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Hypochlorite de sodium en 2008 Stop ou Encore ?

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Depuis plusieurs décennies, de nombreuses avancées technologiques en endodontie ont permis d’une part d’améliorer significativement la qualité des traitements radiculaires et d’autre part de repousser les limites de certaines indications. Citons pour mémoire les systèmes de rotation continue en nickel-titane, les aides visuelles (loupe et microscope opératoire) ou l’utilisation de matériau de réparation biocompatible (Mineral Trioxide Aggregate). Pourtant, le volet irrigation lors du traitement endodontique semble négligé par rapport à ces évolutions : Est-il ainsi toujours d’actualité d’utiliser une seringue d’irrigation conventionnelle et une solution d’hypochlorite de sodium pour assurer une désinfection optimale ?

Le succès du traitement endodontique passe par la gestion du facteur microbien au sein d’une anatomie canalaire complexe, particulièrement dans la zone apicale (2). Ce résultat est obtenu par la combinaison d’une préparation instrumentale (manuelle ou mécanique) et de solutions d’irrigation antiseptiques, suivie de l’obturation tri-dimensionnelle du réseau canalaire (3,4). La préparation canalaire se conçoit alors comme une préparation chimiomécanique où les limites des manoeuvres instrumentales (diminution de la charge bactérienne insuffisante, production de débris, production de boue dentinaire) sont palliées par l’utilisation de solutions d’irrigation appropriées.

La définition, la plus pertinente de l’irrigation est proposée par Gulabivala en 2005, dans une communication personnelle (1) :

« Les fonctions de l’irrigation sont :

  • l’évacuation des débris (organiques ou inorganiques) et des bactéries qui sont mises en suspension durant la mise en forme ;
  • l’évacuation des débris et des bactéries compactés au sein des zones non-instrumentées du réseau canalaire ;
  • la dislocation et l’évacuation du biofilm bactérien adhérent aux parois canalaires et ayant échappé aux manoeuvres instrumentales mécaniques ;
  • et enfin, la destruction des bactéries par l’action antiseptique des solutions d’irrigation. »

Actuellement, aucune solution d’irrigation seule ne répond à l’ensemble de ce cahier des charges. Pourtant, l’hypochlorite de sodium présente de nombreux avantages et remplit la majorité des critères requis (8) :

  • Spectre antibactérien large,
  • Action solvante majeure sur les tissus nécrotiques,
  • Action blanchissante,
  • Peu toxique si l’utilisation et la technique sont appropriées,
  • Coût faible.

Son action est fonction du pH, du titrage et surtout de la quantité de chlore actif dans la solution. L’efficacité de l’hypochlorite de sodium est étroitement liée à son renouvellement intra-canalaire. L’apport d’une solution fraîche doit donc être très fréquent. La concentration idéale est comprise entre 2,5 et 5 % à partir de dilutions d’une solution base ou par l’utilisation de solution commercialisée stabilisée à 3 % type Parcan® (Septodont, France) (Fig.1).

Pourtant, l’utilisation de l’hypochlorite de sodium est souvent redoutée par crainte d’une projection iatrogène dans les tissus péri-apicaux. Cette erreur clinique est dans la majorité des cas due à une instillation sous pression de l’hypochlorite de sodium. Cet accident donne lieu à des complications per et post-opératoires pouvant entraîner des séquelles irréversibles pour le patient (Fig.2). La prévention pré-opératoire d’un tel risque repose sur une bonne analyse du cas : longueur de travail correctement évaluée, présence de communications endo-parodontales décelées (perforation, résorption volumineuse).

La prévention per-opératoire est liée à une instillation passive de la solution par le praticien sans jamais bloquer l’aiguille à l’intérieur du canal. Un mouvement vertical de va-et-vient de faible amplitude permet une irrigation efficace et sûre. L’utilisation d’une lime de perméabilité de petit calibre (10/100e) après chaque instillation à la seringue permet de mettre en suspension les débris et d’éviter la formation de bouchons.

Par ailleurs, l’hypochlorite de sodium ne permet pas l’élimination de la phase minérale de la boue dentinaire (smear layer). La smear layer est le résultat de l’action instrumentale au sein d’un canal humide ; elle est composée d’une phase minérale et organique. Il est maintenant admis que la smear layer doit être éliminée car elle est considérée infectée (6). L’utilisation d’une solution d’E.D.T.A. (acide éthylène diamine tétraacétique) à 17 % permet l’élimination de la phase minérale de la smear layer.

En résumé, l’hypochlorite de sodium demeure toujours la solution d’irrigation de référence en endodontie et doit être associé à une solution d’E.D.T.A. en fin de mise en forme (v. méthodologie). Malgré l’efficacité notoire de ces solutions, de nombreuses recherches tentent d’optimiser leurs actions afin d’améliorer l’irrigation intra-canalaire.

