En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies pour vous proposer des contenus et services adaptés à vos centres d'intérêts.

LEFILDENTAIRE est un site réservé aux professionnels de la santé dentaire.
Si vous n'êtes​ pas un professionnel de santé, vous pouvez obtenir des réponses à vos questions par des experts sur Dentagora.fr en activant le bouton Grand Public.

Je suis un professionnel Grand Public

Prendre en charge les taches blanches des incisives permanentes liees a une hypomineralisation molaire incisive (mih) : l’infiltration résineuse en profondeur

0

Introduction

L’érosion-infiltration résineuse constitue une thérapeutique minimalement invasive permettant de faire disparaitre certaines taches amélaires disgracieuses visibles lors du sourire. Ce traitement est en phase avec les concepts actuels définissant une dentisterie moderne. Celle-ci privilégie la préservation du capital dentaire, la biomimétique1 et l’adhésion tissulaire1-2. au départ, cette option thérapeutique était dévolue à l’infiltration de lésions carieuses non cavitaires au niveau des dents postérieures. Mais, cette solution s’est avérée également intéressante dans le masquage des taches présentes sur les dents antérieures. Le principe consiste à infiltrer une résine fluide de très faible viscosité et d’indice de réfraction proche de celui de l’émail sain progressant par capillarité au niveau du réseau de porosités d’une tache blanche, ceci permettant alors de faire disparaitre le défaut inesthétique et de rendre l’émail translucide. En fonction de la profondeur du défaut de structure au sein de la couche d’émail, et par conséquent en fonction du diagnostic, des variantes thérapeutiques existent. L’infiltration en profondeur consiste à éliminer quelques centaines de microns d’émail en regard du défaut de manière à accéder aux taches les plus profondes de la couche amélaire vestibulaire3-5.

L’hypominéralisation molaire incisive, dont l’acronyme anglo-saxon est MIH pour Molar Incisor Hypomineralisation, est une anomalie de structure qualitative de l’émail caractérisée par des opacités délimitées brunes, beiges, jaunes ou blanches. Le diagnostic de MIH est posé à partir du moment où une opacité est observée sur au moins une première molaire permanente6. Dans de nombreux cas, des stigmates sont également observés sur les incisives permanentes, et plus rarement sur d’autres dents (comme au niveau des cuspides des canines permanentes). Cette anomalie est relativement fréquente, atteignant aujourd’hui près de 15 % de la population7. Ces défauts tissulaires débutent à la jonction émail-dentine et s’étendent  dans la couche amélaire en direction de la surface vestibulaire. Ilssont par conséquent profonds d’emblée. Les taches observées sont des hypominéralisations intégrant de l’eau ou de l’air au sein du réseau de porosités, chaque milieu ayant un indice de réfraction différent d  l’hydroxyapatite. Lorsque l’oeil observe les taches, le rayon lumineux incident ne traverse pas la totalité de la couche amélaire jusqu’à la jonction émail-dentine avant de se réfléchir et revenir à l’oeil comme cela se produit pour une dent de structure normale.

Au niveau d’une tache, le rayon lumineux va être dévié à chaque fois qu’il va traverser un élément d’indice de réfraction différent, ce qui va créer un labyrinthe optique, procurant son aspect blanc à la tache8.

Introduction

Raphaël, 13 ans, se présente en consultation avec sa mère pour la prise en charge de ses taches amélaires présentes sur ses incisives centrales et visibles lors du sourire
(fig. 1).

fig1

L’interrogatoire et l’examen clinique permettent de définir précisément la demande. L’examen clinique sur dents nettoyées et séchées laisse apparaitre : une tache jaune clair, aux limites nettes, occupant le centre du 1/3 occlusal de la dent 11 sans implication du bord libre  (fig. 2), et une tache blanche aux contours bien définis siégeant au niveau de la portionmésiale du 1/3 occlusal de la dent 21 avec implication partielle du bord libre.

fig2

Le jeune patient ne souhaite pas traiter le bord libre de la dent 12 présentant une coloration moins disgracieuse. La présence d’une tache blanche au niveau de la cuspide mésio vestibulaire de la dent 46 permet de poser le diagnostic de MIH. Nous notons également la présence d’une restauration relativement modérée disto-occlusovestibulaire sur cette dent, nous permettant d’énoncer l’hypothèse d’un défaut tissulaire d’étendue plus importante (fig.3). L’étude de la mosaïque des paramètres cliniques d’analyse des défauts permet de  préciser le designdes taches sur les dents antérieures9.

fig3

L’enregistrement de la couleur de la masse émail du matériau composite doit être réalisée avant la mise en place du champ opératoire. En effet, l’isolation optimale des dents concernées entraine en quelques minutes un dessèchement des dents et donc une modification temporaire de la couleur de ces dents. L’enregistrement de la couleur est réalisé en déposant de petits échantillons de matériau photopolymérisé sur la face vestibulaire de la dent à  restaurer. Lorsque le praticien est à la recherche d’unemasse dentine adéquate, il déposera les petites billes de matériau pouvant être sélectionnées au niveau de la moitié cervicale de la face  vestibulaire, alors que lorsqu’ilrecherche une masse émail, il déposera ces billes au niveau   du1/3 occlusal. L’analyse numérique de la luminosité des échantillons de masses émail peutse  faire à l’aide de logiciels de retouche d’image, sur des images en noir etblanc, visant  àcomparer les luminosités du matériau et de la dent naturelle.

