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La traçabilité en matiere d’hygiene au cabinet dentaire

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La traçabilité représente l’ensemble des moyens mis en oeuvre pour faire le lien entre la réalisation d’une procédure, ses conditions de réalisation, et toutes les informations utiles relatives à cette procédure. En matière d’hygiène, elle concerne aussi bien l’entretien de l’unit, la gestion des déchets, la maintenance des équipements et la stérilisation des dispositifs médicaux. Elle est un gage de qualité et répond à des textes règlementaires qui, au-delà d’être contraignants, ont une visée de protection du patient et du praticien.

Mots-clés : hygiène, stérilisation, déchets, unit dentaire, dispositif médical

Si le terme de « traçabilité » n’apparaît qu’à la fin des années 1980, sa pratique a déjà lieu depuis l’antiquité, notamment avec l’estampillage d’amphores de vin romaines [1]. Il s’agit d’une gestion des informations destinées à connaître l’origine d’un produit ou le déroulement d’actions. Ainsi, la traçabilité s’inscrit à la fois dans les champs de la qualité et de la sécurité, qui sont intimement liés. Une traçabilité rigoureuse permettra donc d’informer et de s’assurer que les étapes d’entretien des units ont été correctement effectuées, que les dispositifs médicaux ont correctement été éliminés ou traités, ou encore que les outils propres à ce traitement montrent des performances contrôlées. Obligatoire dans les cabinets dentaires par l’article r. 5212-1 et suivants du Code la santé publique [2, 3], la traçabilité permet un exercice sécurisant et rassurant tant pour les patients que pour l’équipe de soins, ainsi qu’une démarche qualité d’amélioration continue par l’analyse des informations à disposition.

Traçabilité de l’entretien du cabinet dentaire et des units

L’entretien de l’unit s’inscrit dans le cadre plus large de l’entretien des locaux du cabinet dentaire et a fortiori de la salle de soins. Ainsi, la traçabilité du nettoyage de chaque pièce du cabinet permet de connaître l’historique du traitement de l’environnement et d’apporter la preuve que celui-ci a bien été réalisé. Elle permet de responsabiliser et de valoriser le travail des assistantes dentaires ou des personnels d’entretien, et améliore la communication au sein de l’équipe. Les éléments à prendre en considération pour ce type de traçabilité sont : la date et l’horaire, la fréquence de réalisation, l’identification de la zone, l’identification de l’opérateur. une check-list à cocher est souvent préférable, car elle permet à l’opérateur d’effectuer un auto-contrôle des tâches réalisées. Le support peut être physique, comme des fiches papier de traçabilité consignées dans un classeur dévolu à chacune des pièces du cabinet ; le support peut aussi être informatique, en présentant un dossier propre à chaque pièce du cabinet, rempli par l’opérateur et consultable par tous les membres du cabinet. Il convient de définir ce point en amont avec la société d’entretien choisie, le cas échéant.

Concernant la traçabilité de l’entretien des units, une fiche de traçabilité peut être élaborée et mise en application de la même manière que pour l’entretien des locaux. L’entretien des units étant toutefois plus spécifique que celui des locaux, et ayant lieu à une fréquence plus élevée car nécessaire entre chaque patient, ce sera l’assistante (ou le praticien) qui s’en chargera. Cette fiche, physique ou informatique, reprendra les éléments décrits dans le protocole d’entretien de l’unit, afin de n’en oublier aucun élément et de permettre un autocontrôle de l’opérateur [4, 5]. Elle peut prendre forme comme sur l’exemple utilisé au Pôle de Médecine et Chirurgie Bucco-dentaires des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, présenté en figure 1.

entretien-des-units

Fig.1 : extrait de la fiche de traçabilité relative à l’entretien des units.

Même si aucun texte règlementaire ne mentionne spécifiquement le contrôle de la qualité microbiologique de l’eau circulant dans les units, il est à rappeler qu’il appartient au praticien de « prendre, et faire prendre par ses adjoints ou assistants, toutes dispositions propres à éviter la transmission de quelque pathologie que ce soit » (article r. 4127-204 du Code de la santé publique) [6]. Aussi, des prélèvements d’eau réguliers avec consignation de leurs résultats [7] permettront de constituer une traçabilité de la qualité de l’eau utilisée pour les soins, et de se prémunir de tout désagrément quant à de possibles contaminations qui peuvent même aller jusqu’au décès de patients fragiles [8].

