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Dentisterie restauratrice et esthétique et anesthésie intra-osseuse : applications cliniques

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« Le bon dentiste est celui qui ne fait pas mal et le bon patient est celui qui ne bouge pas durant les soins ». À la rencontre de ces préoccupations, l’anesthésie occupe toujours une position centrale en odontologie. Indolore, efficace et simple à réaliser, l’anesthésie intra-osseuse semble s’imposer comme la solution apte à satisfaire à la fois les attentes du patient et celles du praticien, dans les cas difficiles mais aussi, et peut-être surtout, dans la pratique quotidienne de la dentisterie restauratrice.

Introduction

Longtemps négligée en médecine, la gestion de la douleur constitue aujourd’hui une priorité pour de nombreux professionnels de santé. Par ailleurs, pour répondre à l’attente des patients, tout chirurgien-dentiste peut aujourd’hui se donner les moyens de réaliser en première intention une anesthésie indolore sans suite postopératoire. Si l’on excepte « la phobie de l’aiguille », les patients craignent en effet les anesthésies, essentiellement pour deux raisons :

  • d’une part, la peur de la douleur pendant la réalisation
  • d’autre part, l’engourdissement des tissus mous pendant plusieurs heures, après un soin qui n’a pris souvent que quelques dizaines de minutes

Dans cet esprit et depuis déjà une dizaine d’années, le domaine dentaire est témoin de la montée en popularité de diverses techniques d’anesthésie alternatives. L’anesthésie par voie intra-osseuse demeure sans contredit l’une des plus connues et des plus intéressantes en termes d’efficacité (1). Réalisée avec des moyens adéquats, cette technique offre en effet des résultats constants quelle que soit la nature des soins à réaliser, et ce, sans suite postopératoire. Son utilisation peut ainsi s’étendre bien au-delà du traitement des seuls cas difficiles (pulpites, terrains infectieux, anesthésies des secteurs mandibulaires postérieurs, etc.) et constituer la méthode d’anesthésie habituelle et routinière du cabinet (2).

Plusieurs compagnies commerciales proposent une instrumentation spécifique à cette méthode (Stabident®, X-Tip® Dentsply, Cyberjet®, Anesto® WH). Chacun de ces systèmes possède une technique qui lui est propre et comporte un certain nombre d’avantages et d’inconvénients. Cet article se propose, après un rappel des principes fondamentaux de l’anesthésie intra-osseuse (AIO), de présenter en particulier les avantages offerts par l’utilisation en première intention du Quicksleeper S4® (Dental Hi Tec), dans des applications cliniques quotidiennes de dentisterie restauratrice et esthétique.

Principes

Bien que décrite dès 1907 (3,4), l’anesthésie intraosseuse, dite aussi intra-diploïque, est une méthode encore peu connue et de ce fait peu répandue en odontologie.

De nombreux protocoles décrivent la mise en œuvre d’une série de techniques d’anesthésie qui, se complétant les unes les autres, finissent par aboutir à une action efficace. La majorité de ces protocoles utilisent, en dernier ressort, des injections intra-ligamentaires, intra-septales voire intra-pulpaires, certes efficaces, mais dont les inconvénients (torsion de l’aiguille, fuite, échec, risque de nécroses de papilles, desmodontite postopératoire, impossibilité d’utiliser un vasoconstricteur à 1/100 000e , contre-indication dans les parodontopathies, douleurs, etc.) ne peuvent pas être négligés (5,6). L’efficacité des AIO repose sur l’injection de la solution anesthésique directement dans l’os trabéculaire interdentaire. La diffusion de cette solution se trouve alors sous la dépendance de la physiologie environnante [(facteurs physiques (densité osseuse), facteurs chimiques (pH)]. L’anesthésie est immédiate et variable en durée selon la quantité injectée et le vasoconstricteur utilisé. L’action de l’AIO est cependant quelque peu différente suivant qu’elle intéresse la mandibule qui possède une irrigation unidirectionnelle centrifuge ou le maxillaire dont l’irrigation est pluridirectionnelle et centripète (Fig. 1). En règle générale, l’utilisation d’une demi-cartouche permettra l’anesthésie de deux dents adjacentes au point d’injection, alors qu’une cartouche entière permettra d’anesthésier jusqu’à 6 dents sans engourdissement des tissus mous environnants. Avec le Quicksleeper S4, du fait de la pénétration verticale et profonde de l’aiguille (sur au moins 10 mm dans l’os spongieux), les anesthésies sont dites « ostéocentrales ». La diffusion de l’anesthésique est d’autant plus large et voisine de la région des apex.