L’intervention demeure au niveau amélaire, même si dans le cadre des MIH le défauttissulaire   de l’émail est profond,débutant à la jonction émail-dentine. En cas de sensibilités initiales,uneanesthésie locale peut être envisagée préalablement. Un fil de soie floche  estinsinué au niveau des points de contacts inter-dentaires pour anticiper d’éventuelles difficultés de mise en place de la digue. Cette dernière est alors posée, isolant les quatre incisives du secteur antérieur maxillaire (Nictone®, MDC Dental).

Nous procédons à une légère mutilation tissulaire de l’ordre de quelques centaines de microns (quelques dixièmes de millimètres), au niveau des taches des dents 11 et 21 à l’aide d’une fraise diamantée olive (fig. 4).

fig4

Cette intervention est opérateur-dépendant. Elle peut également être réalisée à l’aide d’un insert d’ultra-sonoabrasion (insert boule diamanté Excavus®, Sopro-acteon) ou de sono abrasion. Ce moyen de préparation peut être également remplacé par une micro-abrasion amélaire (si le plafond de la lésion est supposé être peu profond au sein de la couche amélaire, Opalustre®, Ultradent) ou par un sablage à l’oxyde d’alumine à 50μm. L’appréciation de la profondeur de retrait tissulaire s’observe selon différents angles. L’état de la coloration éventuelle est contrôlé. L’infiltration ne doit être réalisée que sur des taches blanches. Dans le cadre d’enfants ou d’adolescents de moins de 18 ans, les colorations résiduelles peuvent être éliminées par le frottement de la tache à l’aide d’hypochlorite à 5% pendant plusieurs minutes jusqu’à obtention de la couleur blanche. Nous poursuivons ensuite par la   thérapeutiqued’infiltration en profondeur (ICON®,DMG). Le coffret destiné aux   casantérieurs comprend 3seringues. De l’acide chlorhydrique à 15% (ICON Etch®, DMG)   estappliqué en massage pendant 2 minutes auniveau des défauts des dents 11 et 21 à l’aide d’une Microbrush® (fig. 5), puis abondamment rincé (fig. 6).

fig5-et-6

L’application de l’acide chlorhydrique doit permettre de rendre les surfaces des défauts totalement perméables et créer des reliefs d’attaques efficaces sur l’émail sur une profondeur d’environ 40 microns (fig. 7). Il permet également d’augmenter la tension de surface, ce  qui favorisera l’infiltration.

fig7

La seconde seringue du coffret (ICON Dry®) est de l’éthanol à 99% (fig. 8). Ce dernier va permettre d’éliminer les molécules de fluides buccaux et d’eau enfermées dans les porosités de la tache et va servir de test : à la suite de l’application de l’alcool pendant une durée   d’au moins 30secondes, si la tache disparait, cela signifie que nous nous trouvons bien au niveau du plafond du défaut. Dans ce cas, il est nécessaire de s’assurer qu’il n’y a pas de zone où la  tache demeure présente. Une infiltration correcte ne peutse faire que si les porosités sont  totalement exemptes demolécules d’eau pouvant empêcher le comblement par la résine infiltrée. Si une zone ne disparait pas, une légère élimination tissulaire sera de nouveau nécessaire à cet endroit et un nouveau test à l’éthanol est réalisé.

fig8

Chez raphaël, l’application de l’éthanol au niveau des dents 11 et 21 permet d’observer, après quelques dizaines de secondes, la disparition des taches (fig. 9). La troisième étape de  l’infiltration est l’application de la résine (ICONInfiltrant®) au niveau de la lésion pendant 3  minutes, à l’abri de toute source lumineuse pour éviter une polymérisationprécoce du matériau.

fig9

Il est nécessaire de frotter la zone pendant toute la durée de l’application de manière à infiltrer totalement la tache (fig. 10).

fig10

7L’ICON infiltrant est une matrice à base de résine méthacrylate (TEGDMa), de très faible viscosité, avec un indice de réfraction proche de celui de l’hydroxyapatite. La coloration jaune de la résine est liée à la camphroquinone qu’elle contient, et s’estompera après la photo polymérisation. Le séchage à la seringue à air permet d’évacuer les solvants, les excès  éventuels de résine sont éliminés, un fil est inséréau niveau des espaces interdentaires avant une photopolymérisation (fig. 11).

fig11

Puis, une seconde application d’ICON infiltrant® est réalisée pendant 1 minute suivie   d’unenouvelle photopolymérisation,ceci permettant d’obtenir une épaisseur suffisante de résine qui jouera le rôle de système adhésif. Cette seconde intervention permet, entre autres, de compenser la contraction de polymérisation liée à la photopolymérisation initiale. La tache disparait, l’émail infiltré devient translucide (fig. 12).

