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La distraction verticale alvéolaire mandibulaire : technique chirurgicale et applications cliniques

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Le déficit quantitatif et qualitatif tridimensionnel osseux est régulièrement posé en implantologie. Le but de la chirurgie pré-implantaire est de relever ce défi afin d’assurer à terme au patient une qualité de vie la plus proche de la norme. La réhabilitation orale par implants ostéointegrés chez des patients ayant une atrophie de la crête alvéolaire mandibulaire est souvent basée sur l’utilisation de greffes osseuses autologues ou des substituts d’osseux. Mais selon les données de la littérature, ces techniques ont un grand pourcentage de morbidité et de résorption osseuse. La distraction alvéolaire verticale ostéogénique est une technique relativement récente qui permet un gain de hauteur crestale et un apport significatif des tissus mous adjacents (histogénèse) (1).

La distraction alvéolaire permet un gain progressif de hauteur de la crête alvéolaire grâce d’une part, au développement d’un cal osseux de réparation dans l’espace de solution de continuité après ostéotomie et d’autre part, à l’élongation progressive de la gencive adjacente. Les distracteurs utilisés sont intra-oraux.

Bref historique de la distraction osseuse

Codivilla a été le premier en 1905 à publier sur la distraction du membre inférieur. Mais c’est Illizarov, véritable père de la distraction ostéogénique, qui mit au point en 1951 un fixateur externe circulaire permettant le transport osseux avec un allongement progressif des membres inférieurs. Il en énonce aussi les principes biologiques, décrit et classe les différentes techniques de transport osseux.

La première véritable distraction mandibulaire après ostéotomie biparasymphysaire a été réalisée par Rosenthal en 1927. Plus tard, Kazanjian décrit une technique de distraction mandibulaire après ostéotomie des deux branches horizontales. La première description d’une distraction mandibulaire « moderne » date de 1973 par Snyder et coll (2). La distraction alvéolaire crestale a été décrite pour la première fois chez l’homme en 1996 par Chin et Toth (3).

Principes de base de la distraction

La distraction est composée de cinq phases successives :

1. L’ostéotomie segmentaire

Elle sépare un même os en deux segments, ce qui entraîne une perte de la continuité et des propriétés mécaniques de l’os qui vont déclencher des processus de réparation aboutissant à la formation du cal osseux.

2. La phase de latence

Elle suit l’ostéotomie et correspond à une phase inflammatoire qui dure entre 1 et 3 jours. Elle permet la formation du cal osseux initial de réparation qui commence par la formation d’un hématome entre et autour des deux fragments osseux. Cet hématome se transforme en un caillot avec apparition d’un réseau capillaire au niveau du canal médullaire entre les deux fragments qui restaure l’apport sanguin et une importante prolifération cellulaire. À terme, le caillot sanguin est remplacé par un tissu de granulation fait de cellules pro-inflammatoires, de fibroblastes, de collagène et de néo-capillaires. C’est le stade du cal osseux mou qui dure environ trois semaines.

3. La phase de distraction proprement dite

Elle est caractérisée par l’application de forces de traction sur les segments osseux progressivement séparés l’un de l’autre. La distraction prolonge le processus normal de réparation osseuse et entraîne la néo-formation de tissu osseux dans l’intervalle interfragmentaire. La distraction stimule la croissance cellulaire dans l’espace interfragmentaire et prolonge l’angiogenèse qui permet l’augmentation des apports nutritifs et l’oxygénation des tissus et des cellules à potentiel ostéogénique. Elle provoque une altération et une modification de la forme et de l’orientation des fibroblastes et des fibres de collagène sécrétées qui s’orientent parallèlement au vecteur de distraction.

Entre le troisième et le cinquième jour de distraction, des capillaires envahissent le cal mou. Les ostéoblastes et chondroblastes apparaissent. Durant la deuxième semaine, les trabécules osseux primaires se forment et les ostéoblastes secrètent du tissu ostéoïde le long des fibres de collagène qui se calcifiera à la fin de la semaine. L’intervalle de distraction fonctionne comme une zone de croissance qui reste ouverte jusqu’à la fin de la distraction.

Radiologiquement, la zone interfragmentaire pauvrement minéralisée est radioclaire. La majeure partie de cette phase est réalisée par le patient et en ambulatoire.

4. La phase de consolidation

Elle permet la maturation et la corticalisation du cal osseux. Elle commence à la fin de l’application des forces de distraction. Le matériel de distraction à ce stade fait office de fixateur externe en attendant la reminéralisation complète du cal interfragmentaire par l’ossification progressive de la zone de croissance fibreuse.