La première étape consiste donc à anesthésier la muqueuse attachée ; à cette fin, il convient de poser le biseau de l’aiguille parfaitement à plat sur la surface de la muqueuse (Fig. 2.1, aiguille spécifique DHT®, 30 centièmes, 16 mm, Dental Hi Tec). Le design en double biseau des aiguilles DHT® permet une pénétration indolore de la muqueuse (Fig. 2.2). Il faut veiller ensuite à contrôler la profondeur de la pénétration de l’aiguille, afin d’éviter le contact avec le périoste sous-jacent (richement innervé). La prise « stylo » de la pièce à main du Quicksleeper S4 apporte la maîtrise nécessaire sans difficulté. L’injection en goutte à goutte est déclenchée par une action sur la pédale sans fil et est pilotée électroniquement (Fig. 3). Les sensibilités ressenties au cours de cette étape sont nulles ou très faibles (pH acide de la solution anesthésique).

La deuxième étape consiste à perforer la corticale grâce à la mise en rotation de l’aiguille de façon discontinue (afin d’éviter l’échauffement de cette corticale). À noter que la même aiguille est utilisée pour les deux premières étapes. En secteur denté, dentisterie restauratrice, (Fig. 4) les points de perforation passent par le sommet de la papille. L’aiguille est inclinée de 30 à 45° par rapport au grand axe de la dent et conduite jusqu’au contact osseux. La mise en rotation de l’aiguille est alors actionnée. À noter que lors des soins pédodontiques, en raison de la faible densité osseuse, la pénétration de l’aiguille peut être effectuée à la main par des mouvements de rotation alternatifs et de faibles amplitudes (aiguilles DHT 30 centièmes/9 mm/vertes).

Du fait de l’absence d’innervation de la corticale, le patient ne ressent aucune douleur à ce stade. Cependant, les vibrations et les bruits engendrés par le moteur d’entraînement de l’aiguille (situé dans le corps de la pièce à main) peuvent s’avérer impressionnants pour un patient qui n’a jamais reçu ce type d’anesthé- sie. Aussi conviendra-t-il de l’avertir au préalable afin d’éviter tout réflexe de surprise.

La troisième étape, après la perception visuelle et tactile des « paliers » de pénétration de l’aiguille au cours de la traversée de l’os cortical et des trabéculations de l’os spongieux, réside en l’injection lente et progressive (contrôlée électroniquement) de la solution anesthésique.

La quantité injectée et la concentration du vasoconstricteur sont déterminées en fonction du temps de travail envisagé, qui pourra varier d’un quart d’heure à 1 heure et quart. Des variations individuelles peuvent cependant être constatées. La faible durée relative de ce type d’injection peut constituer d’ailleurs une limite de l’utilisation de cette technique (cas chirurgicaux complexes par exemple). Cependant, en dentisterie restauratrice, les actes générateurs de douleurs (excavation des tissus cariés, préparation des cavités) sont généralement cantonnés au début de la séance de soins, ce qui garantit le confort opératoire avec l’uti – lisation d’une seule cartouche. La faible dose d’anesthésique nécessaire à la réalisation des soins constitue en outre un avantage notable en termes de réduction des risques liés à la toxicité des produits.

Par ailleurs, cette technique permet l’utilisation de vasoconstricteurs en toutes circonstances, ce qui renforce considérablement les effets de la molécule anesthésique (action synergique de l’adrénaline avec l’articaïne) et limite les doses injectées. Lorsque l’aiguille de 16 mm est insérée sur au moins 75 % de sa longueur, les risques de nécrose tissulaire sont inexistants du fait de la large diffusion des produits dans l’os spongieux. Actuellement, le choix le plus efficace est représenté par l’adrénaline, molécule bien connue également pour son action sur le muscle cardiaque ; aussi, lors de la réalisation d’une anesthésie intra-os – seuse avec vasoconstricteur, et plus particulièrement fortement dosée (1/80 000 e ou 1/100 000 e ), le patient peut présenter une tachycardie et une polypnée de courte durée et sans conséquence (7, 8). Cependant, il paraît ici encore souhaitable d’avertir le patient au préalable de ce risque de désagrément, par nature très anxiogène.