fig12

Cela est lié à la modification de l’indice de réfraction amélaire du défaut, indice se retrouvant alors proche de celui de l’hydroxyapatite. Un seul apport de matériau composite de masse  émail(masse Neutral Enamel, coffret Mosaic®, Ultradent) (fig. 13) permet ensuite de restaurer le tissu éliminé sur les incisives maxillaires et mandibulaires (fig. 14) .

fig13

 

 

 

 

 

fig14

La photopolymérisation est d’au moins 40 secondes à l’aide d’une lampe LED puissante (Valo®, Ultradent). Un gel de glycérine (DeOx®, Ultradent) est utilisé en application sur le matériau composite de manière à protéger le matériau de l’oxygène et à obtenir   unephotopolymérisation complète,y compris au niveau de la couche superficielle de la résine.

Une photopolymérisation insuffisante peut être source, entre autres, de coloration du    matériauet d’infiltrationssecondaires. Une finition, un polissage et un lustrage sonteffectués (fig. 15, fig. 16).

fig15-et-16

Le résultat obtenu semble satisfaisant, la macrogéographie et la microgéographie de l’état  de surface sont contrôlées participant de manière importante à l’intégration esthétique de la zone corrigée. Chez Raphaël, l’état de surface est relativement peu riche (fig. 17).

fig17

Un contrôle est fixé à une semaine. Le patient et ses parents sont satisfaits. Les taches ont disparu grâce à une thérapeutique conservatrice (fig. 18), respectant le gradient thérapeutique 10. Un second contrôle est fixé à 6 mois. Si au fil du temps une légère coloration apparait, un simple polissage de surface suffit à l’éliminer.

fig18

Notre jeune patient a retrouvé son sourire (fig. 19), synonyme de bien être psycho-social, les enfants et adolescents étant particulièrement vulnérables, en particulier en milieu scolaire.

fig19

Conclusion

L’infiltration résineuse en profondeur est une technique qui permet de faire disparaitre les taches blanches disgracieuses localisées sur les dents antérieures. Une seule séance suffit pour résoudre la problématique esthétique. La mutilation nécessaire demeure très limitée. Conformément au gradient thérapeutique, l’éclaircissement permettrait dans certains cas de résoudre ce type de dyschromie mais depuis la directive 2011/84/EU de la Commission  Européenne du 29 octobre 2011, cette optionthérapeutique n’est plus réalisable chez les  patients de moins de 18 ans, ce qui peut constituerun problème éthique dans le cadre de laprise en charge de certains patients…

Bibliographie

1. MAGNE P. BELZER U. restaurations adhésives en céramiques sur dents antérieures : approche biomimétique. Paris. Quintessence International, 2003

2. Tirlet G, BAZOS P. La « biomimétique » : un concept contemporain au coeur de la dentisterie adhésive. réa Clin 2013;24(4):331-433.ATTAL JP, ATLAN A, DENIS M, VENNAT E, TIRLET G.White spots on enamel: treatment protocol by superficial or deep infiltration (part 2). Int Orthod 2014;12(1):1-31

4. DENIS M, ATLAN A, VENNAT E, TIRLET G, ATTAL JP. Nouveau concept pour le masquage des taches de l’émail. L’infiltration en profondeur – Partie II : Traitement d’une fluorose sévère. Info Dent 2014;2/3:1-6

5. CROMBIE F, MANTON D, PALAMARA J, REYNOLDS E. resin infiltration of developmentally hypomineralised enamel. Int J Paediatr Dent. 2014; 24(1) : 51-5.

6. WEERHEIJM KL, DUGGAL M, MEJÀRE I, PAPAGIANNOULIS L, KOCH G, MARTENS LC, HALLONSTEN AL. Judgement criteria for Molar IncisorHypomineralisation (MIH) in epidemiologic studies: a summary of the European meeting on MIH held in athens, 2003. Eur J Paediatr Dent 2003; 3:110-3

7. ZHAO D, DONG B, YU D, REN Q, SUN Y. The prevalence of molar incisor hypomineralisation: evidencefrom 70 studies. In J Paediatr Dent 2018;170-9

8. DENIS M, ATLAN A, VENNAT E, TIRLET G, ATTAL JP.White defects on enamel: diagnosis andanatomopathology: two essential factors for proper treatment (part 1). Int Orthod 2013;11(2):139-65

9. ROUAS P, GAROT E, LAVAUD A, MULLER-BOLLA M. restaurations esthétiques de défauts de structure sévères chez l’enfant et l’adolescent. L’info Dent 2014 (19 mars);11:1-8

10. TIRLET G, ATTAL JP. Le gradient thérapeutique : un concept médical pour les traitements esthétiques. Info Dent 2009;41-2:2561-68

Partager

A propos de l'auteur

Laisser une réponse