5. La phase de remodelage

Elle permet la restitution ad integrum de la pièce osseuse distractée. Elle commence à partir de la remise en charge fonctionnelle de la pièce osseuse distractée jusqu’au complet remodelage. Pendant cette phase, le cal osseux distracté est renforcé par de l’os lamellaire aux fibres parallèles (remodelage haversien). La structure du néo-tissu osseux cortico-spongieux interfragmentaire est à la fin de cette période comparable à l’os préexistant. Cette phase dure au moins un an.

Effets de la distraction sur les tissus mous : La distraction histogénique

Les différents effets de la distraction, de l’étirement des tissus mous environnants (muscles, squelettiques, nerfs, etc.) qui répondent de façon différente à leur étirement progressif correspondent à la distraction histogénique.

La muqueuse subit un étirement des différentes structures qui la composent pendant la phase de distraction. La couche épithéliale s’amincit considérablement avec désorganisation des couches cellulaires, oedème intercellulaire et perte des ponts intercellulaires. Les fibres collagènes et les vaisseaux de la couche conjonctive s’étirent de façon importante. Pendant la phase de consolidation, les ponts intercellulaires réapparaissent, l’oedème disparaît et les couches épithéliale et conjonctive se réorganisent. La muqueuse gingivale retrouve une structure strictement normale. La muqueuse gingivale se régénère plutôt qu’elle ne cicatrice et ceci tant que la distraction n’a pas provoqué de plaies muqueuses. Elle semble se restaurer complètement en huit semaines.

Technique chirurgicale

site-mandibulaire-pre-operatoireimages-pre-operatoiresphase-post-consolidation

Souvent, l’intervention est réalisée sous anesthésie générale. Des radiographies panoramique dentaire et dentascanner pré-opératoires sont indispensables (Fig. 1). Afin de limiter le saignement muqueux, une infiltration à la xylocaïne adrénalinée est effectuée avant l’incision vestibulaire. La muqueuse est décollée jusqu’au rebord mandibulaire, afin de repérer le nerf mandibulaire dans les segments postérieurs. Le distracteur est alors modelé et mis en place provisoirement grâce à quelques vis. Des repérages à la fraise fissure, à la scie oscillante ou aux ultrasons (piezzochirurgie) sont ensuite effectués. Le distracteur est enlevé. Une ostéotomie unicorticale externe est alors effectuée et complétée par une ostéotomie médiale en bois vert afin d’éviter la lésion des tissus mous internes assurant la vascularisation. Le distracteur est de nouveau remis en place (Fig. 2).

phase-terminaleOn vérifie par quelques tours de vis dans le sens horaire et anti-horaire la fonctionnalité. La muqueuse est enfin refermée par des points séparés résorbables en prenant soins de laisser visible l’extrémité permettant la distraction. Après une période de latence de 5 à 10 jours, la distraction s’effectue à raison d’1 mm par jour (Fig. 3). Une antibioprophylaxie adaptée aux germes buccaux est mise en place pendant la phase active. Une fois la hauteur optimale atteinte grâce à la surveillance clinique et paraclinique, la distraction est stoppée et la période de consolidation dure 3 mois (Fig. 4, 5 et 6). Au terme de cette consolidation, le distracteur a été enlevé et les implants dentaires sont posés dans le même temps opératoire (Fig. 7). Trois mois plus tard les vis de cicatrisations sont posées et un mois plus tard, la phase de la connectique démarre (Fig. 8).

Conclusions

La distraction alvéolaire verticale de la mandibule doit être prise en considération quand le praticien a besoin d’une réhabilitation prothétique implanto-portée chez des patients ayant un déficit osseux au niveau crestal mandibulaire.

Bibliographie

1. Zwetyenga N., Emparanza A., El-Okeily M., Ricard A.-S., Gindre A., Majoufre-Lefebvre C, Siberchicot F. Implanted-supported protstheses after vertical alveolar distraction of the mandibule: a prospective study. In P.A. Diner, E. Arnaud, M.P. Vazquez : Maxillofacial and Craniofacial distraction. Medimond, International Proceedings ; 2006
2. Snyder C.C., Levine G.A., Swanson H.M., Browne E.Z. Jr. Mandibular lengthening by gradual distraction. Preliminary report. Plast Reconstr Surg. 1973 ; 51:506-8
3. Chin M., Toth B.A. Distraction osteogenesis in maxillofacial surgery using internal devices: review of five cases. J Oral Maxillofac Surg. 1996 ; 54:45-53

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A propos de l'auteur

Dr. Narcisse ZWETYENGA

Service de Chirurgie maxillo-faciale, C.H.U. de Bordeaux

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