Applications cliniques en dentisterie restauratrice et esthétique

Secteur maxillaire postérieur (Fig. 5 et 6)

Le maxillaire postérieur, dans la région des prémolaires en particulier, constitue sans doute la région idéale pour « faire ses gammes » avec l’anesthésie ostéocentrale. L’accès y est facile, l’os généralement de faible densité. La diffusion de l’anesthésique atteint une à deux dents distales et deux à trois dents mésiales au point d’injection (pour 1 capsule d’articaïne adré – nalinée à 1/100 000 e ).

Secteur mandibulaire postérieur (Fig. 7 et 8)

Les anesthésies mandibulaires sont réputées les plus difficiles en raison d’une densité osseuse plus importante qu’au maxillaire. L’anesthésie ostéocentrale prend ici tout son sens, et le praticien appréciera l’efficacité de la technique alors que le patient n’aura pas, ou très peu, à subir l’inconfort postopératoire (en par – ticulier consécutif aux injections tronculaires à l’épine de Spix). Pour de nombreux patients, cet avantage va bien au-delà de la notion de confort, et c’est l’assurance de pouvoir reprendre toutes les activités de la vie courante dès la sortie du cabinet dentaire, ce qui semble être tout sauf un « détail » aux dires de nombre d’entre eux.

Secteurs incisivo-canins (Fig. 9 à 11)

Au niveau antérieur, au maxillaire comme à la mandibule, les injections ostéocentrales peuvent être pratiquées, au choix, à n’importe quel niveau proximal.Cependant, en cas de soins portant sur les six dents antérieures, la localisation inter-incisive du point d’injection offre une anesthésie pulpaire et parodontale de canine à canine. Il convient de noter cependant que l’efficacité et la durée de l’anesthésie va decrescendo de l’incisive centrale à la canine. Aussi, les soins sont alors prioritairement initiés au niveau des canines et poursuivis de proche en proche vers les centrales (Fig. 9).

Les soins conservateurs du secteur antérieur requièrent en outre quelques spécificités, liées à l’anatomie même des dents antérieures. Dans les cas de parodonte festonné en particulier, l’utilisation de ligatures et de crampons unitaires est souvent nécessaire pour ajuster correctement la digue aux collets des dents (Fig. 10 et 11). Or, ces artifices, en comprimant la gencive marginale, génèrent des douleurs. Les techniques para-apicales classiques insensibilisent le parodonte vestibulaire uniquement. Une injection ostéocentrale inter-incisive unique anesthésie en revanche l’ensemble du parodonte, vestibulaire et palatin.

Discussion et conclusion

Indolore et efficace, l’anesthésie intra-osseuse semblerait donc s’imposer comme la solution apte à satisfaire à la fois les attentes du patient et celles du praticien. Quelques points méritent cependant d’être précisés :

  • la maîtrise des techniques spécifiques et inhérentes à chaque système d’injection intra-osseuse (Quicksleeper S4® compris) est corrélée à une courbe d’apprentissage. De notre expérience, plusieurs semaines d’utilisation quotidienne et intensive ont été nécessaires pour se sentir totalement à l’aise. Des différents systèmes personnellement essayés (X Tips®, Quicksleeper S4®, Anesto®), le Quicksleeper S4® s’est avéré être le plus efficace, le plus complet et le plus ergonomique. Les injections « ostéocentrales » permettent en effet des anesthésies immédiates, profondes, diffuses et sans risque de nécrose.
  • les anesthésies intra-osseuses peuvent être envisagées pour tous types de situations cliniques, et leurs avantages s’étendent bien au-delà des seuls cas difficiles (pulpite sur molaire mandibulaire par exemple). À l’inverse, une répétition très régulière du geste spécifique à cette technique constitue sans aucun doute une des clés de la réussite. Cependant, les injections para-apicales et tronculaires ne sont pas à abandonner pour autant. Pour les deuxièmes et troisièmes molaires maxillaires par exemple, l’anesthésie para-apicale reste à notre sens la technique la plus simple et la plus rapide, d’autant que l’inconfort lié à l’engourdissement des tissus mous est très faible dans ces régions. De plus, placer la pièce à main du Quicksleeper S4® verticalement est quasiimpossible à ce niveau. Dans le même esprit, si le praticien souhaite obtenir une longue durée d’anesthésie (au-delà d’une heure, pour les cas chirurgicaux complexes par exemple), les techniques tronculaires sont plus efficaces même si elles requièrent des injections complémentaires. Prolonger la durée d’une anesthésie intra-osseuse est évidemment aussi possible. À ce titre, l’utilisation d’un trocart laissé en place dans l’os pour la durée de l’intervention (X-Tip®) est un avantage ergonomique certain par rapport au Quicksleeper S4®. Pour celui-ci, le changement d’aiguille (qui se bouche parfois) ou de cartouche lorsqu’elle est vide), bien qu’assez simple en théorie, est plus fastidieux qu’avec une seringue classique. De plus, il n’est pas toujours aisé de retrouver l’emplacement du premier forage intra-osseux et il est parfois nécessaire d’en pratiquer un second.
  • le Quicksleeper S4 demande un entretien minutieux et régulier (graissage des roulements 1 fois par semaine). Cet investissement en temps s’ajoute à l’investissement initial (de l’ordre de 3 500 €) et aux consommables (les aiguilles spécifiques DHT® sont un peu plus coûteuses que les aiguilles classiques).