Traçabilité de l’élimination des déchets

Par l’utilisation de consommables, de matériels à usage unique et de matériels spécifiques, le cabinet dentaire est par nature producteur de déchets. Conformément à leur typologie, ceux-ci seront triés en DAOM (déchets assimilables aux ordures ménagères), ou en DASRLA (déchets d’activité de soins à risque infectieux et assimilés) dont font partie les OPCT (objets piquants, coupants, tranchants), et qui sont définis par l’article r. 1335-1 du code de la santé publique [9]. Le praticien, producteur de déchets, est tenu de les éliminer selon la règlementation en vigueur (article r. 4127-269 du Code de la santé publique[10]). Pour ce faire, il peut s’adjoindre les services d’une société de collecte agréée pour les déchets à risques qui devra lui remettre des formulaires de suivi pour le regroupement des déchets ainsi que pour leur élimination : CERFA n°11351*01, CERFA n°11351*02, CERFA n°11352*02. Ces formulaires sont téléchargeables sur le site de l’Ordre National des Chirurgiens-dentistes[11]. Ils constituent la traçabilité de l’enlèvement et de l’élimination des déchets produits par le cabinet dentaire et sont à conserver pendant 3 ans.

Traçabilité des équipements et de leur entretien

Afin de mener à bien sa mission de soins dans les conditions d’hygiène conformes, le chirurgien-dentiste a besoin d’équipements divers. S’il n’existe pas de règlementation précise sur la maintenance d’un bac à ultrasons ou d’un automate de traitement des porte-instruments dynamiques par exemple, il va de soi que pour garantir la bonne réalisation des actes qui y sont liés et leur efficacité, ces équipements nécessitent une maintenance et une validation régulières, tracées dans un fichier.

Pour le stérilisateur à la vapeur d’eau saturée de type B et conforme à la norme NF EN 13060+a1, la qualification et les requalifications périodiques sont en revanche obligatoires. La qualification opérationnelle sur site doit être effectuée au cabinet dès réception de l’appareil et avant sa première utilisation. une requalification est nécessaire dès lors qu’une modification de l’autoclave ou de ses réglages peut compromettre l’efficacité du traitement. Sinon, il paraît raisonnable d’effectuer une requalification tous les 1000 cycles ou tous les 2 ans, au premier des termes échus[12]. Ces requalifications ne peuvent se faire qu’avec un technicien  diligenté par le fabricant de l’autoclave, par un distributeur qualifié, ou par un organisme agréé, en général au cabinet dentaire. Un classeur de maintenance doit alors contenir les rapports de qualification et de requalification, le remplacement de consommables, les pannes éventuelles. L’entretien courant quant à lui (changement du joint de porte, des filtres, nettoyage de la cuve) pourra être réalisé par une personne responsable désignée, appartenant à l’équipe soignante.

Traçabilité de la stérilisation

La traçabilité de la stérilisation peut se décomposer en deux parties : la traçabilité des performances du stérilisateur, et la traçabilité des cycles de stérilisation. La première partie concerne l’assurance d’une stérilisation efficace par le stérilisateur, en validant ses performances. Elle passe par l’utilisation d’un dispositif d’épreuve normatif, ou système d’évaluation des procédés, pour confirmer la bonne pénétration de la vapeur d’eau au sein de la charge du stérilisateur, et notamment des instruments creux. En ce sens, un test de Bowie dick est classiquement utilisé. La Société Française des Sciences de la Stérilisation (SF2S) recommande la réalisation d’un test chaque jour, ou à chaque nouvelle utilisation du stérilisateur s’il n’est pas utilisé tous les jours[12]. Le test de Bowie dick « classique » peut être remplacé par un système électronique (par exemple ETS© de 3M, ou EBI15© de EBRO) réutilisable environ 400 fois.

