En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies pour vous proposer des contenus et services adaptés à vos centres d'intérêts.

LEFILDENTAIRE est un site réservé aux professionnels de la santé dentaire.
Si vous n'êtes​ pas un professionnel de santé, vous pouvez obtenir des réponses à vos questions par des experts sur Dentagora.fr en activant le bouton Grand Public.

Je suis un professionnel Grand Public

La responsabilité civile professionnelle en implantologie bucco-dentaire

0

La responsabilité médicale est au centre d’un vaste débat de société. Les contours de l’obligation des praticiens dans leur relation avec la patientèle connaissent aujourd’hui des évolutions importantes. L’implantologie bucco-dentaire est une discipline directement concernée par ces évolutions à chacun des stades de l’acte de soins.

Le cadre juridique de l’obligation médicale en implantologie bucco-dentaire

Comme l’ensemble des professionnels de santé, l’implantologiste bucco-dentaire doit inscrire la relation de soins dans le cadre défini par la loi du 4/03/2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé :

« Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées ». C’est la nouvelle définition de l’obligation régalienne de moyens dont doit répondre chaque praticien, définition qui ne remet nullement en cause le concept de soins… « Consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la Science » consacré de longue date par la Cour de cassation.

La question s’est longtemps posée du périmètre exact de la responsabilité encourue en implantologie bucco-dentaire au titre des différentes phases de l’intervention : phase chirurgicale puis phase prothétique. Au vu de la constance de la jurisprudence en la matière et du cadre législatif existant, cette question nous paraît désormais clairement tranchée.

La responsabilité médicale en phase chirurgicale

La phase chirurgicale liée au processus implantaire est d’abord et avant tout un acte de soins. De ce truisme découle dès lors deux conséquences.

  1. l’acte de soins se déroule dans le cadre de l’obligation de moyens ;
  2. hormis les dérogations prévues par la loi (dommage occasionné du fait d’un produit de santé et infection nosocomiale), il appartient toujours au plaignant ou à ses ayants droit de prouver le manquement fautif du chirurgien-dentiste à son obligation lorsque ce manquement conduit à un préjudice pour le patient.

A ce stade chirurgical de l’acte de soins, la faute revêt diverses formes.

  • Il peut s’agir du manquement du praticien à son obligation de prudence (incluse dans l’obligation de moyens) :
  • « …le docteur X., en faisant le choix d’une technique, peut-être éprouvée mais qui s’est révélée inappropriée en l’espèce compte tenu de la fragilité particulière de l’os sur lequel étaient posés les implants a manqué à son obligation de prodiguer des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la Science… » (Cour d’appel de Pau – 1er/04/1995).
  • Nous trouvons aussi quelques affaires au titre desquelles le choix d’un traitement non conforme aux règles de l’art est pointé :
  • « Attendu que l’expert… après avoir relevé que les premiers soins apportés par le docteur X. étaient indispensables et justifiés, a estimé que la pose d’un cadre ramique était injustifiée compte tenu de la morphologie maxillaire de la patiente ; qu’il a considéré que les interventions relevaient plus de la chirurgie maxillo-faciale que de la chirurgie dentaire… » (Cour d’appel de Rouen – 18/12/2001)
  • Citons enfin d’autres cas de poursuites qui aujourd’hui tendent à devenir rares mais qui, pour la plupart ont donné lieu à la mise en cause effective de la responsabilité civile professionnelle du praticien : utilisation d’un implant avec date de péremption dépassée, réutilisation d’un implant, mauvaise orientation de celui-ci, lésions vasculaires ou nerveuses…

La responsabilité médicale en phase prothétique

Le chirurgien-dentiste en charge de la pose de la prothèse répond lui aussi d’une obligation de moyens car ce processus s’inscrit, à l’instar de la phase chirurgicale, dans le cadre d’un acte de soins.

En revanche, il pèse une obligation de résultat sur celui qui conçoit, produit et fournit la prothèse. Cette différence fondamentale en termes de traitement juridique s’explique par le fait que l’acte, en amont de la pose en bouche est alors technique et non de soins.

