Découverts en 1883 par le physiologiste anglais Françis Galton, les ultrasons ont largement investi le cabinet dentaire dans 2 domaines : le détartrage et le nettoyage (cuves à ultrasons). Aujourd’hui, ils investissent aussi la chirurgie, avec des appareils spécifiques de piézo-chirurgie.
Les ultrasons (entendez par là des sons inaudibles pour la plupart d’entre-nous, exceptés de jeunes enfants et quelques animaux), sont des ondes mécaniques, au même titre que notre voix humaine, mais à des fréquences comprises entre 20 000 Hz et plusieurs centaines de Méga Hertz. Le physicien français Paul Langevin a ensuite inventé le principe du transducteur, baptisé “Triplet de Langevin” et encore utilisé dans les détartreurs piézoélectriques modernes.
Le détartrage des dents, qui se faisait à l’origine avec des curettes manuelles, peut aussi s’effectuer avec des appareils techniques, communément appelés détartreurs.
Les détartreurs soniques
…c’est-à-dire, travaillant à des fréquences audibles, de l’ordre de 6 000 Hz.
On peut les comparer à de minis marteaux piqueurs pneumatiques, car l’extrémité de leurs inserts effectue des micros déplacements (entre 50 et 180 μm environ).
Le contrôle de ces déplacements est plus anarchique que celui généré avec les détartreurs à ultrasons. Ils nécessitent par contre moins de besoins d’eau de refroidissement que leurs cousins à ultrasons. Ces détartreurs soniques se présentent sous forme de pièces à main, qui se connectent sur le raccord rapide de turbine. Ils existent également avec la lumière et sont en général disponibles pour plusieurs types de connecteurs rapides (Multiflex, Unifix, Rotoquick, Sirona R/F etc.).
Les détartreurs ultrasoniques
Ils fonctionnent dans une gamme de fréquences inaudibles, située de 25 à plus de 40 KHz (Kilo Hertz), suivant leur technologie. Il en existe 3 types différentes :
- La magnétostriction
- La ferro-magnétostriction
- La piézo-électricité
Elles ont en commun le phénomène de cavitation (D’où le nom repris par Dentsply®, pour son détartreur : le cavitron ®). La cavitation est un phénomène de création, croissance et implosion de bulles d’air dans un liquide lorsque ledit liquide est soumis à une onde de pression périodique. C’est un phénomène bien connu dans la Marine, avec le brassage des hélices de bateaux, qui finissent par se détériorer en extrémités de pâle.
La cavitation se déclenche à partir de 20 000 Hz environ dans l’eau, par une baisse de pression provoquant sa vaporisation, vaporisation qui conjointement à l’implosion des bulles d’air, crée des ondes de choc très puissantes. C’est ce même principe qui est utilisé dans vos cuves de nettoyage à ultrasons.
La magnétostriction
C’est la technique la plus ancienne des détartreurs apparue dans le dentaire, avec le célèbre “Cavitron®” américain.
Elle désigne la propriété des matériaux ferromagnétiques à se déformer sous l’effet de champs magnétiques oscillatoires (Fig. 1).
Une bobine excitée électriquement à une fréquence de 30 000 Hz (ex du Cavitron® actuel) entoure des lamelles métalliques solidaires de la pointe de l’insert. Sous cette excitation, les lamelles vont légèrement se déformer et retransmettre ces variations à la pointe de l’insert, qui effectuera alors de petites oscillations elliptiques.
Cette technique nécessite une grande irrigation, surtout destinée à contrôler l’échauffement des lamelles de métal. Les inserts spécifiques à cette technologie sont 40 à 45 % plus chers que ceux destinés aux détartreurs piézo-électriques (environ 140 €).
La ferro-magnétostriction
A ma connaissance, il n’y a qu’un fabricant qui propose cette technologie, à savoir la société Danoise XO®, avec son détartreur “Odontogain ®” (ex : Odontoson de Goof) (Fig. 2).
La technologie est à peu près la même que celle de la magnétostriction, à ceci près que les lamelles métalliques sont remplacées par un barreau de ferrite (comme ceux utilisés dans les postes de radios de nos parents).