Ces systèmes sont beaucoup plus coûteux à l’achat, mais leur utilisation multiple permet de n’avoir que très peu de surcoût à l’année, et leur possibilité de connexion informatique facilite la traçabilité électronique. En lieu du test Bowie dick, un test Helix© peut être réalisé : sa conception le rend plus pertinent à utiliser en chirurgie dentaire, et sa structure contenant une partie réutilisable permet de baisser encore les coûts par rapport à un test de Bowie dick (fig. 2).

En complément, un test de vide doit être réalisé afin de s’assurer que le stérilisateur ne permet pas de fuite, pouvant compromettre une stérilisation efficace. Concernant les intégrateurs physico-chimiques justifiant de la montée en température pendant le temps requis pour éliminer le risque prion, il est admis que le ticket du cycle produit par l’autoclave est suffisant. L’association dentaire Française (ADF) conseille toutefois de les utiliser à chaque cycle [13].

La deuxième partie concerne la traçabilité des cycles de stérilisation. Elle sert à déterminer que les instruments ont été stérilisés de manière conforme, avec des cycles de stérilisation respectant les paramètres physiques nécessaires. Avant même le passage en stérilisateur, une fiche de traçabilité peut reprendre l’ensemble des étapes de la chaîne d’asepsie afin de s’assurer qu’elles ont bien été réalisées, même si aucune obligation légale ne s’y rapporte. a contrario, la tenue d’un cahier de stérilisation est obligatoire. Ce dernier, dans sa version physique ou électronique, comporte les résultats des tests décrits précédemment (test de pénétration de vapeur, test de vide, intégrateur physico-chimique), les numéros de cycle du stérilisateur avec date, lot et exemplaire d’étiquette, le descriptif de la charge, et les tickets de cycle contenant les caractéristiques physiques du cycle.

Si l’ensemble de ces données doit être conservé au moins 5 ans[14], l’Ordre National des Chirurgiens-dentistes recommande d’observer une période de conservation de 20 ans[15].

Traçabilité des dispositifs médicaux (dm) et outils

« La traçabilité permet de faire le lien entre un dM, un cycle, et un patient. Elle doit être effectuée pour chaque cycle de stérilisation. L’étiquetage des dispositifs, la constitution d’un dossier de traçabilité et l’archivage de tous les cycles quotidiens accompagnés de leurs tests effectués en routine sont nécessaires pour assurer la traçabilité » [16]. Ainsi, chaque DM doit pouvoir être tracé en sortie de stérilisateur, et son utilisation doit pouvoir être consignée dans le dossier du patient pour lequel il aura servi. Eu égard au flux important de données à traiter, l’informatisation semble être la méthode la plus simple et la plus réalisable pratiquement. une méthode mixte manuelle/informatique peut être utilisée par l’utilisation d’étiquettes à code-barres ou codes datamatrix, apposées sur le conditionnement des DM, puis scannées dans le dossier du patient lors de leur utilisation.

Le logiciel utilisé intègre alors les informations du DM et de son traitement dans le dossier du patient. D’autres systèmes de marquage sont possibles tels que la gravure d’un code barre ou d’un code numérique par une méthode électrolytique ou par laser, ou encore l’inclusion d’une puce électronique à radio-identification (RFLD).

La lecture de ces marquages peut se faire de manière optique, infra-rouge ou encore par radiofréquence. Toutefois, ces marquages ne doivent pas altérer la qualité des DM, doivent être adaptés à des instruments de taille parfois réduite, et ne doivent pas être altérés par les étapes de leurs (re)traitements [17]. La traçabilité par instrument n’étant pas obligatoire, il paraît judicieux de privilégier le travail par cassette d’instruments et/ou par séquenceur de fraises ou limes, ce qui permet d’organiser au mieux la séance de soins et de suivre en une seule fois l’ensemble du lot d’instruments nécessaires au soin. Les éléments repris sur l’étiquette, ou liés informatiquement au code ou à la gravure sur l’instrument (ou sur la cassette), doivent contenir le numéro de série du stérilisateur, le numéro du cycle, le type de cycle réalisé, la date limite d’utilisation, la date et l’heure du traitement et le nom de la personne ayant effectué le traitement. Enfin, il faut veiller à choisir un logiciel apte à faire le lien automatiquement entre les DM, les cycles de stérilisation et le dossier du patient.

