1973).

Au regard de ces données, nous préconisons, lorsque le kit Opalustre est utilisé en association avec une instrumentation rotative, qu’une séance de micro-abrasion ne dépasse pas 5 cycles de rotation de 10 secondes chacun, avec une faible pression manuelle exercée sur le contre angle et une vitesse de rotation comprise entre 300 et 500 tours/min. Une irrigation abondante à l’eau entre chaque cycle est nécessaire pour évaluer la disparition de la lésion à traiter (Ardu et al., 2009). Il faut cependant tenir compte du fait que l’évaluation esthétique de la micro-abrasion ne peut se faire qu’après réhydratation complète des dents (Ardu et al., 2009). Si alors les résultats ne sont pas satisfaisants, la séance de micro-abrasion peut être renouvelée une fois ; deux fois au maximum si les lésions sont localisées dans le tiers incisif. Pour éviter la survenue de sensibilité dentaire, nous recommandons de limiter au maximum le nombre de cycles de rotation réalisés au niveau du tiers cervical ; l’épaisseur d’émail à cet endroit étant très faible (Tong et al., 1993).

Étapes postopératoires

À la fin de chaque séance de micro-abrasion, les dents traitées sont abondamment rincées à l’eau et une fluoration à l’aide d’un gel à base de fluorure de sodium à 1 % est réalisée pendant 4 min. (Segura et al., 1997) (Fig. 2). Cette fluoration a pour objectif de réduire le risque de sensibilité postopératoire et de protéger les dents contre une possible déminéralisation externe (Ardu et al., 2009).

Protocole étape par étape

  • Poser les indications et les contre-indications à la réalisation de la micro-abrasion amélaire. Seules sont indiquées les anomalies de structure et/ou de couleur qui sont confinées à la couche la plus superficielle de l’émail (Fig. 1 et 2).
  • Obtention du consentement éclairé du patient.
  • Mise en place de la digue (Fig. 2).
  • Application de la pâte de micro-abrasion sur l’émail.
  • Il est conseillé d’utiliser une cupule siliconée spécifique montée sur un contre-angle dont la vitesse de rotation est comprise entre 300 et 500 tours/min et sur lequel est appliquée une pression manuelle faible (Fig. 2). Si la pâte contient 6,6 % d’acide chlorhydrique, nous préconisons qu’une séance de micro-abrasion ne dépasse pas 5 cycles de rotation de 10 secondes chacun, ce qui semble correspondre à une perte d’émail d’environ 70 μm (Paic et al., 2008). La perte d’émail générée est cependant difficile à évaluer avec précision.
  • Une irrigation abondante à l’eau doit être réalisée entre chaque cycle de rotation pour évaluer le résultat obtenu et arrêter le traitement en fonction.
  • Une séance de micro-abrasion peut être renouvelée une fois ; deux fois au maximum si les lésions sont localisées dans le tiers incisifs de la dent.
  • Pour éviter la survenue de sensibilité dentaire, un nombre minimum de cycles de rotation doit être réalisé dans le tiers cervical de la dent, l’épaisseur d’émail à cet endroit étant très faible.
  • Après chaque séance de micro-abrasion, un gel de fluoration (fluorure de sodium à 1 %) est appliqué pendant 4 min sur l’émail (Fig. 2).
traitement-de-dyschromies

Fig. 2 : traitement de dyschromies sévères des incisives centrales maxillaires consécutives à une fluorose : dans un objectif d’économie tissulaire, les techniques d’éclaircissement, de micro-abrasion et de sono-abrasion ont été graduellement utilisées : A : situation clinique initiale ; B : situation clinique après réalisation d’un éclaircissement sur dents vitales ; cet éclaircissement a permis de réduire l’intensité des dyschromies ; C : réalisation d’une micro-abrasion sur 21 ; D : situation clinique après micro-abrasion ; noter la réduction importante des dyschromies, seules persistent des zones colorées localisées ; E : situation clinique après une sono-abrasion réalisée uniquement au niveau des zones colorées résiduelles ; F : situation clinique après mise en place d’un composite de « masse émail », permettant de récréer l’anatomie de la face vestibulaire des incisives

Conclusion

La micro-abrasion amélaire est une approche facile à mettre en œuvre, relativement conservatrice et dont les résultats esthétiques obtenus sont fonction du respect des indications. Le recours à un protocole standardisé, avec respect de certaines règles simples, permet par ailleurs d’éviter ou de limiter la survenue d’effets secondaires.

Dans certaines situations cliniques, telles que certains cas de fluorose ou d’amélogenèse imparfaite, il peut être indiqué d’associer la micro-abrasion amélaire aux techniques d’éclaircissement sur dents vitales ; chacune de ces techniques ayant ses indications propres et ses limites. Le recours à la sono-abrasion suivie de la mise en place de composite peut également être nécessaire en présence de lésions profondes et localisées. Le cas clinique présenté dans la figure 3 en est l’illustration. Du fait de la nouvelle réglementation européenne interdisant la réalisation des éclaircissements sur dents vitales chez les enfants et les adolescents, une telle approche n’est cependant possible que chez les adultes.

Bibliographie

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16. Wray A. and Welbury R. (2001). UK National Clinical Guidelines in Paediatric Dentistry: Treatment of intrinsic discoloration in permanent anterior teeth in children and adolescents. Int J Paediatr Dent 11, 309-15.

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A propos de l'auteur

Dr. Maryline MINOUX

Maître de conférences des universités
Praticien hospitalier
Faculté de chirurgie dentaire, Strasbourg

Dr. René SERFATY

Maître de conférences des universités
Faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg
Responsable du DU d'esthétique du sourire
Pratique privée

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