Activation chimique

Le chauffage permet d’améliorer significativement l’action de l’hypochlorite de sodium. Sirtes et col. ont étudié la stabilité et le pouvoir bactéricide d’une solution d’hypochlorite de sodium à 1 % chauffée à 45°C et à 60°C pendant 60 minutes, laps de temps correspondant approximativement à la durée du traitement endodontique.

Une solution à 5,25 % a été utilisée comme témoin. Les résultats ont indiqué une équivalence d’efficacité sur des souches d’Enteroccus faecalis entre la solution testée à 45°C et la solution témoin. A 60°C, la solution de NaOCl à 1 % est plus bactéricide que la solution témoin utilisée à température ambiante. Pour tous les paliers de température, la solution à 1 % a présenté une stabilité chimique.

Le chauffage agit comme un catalyseur des réactions chimiques. L’utilisation d’une solution peu concentrée (1 %), donc moins cytotoxique, peut être envisagée si un chauffage est réalisé au préalable. Il faut noter que l’élévation de température dissipe plus rapidement le taux de chlore actif, ce qui implique un renouvellement plus fréquent de la solution.

Activation mécanique

La principale voie de recherche est l’utilisation d’ultrasons pour activer les solutions d’irrigation. L’effet des ultra-sons produit des turbulences acoustiques générant des mouvements liquidiens, apparentés à des vagues, qui « s’échoueraient » sur les parois canalaires. Il en résulte une action mécanique qui améliore l’action chimique des solutions d’irrigation.

L’activation se réalise à l’aide de limes ultra-sonores spécifiques (Irrisafe®, Satelec) et d’un générateur approprié (Fig.3). Les contacts de la lime avec les parois canalaires sont à éviter pour limiter une perte de puissance et la formation de smear layer.

La littérature indique que l’activation ultra-sonore est un complément efficace surtout pour l’élimination des débris. Les résultats concernant l’éviction de la smear layer sont beaucoup plus controversés (7).

D’autres systèmes d’activation mécanique peuvent trouver une application clinique. Le plus empirique est l’utilisation du maître cône de gutta percha comme agitateur mécanique. En fin de mise en forme, ce dispositif est le seul qui présente une adaptation complète au réseau canalaire préparé. Associé à des mouvements verticaux, il permet une progression des solutions d’irrigation dans la région apicale et une réelle action hydrodynamique des solutions. Pour chaque mouvement du cône, un apport de solution fraîche provenant du réservoir d’irrigation (cavité d’accès à quatre murs) est propulsé par le cône latéralement et apicalement. Quelle que soit la technique de rinçage final utilisée, il est nécessaire d’éliminer par aspiration ou séchage l’excès de la première solution, lorsque l’on alterne E.D.T.A et NaOCl, car les deux produits réagissent entre eux. L’EDTA réduit la concentration de chlore actif de manière instantanée (8).

L’utilisation de seringues d’irrigation avec des embouts souples (nickel titane, polymères) (Vista Dental, U.S.A) permet d’apporter la solution d’irrigation directement dans les derniers millimètres apicaux (Fig. 4 et 5). Cette nouvelle génération de seringue d’irrigation facilite une insertion de l’aiguille même dans les canaux courbes. Malgré le faible diamètre de l’aiguille, l’extrusion de la solution est particulièrement douce ce qui rend la séquence d’irrigation sure.

Récemment, la société Dürr Dental a commercialisé un dispositif d’irrigation innovant : le RinsEndo® (Fig.6). Il s’agit d’une pièce à main qui se branche sur le raccord turbine du fauteuil car son utilisation se fait sous pression d’air. Une aiguille d’irrigation est connectée à la pièce à main. Le RinsEndo® permet une instillation mécanique de la solution au sein du canal, qui, après un court laps de temps est aspirée par le dispositif. L’excédent de solution doit être éliminé avec une pompe à salive classique. Dans l’utilisation du RinsEndo®, un cycle permanent d’éjection- aspiration se crée qui induit un circuit hydrodynamique dans le canal radiculaire. Le RinsEndo® est associé à un réservoir d’irrigation permettant d’instiller la solution d’irrigation choisie.

Cette volonté d’établir un cycle d’éjection-aspiration est aussi retrouvée dans l’Endovac system® (Fig.7). Nouvellement commercialisé, cet appareil permet d’instiller une solution d’irrigation par l’intermédiaire d’une seringue classique. Cette solution est alors aspirée par pression négative à l’aide de canules de deux tailles différentes (micro et macrocanules). Malgré une démarche novatrice, ce système présente l’inconvénient majeur d’être difficile à mettre en oeuvre. En effet, la macrocanule doit être est utilisée lors de la mise en forme puis la microcanule sert pour l’irrigation finale en fin de mise en forme. De plus, chaque canule est à usage unique, ce qui rend le coût d’utilisation de ce système élevé.