La ferrite est une sorte de céramique obtenue par moulage à hautes pressions et températures, d’oxyde de fer, manganèse, carbonate de nickel et autres substances dans ce genre. La ferrite a la capacité de ne pas se déformer comme les lamelles métalliques des détartreurs à magnétostriction, et elle permet de travailler avec des fréquences bien plus élevées, de l’ordre de 42 000 Hz. Cette grande fréquence ultrasonore permet des micros déplacements en pointe d’insert, de l’ordre de 10 à 20 μm. Cette faculté permet un ressenti plus doux des détartrages pour les patients, et permet aussi d’éviter l’anesthésie dans bien des cas (Fig. 3).
Le coût des inserts est également plus élevé que pour la famille des piézoélectriques, il faut compter environ 150 € l’insert.
La piézo-électricité
C’est la plus grande famille de produits, initiés à la base par la société française Satelec®, avec son célèbre “Suprasson” (Fig. 4).
On reprend ici la découverte de Paul Langevin et de son “triplet”, qui consiste en l’empilement de céramiques piezoélectriques serrées et mises en précontrainte entre deux masses métalliques pour éviter leur destruction. Les masses métalliques détermineront la fréquence de travail de l’ensemble (tout comme un diapason détermine une fréquence bien précise).
Un signal sinusoïdal ou carré, appliqué aux céramiques, les excitera avec une tension pouvant se monter à plusieurs centaines de volts, ce qui induira des contractions des pastilles de céramique de quelques microns. Ces contractions pourront être amplifiées mécaniquement par un “booster” (sorte de masse métallique cylindrique se rétrécissant en se rapprochant de l’insert), pour atteindre 200 à 300 μm en extrémité d’insert.
Pour bien fonctionner, la fréquence du signal électrique d’excitation des céramiques doit être en concordance avec celle de l’ensemble mécanique. Généralement, les fréquences de fonctionnement de cette famille de détartreurs piezoélectriques se situe entre 20 et 36 KHz.
Les détartreurs piezoélectriques, représentent la grande majorité des appareils installés en cabinets dentaires, avec des marques comme Satelec®, EMS®, Mectron®, NSK®, Dürr-Dental® etc (Fig. 5).
Les inserts de cette famille piezoélectrique sont moins coûteux que ceux des familles précédentes, comptez donc autour de 80 € l’unité.
A ce propos, il est très important de vérifier régulièrement l’usure de ses inserts, qui ne sont pas éternels. Les fabricants ont aujourd’hui tous copiés Satelec® qui a été le premier à proposer des cartes de contrôle de l’usure des inserts.
Il faut savoir qu’un insert usé ne fonctionne plus de manière optimale, il fait perdre de 20 à près de 100 % de puissance en fonction de son usure. En plus de sa perte de puissance, il vibrera de façon anarchique, ce qui entraînera aussi un travail plus long et fastidieux.
Les détartreurs à ultrasons peuvent se présenter sous plusieurs formes :
Intégrables dans les Units
Contrairement à une idée reçue, ils sont aussi performants que les appareils de table, à quelques restrictions près.
Appareils de table, à raccorder au réseau d’eau
Dans ce cas, il faut impérativement les raccorder après une vanne de coupure d’eau (si possible 1/4 de tour) et accessible facilement, pour la fermer tous les soirs. Il faut également se préoccuper de la pression d’eau d’alimentation, si vous ne souhaitez pas connaître un dégât des eaux, l’idéal étant d’essayer de récupérer l’eau de l’unit dentaire, après sa vanne de coupure (Fig. 6).
Cette famille de détartreurs ne représente pas à mes yeux d’intérêt majeur. Problèmes potentiels évoqués ci-avant, câbles d’alimentation et de pédale, encombrement du meuble… Autant faire changer son module interne de détartreur dans l’unit par un modèle moderne : cette formule n’offre pas grand-chose de plus.
Appareils de table, avec réservoirs d’eau et/ou de liquides d’irrigation
L’encombrement de votre meuble se justifiant alors ! Il suffit simplement de le raccorder à une prise électrique. Ce type d’appareil permet une irrigation avec un simple bocal ou réservoir, où l’on peut mettre de l’eau, du sérum physiologique, de l’hypochlorite ou une solution médicamenteuse de son choix. L’idéal est un appareil à deux réservoirs (ou flacons) permettant le choix instantané de l’irrigation (différente en parodontie et en détartrage) (Fig. 7).