À l’inverse, une mention spéciale doit être accordée à l’impact positif généré par la technique ostéocentrale auprès des patients. Les enfants ne ressentent plus la « piqûre », et le risque de morsure labiale postopératoire disparaît. Passé l’effet de surprise lié à la première expérience en la matière, les adultes jeunes ou plus âgés ne veulent, de notre expérience, plus revenir aux techniques classiques, essentiellement pour le confort postopératoire apporté par les injections intraosseuses. Mieux, de nouveaux patients se présentent au cabinet, spécifiquement demandeurs de ce type d’anesthésie.

Le Quicksleeper S4® s’avère donc être un outil particulièrement performant pour les chirurgiens-dentistes, il représente, à de nombreux points de vue, un progrès tangible en pratique quotidienne. La suppression de la sensation douloureuse est un objectif fondamental à atteindre dans notre exercice, le Quicksleeper S4® apparaît comme un moyen extrêmement efficace d’y parvenir.

Bibliographie

1. Coggins R, Reader A, Nist R, Beck M, Meyers W. Anesthetic efficacy of the intraosseous injection in maxillary and mandibular teeth. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 1996 ; 81 :634-41.
2. Villette A . L’anesthésie intra-osseuse, étape obligée vers l’anesthésie idéale. Journal Dentaire du Québec Vol. XXXV, décembre 1998.
3. Nogue R. Anesthésie diploïque – Revue Stomatologique n°4, avril 1907.
4. Cavaroz C. Contribution à l’étude de l’anesthésie diploïque. Thèse de Médecine, Paris, 1909.
5. Gaudy JF, Areto CD. Manuel d’analgésie en odontostomatologie. Éd Masson, 2005, 205p.
6. Charrier JL, Millot S. À propos de l’anesthésie locale en chirurgie buccale. Réalités cliniques. 2006 ; I 7 : I 89- I 9.
7. Wood M, Reader A, Nusstein J, Beck M, Padgett D, Weaver J. Comparison of intraosseous and infiltration injections for venous lidocaihe blood concentrations and heart rate changes after injection of 2 % lidocaine with 1 :100,000 epinephrine. J Endod 2005 ; 31 :435-438.
8. Stabile P, Reader A, Gallatin E, Beck M, Weaver J : Anesthetic efficacy and heart rate effects of the intraosseous injection of 1.5 % etidocaine (1 :200,000 epinephrine) after an inferior alveolar nerve block. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2000 ; 89 :407-411.

Les auteurs déclarent n’avoir aucun intérêt commercial avec Dental Hi-Tec France. Un Quicksleeper S4® a été mis à leur disposition par Dental Hi-Tec France pour un essai d’une durée déterminée, au cours duquel les auteurs ont personnellement acheté l’ensemble des consommables.

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A propos de l'auteur

Dr. David GERDOLLE

Chirurgien-dentiste
Exercice privé, Montreux, Suisse

Dr. Éric MORTIER

Chirurgien-dentiste
Maître de Conférence des Universités
Faculté d’Odontologie de Nancy, France

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