L’arrêt de cassation dont nous rapportons ci-après un extrait résume parfaitement ce principe : « Attendu que si un chirurgien-dentiste est tenu à une simple obligation de moyens quant aux soins qu’il prodigue, il est tenu à une obligation de résultat comme fournisseur d’une prothèse, devant délivrer un appareil sans défaut… » (Cour de cassation – 15/11/1988).

La jurisprudence pose une règle claire. L’appareillage mis en place doit être sans défaut, tant au niveau de sa conception que du matériau utilisé. L’obligation de résultat qui s’instaure provient du fait que le patient s’avère être totalement passif par rapport à ce travail de conception technique, ce qui ne sera plus le cas (et s’instaurera alors l’obligation de moyens) lorsque le praticien procèdera à la pose de cet appareillage.

Il convient de noter que la réhabilitation prothétique, lorsqu’elle est de confort donne parfois lieu à la consécration d’une obligation dite « de satisfaction ». En d’autres termes, le chirurgien dentiste, tout en veillant au remplacement fonctionnel des organes dentaires doit s’assurer de la satisfaction de son patient, tant sur le plan du confort que de l’esthétique. On retrouve dans ce concept la tendance assez constante de la jurisprudence visant à renforcer l’obligation de moyens dès lors que les soins prodigués sont de confort. Mais cela n’a strictement rien à voir avec un risque de « dérive », juridiquement impossible faut-il le préciser vers l’obligation de résultats.

L’information du patient

L’information donnée au patient a pour but de recueillir son consentement libre et éclairé sur la stratégie thérapeutique qui lui est proposée. Cette information doit être renouvelée à chaque nouvelle étape du traitement et le consentement recueilli de la même manière.

En matière d‘information, la loi du 4/03/2002 consacre la jurisprudence de la Cour de cassation qui, par un arrêt rendu le 25/02/1997 avait inversé la charge de la preuve au détriment du professionnel de santé, considérant qu’il appartenait désormais à celui-ci, tenu d’une obligation particulière d’information vis-à-vis de son patient, de prouver qu’il avait exécuté cette obligation.

La loi indique le périmètre de l’information due au patient. Il s’agit des différentes investigations, traitements ou actions de prévention proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent, les autres solutions possibles et les conséquences prévisibles en cas de refus. Ceci noté, on sait que l’étendue réelle de l’information peut varier en fonction de multiples facteurs tels que la psychologie du patient et son état de santé. L’étendue de l’information est d’autant plus vaste que l’intervention ne met pas en jeu la vie du patient. Dès lors, en implantologie bucco-dentaire de confort il n’est pas abusif d’évoquer une information totale sur les risques encourus.

Enfin, en cas de litige, il appartient au praticien d’apporter par tout moyen la preuve que cette information a bien été délivrée. Mais le « tout moyen » en soi nous renseigne peu et cette notion donne encore lieu aujourd’hui à de nombreux débats. En implantologie bucco-dentaire, indépendamment de l’information naturellement écrite sur les aspects économiques propres à l’intervention, la mise à disposition du patient d’un document signé de sa main et énonçant les risques potentiels est souvent jugée utile. Mais un tel document n’a pas force de preuve devant un tribunal.

En conclusion

Le risque médico-légal rapporté à l’implantologie bucco-dentaire a, par le passé, donné lieu à une sinistralité préoccupante. Celle-ci tend aujourd’hui à se réduire quelque peu du fait d’une plus grande maîtrise des praticiens servants de cet art. Outre cette maîtrise, l’implantologiste doit aussi veiller attentivement à la qualité de sa relation avec le patient. En effet, une réclamation sur deux souligne une carence relationnelle ou supposée telle par le patient dans le rapport qu’il entretient avec son thérapeute.

Partager

A propos de l'auteur

Jean VILANOVA

LA MEDICALE DE FRANCE

Laisser une réponse