Attention : il faut impérativement vider ou enlever les réservoirs le soir (plus encore les veilles de week-end) et installer un réservoir plein d’eau, afin de rincer les circuits. Faute de ce genre de précautions, vous connaîtrez par cœur le numéro de téléphone du SAV !
Appareils plus orientés Paro
La plupart des détartreurs des familles précédentes sont également adaptés au traitement parodontal, mais Dürr-Dental® avec son Vector Pro, a délibérément choisi une spécialisation paro. Tout en ayant aussi la possibilité d’effectuer du détartrage, cet appareil avec lequel les inserts ne se déplacent que dans le sens axial (parallèlement à la surface radiculaire) est également pourvu de poches de solutions d’irrigation très particulières.
Solutions : à base de particules abrasives de carbure de silicium (50 μm), pour effectuer des micro-tailles avec des inserts lisses ou à base de particules d’Hydroylapatite, utilisée comme “Polish”, pour éliminer les dépôts bactériens du biofilm de surface des implants et pour nettoyer et polir les surfaces radiculaires (Fig. 8).
Appareils de Piezo-Chirurgie
Tout récemment, les ultrasons ont investi le domaine chirurgical, grâce aux puissances atteintes par les nouvelles générations d’appareils, et au développement fulgurant d’inserts spécifiques, et à l’adoption de l’irrigation similaire à celle des moteurs d’implantologie avec pompes péristaltiques de sérum physiologique et autres solutions médicamenteuses. Les “collections” d’inserts aujourd’hui disponibles chez certains fabricants sont impressionnantes et font l’objet de véritables catalogues exhaustifs. L’inox, les alliages spéciaux, le carbone, et même le diamant, sont utilisés dans leur fabrication, sans compter les formes les plus surprenantes !
Il existe aussi des inserts spécifiques permettant l’ostéotomie et l’ostéoplastie, l’élévation de sinus, les expansions de crêtes,… avec des possibilités de précision inégalées avec les autres moyens d’intervention.
Appareils mixtes de Chirurgie
L’assemblage d’un moteur de chirurgie avec un appareil de piezo-chirurgie était inéluctable, les fabricants toujours à l’affût d’innovation et soucieux d’éviter une multitude de tuyaux, câbles et pédales en salle de chirurgie, ont fait ce qui était évident : rassembler les deux matériels (Fig. 9).
Avantages évidents : une seule pédale, un seul encombrement, les mêmes pompes péristaltiques pour les deux systèmes de chirurgie, même manipulation et programmations, etc. A cela s’ajoute l’avantage de disposer d’un véritable détartreur en salle d’OP, indispensable en parodontologie.
Un autre très grand avantage (et non des moindres) : ce type de matériel devient un véritable “Mini Unit” et il pourra vous permettre de travailler sur votre fauteuil, en dentisterie conventionnelle, le jour où vous serez en panne d’unit. En y adjoignant également votre aspiration autonome de votre salle de chirurgie, vous devenez alors “presque invulnérable”. Le prix à payer est conséquent et tourne autour de 10 000 €.
Autres nouveautés
Satelec-Acteon®, leader incontesté dans le domaine des ultrasons en dentisterie, propose un détartreur capable d’envoyer non seulement un liquide d’irrigation vers l’insert, mais également de l’air filtré en basse pression. Le système dénommé “Air Active” est présent sur le nouveau “P-Max XS”. Cela permet l’élimination de débris dentinaires, la mise en forme sans création ni compactage des boues dentinaires, d’assécher le canal après irrigation et d’éviter le recours à la seringue multifonctions (Fig. 10).
La plupart des appareils à ultrasons piezo-électriques proposent aussi la lumière, et bien souvent avec des diodes Leds.
Satelec-Acteon à mis au point un ingénieux codes de couleurs sur sa batterie d’inserts, qui, en relation avec ses appareils, permet de le pré-régler de manière optimale, sans risque de casse ou de sous performances. A quand l’automatisme entre les deux composants (Fig. 11) ?
Conclusion
Pour clore cet article, je tiens à vous livrer une citation collectée sur la brochure “Guide du détartrage assisté” de Hu-Friedy®, distributeur d’inserts de qualité pour les détartreurs à magnétostriction et piézoélectriques : “On obtient probablement les meilleurs résultats en associant les instruments soniques ou ultrasoniques au détartrage manuel”.
Remerciements pour sa documentation à M. Christophe Lachaud (Acteon-Satelec).