Enfin l’Endoactivator®, dispositif d’activation de l’irrigation récemment disponible sur le marché, est une pièce à main sonique associée à des inserts fins en nylon (Fig.8). L’utilisation de l’Endoactivator® permet une vibration de l’insert à l’intérieur du canal. Les inserts ont des diamètres apicaux correspondant au calibre apical obtenu à la fin de la mise en forme. La vibration de l’insert crée des turbulences au sein des solutions utilisées. Les inserts sont atraumatiques et peuvent entrer en contact avec les parois canalaires sans générer de smear layer, à la différence des inserts ou des limes ultrasonores métalliques. L’utilisation d’un mouvement vertical de va et vient (similaire à celui utilisé avec le cône de gutta) sur la pièce à main est recommandée pour améliorer l’efficacité du système.

L’activation des solutions d’irrigation est une étape primordiale dans la réalisation du traitement endodontique. Outre l’emploi des ultrasons, les nouveaux dispositifs décrits plus haut semblent prometteurs pour optimiser la distribution des solutions d’irrigation malgré l’absence de preuve scientifique pour le moment.

La synthèse de la littérature et les sensations cliniques de nombreux praticiens permettent de définir une méthodologie afin de réaliser une irrigation optimale dans le cadre d’une biopulpectomie ( Fig.9 et 10) :

  • Négociation initiale (K010, K015, K020…) dans un gel lubrifiant et chélatant,
  • Irrigation avec de l’hypochlorite de sodium à 2,5 % avec une seringue de 40/100e de diamètre, dès que la trajectoire canalaire est sécurisée ;

La portion sécurisée à ce stade est le plus souvent en retrait de la longueur de travail finale.

  • Chaque travail de lime (rotative ou manuelle) est suivi d’une irrigation d’environ 0,5 ml d’hypochlorite de sodium ;
  • Passage de la lime de perméabilité (mise en suspension des débris),
  • Nouvelle instillation de 0,5 ml d’hypochlorite de sodium (évacuation des débris),
  • Passage de la lime (rotative ou manuelle) appropriée selon la technique de mise en forme choisie,

Une utilisation supplémentaire de gel lubrifiant peut être indiquée pour une négociation difficile de la zone apicale.

  • Ajustage d’un cône de gutta percha médium non standardisé (garant d’une conicité suffisante pour la propagation des solutions d’irrigation),
  • Aspiration de l’excédent d’hypochlorite à l’aide de la seringue,
  • Instillation d’1 ml par canal d’EDTA sous forme liquide à 17 %,
  • Activation à l’aide du maître cône, de limes ultrasonores ou de l’Endoactivator® pendant 1 minute,
  • Aspiration de l’excès d’E.D.T.A et rinçage final à l’aide de 3ml d’hypochlorite de sodium par canal,
  • Activation à l’aide du maître cône, de limes ultrasonores ou de l’Endoactivator® pendant 30 secondes.

Bibliographie

1. Huang T.-Y., A collagen « biofilm » ex vivo model to evaluate the influence of canal dimension and irrigation variables on the efficacy of irrigation.Th : Master of science, Eastman Dental institute:2005
2. Nair PNR, Pathogenesis of apical periodontitis and the causes of endodontic failures. Crit Rev Oral Biol Med 2004;15(6):348-381
3. Schilder H., Cleaning and shaping the root canal. Dent Clin North Amer. 1974(18):269-296
4. Schilder H., Filling root canals in three dimensions. Dent Clin of North Amer. 1967(11):723-744
5. Sirtes G., Waltimo T., Schaetzle M., Zehnder M., The effects of temperature on sodium hypochlorite short-term stability, pulp dissolution capacity, and antimicrobial efficacy. J Endod. 2005;31(9):669-671
6. Torabinejad M., Handysides R., Khademi AA, Bakland LK, Clinical implications of the smear layer in endodontics : a review. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod. 2002;94(6):658-666
7. Van der Sluis LWM, Versluis M., Wu MK, Wesselink PR, Passive ultrasonic irrigation of the root canal: a review of the literature. Int Endod J. 2007;40:415-426
8. Zehnder M., Root canal irrigants. J Endod. 2006; 32(5):389-398

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A propos de l'auteur

Dr. Grégory CARON

Ancien interne en odontologie Paris 7
Ancien assistant hospitalo-universitaire Paris 7
Exercice limité à l’endodontie

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