La traçabilité en matière d’hygiène est une démarche nécessaire au bon fonctionnement d’un cabinet dentaire. Qu’elle concerne l’entretien des locaux, la stérilisation ou la gestion des déchets, c’est un gage de qualité et un outil de communication. Si sa mise en oeuvre peut parfois paraître fastidieuse, elle est finalement rapidement intégrée dans la routine d’un cabinet et évite même de répéter certains actes qui auraient déjà été effectués. C’est autant de temps gagné à être serein dans sa pratique, pour le praticien et pour le patient qui sera soigné en toute sécurité. de plus, une traçabilité bien menée permettra de répondre en toute tranquillité à toute procédure juridique éventuelle découlant d’une accusation relative à l’hygiène.

En bref, voici les éléments qu’il faut tracer en matière d’hygiène au cabinet dentaire :

  • enlèvement des déchets dangereux ou à risque (DASRLA dont OPCT, déchets d’amalgame dont séparateur d’amalgame, bains radiologiques)
  • élimination de ces déchets
  • qualification et requalifications périodiques du stérilisateur à la vapeur d’eau de type B conforme à la norme NF EN 13060+a1
  • tests des performances du stérilisateur (test de vide, test de Bowie dick / Helix)*
  • paramètres des cycles de stérilisation*
  • identification et état (stérilisation effectuée et paramètres) des dM, par instrument ou par cassette

* à conserver dans le « cahier de stérilisation » (physique ou informatique)

Et voici les éléments qu’il est recommandé de tracer en matière d’hygiène au cabinet dentaire :

  • entretien des pièces du cabinet dentaire
  • entretien du fauteuil et de l’unit
  • suivi des contrôles de la qualité microbiologique de l’eau
  • entretien et maintenance des équipements de la chaîne de stérilisation
  • réalisation des étapes de la chaîne de stérilisation

Bibliographie

1. Esnouf C, Fioramonti J, Laurioux B. L’alimentation à découvert. CNrS éditions, Paris, 2015, 328 p.
2. ONCD (Ordre National des Chirurgiens-Dentistes). Stérilisation. accessible sur :
Ordre-chirurgiensdentistes.fr/chirurgiens-dentistes/securisez-votre-exercice/pratiques-professionnelles-vigilances/sterilisation.html (Consulté le : 17.05.2019)
3. Code de la santé publique. Article R.5212-1. accessible sur :
Legifrance.gouv.fr/affichCodearticle.do?cidtexte=LEGItEXt000006072050&idarticle=LEGIartI000018495200&datetexte=&categorieLien=cid (Consulté le : 18.05.2019)
4. Offner D, Deboscker S, Belotti L, Brisset L, Lavigne T, Musset AM. Elaboration et évaluation d’un protocole d’entretien des units et fauteuils dentaire (adEC® et Planmeca®) aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Hygiènes 2013, 21(2):21–28
5. Offner D, Iltis L, Bertrand A, Musset AM. L’hygiène des tuyaux d’aspiration de l’unit dentaire, étude comparative de l’impact de leur structure et entretien. L’Information dentaire 2015, 18:12-17
6. Code de la santé publique, code de déontologie des chirurgiens-dentistes.article r4127 204. Accessible sur :Legifrance.gouv.fr/affichCodearticle.do?cidtexte=LEGItEXt000006072665&idarticle=LEGIartI000006913002 (Consulté le : 18.05.2019)
7. Offner D, Fioretti F, Musset AM. Contamination of dental unit waterlines: assessment of three continuous water disinfection systems. BdJ Open, 2016 2:16007
8. Ricci ML, Fontana S, Pinci F, Fiumana E, Pedna MF, Farolfi P, et al. Pneumonia associated with a dental unit waterline. Lancet 2012, 379:684
9. Code de la santé publique. Article R.1335-1. Accessible sur : Legifrance.gouv.fr/affichCodearticle.do?cidtexte=LEGItEXt000006072665&idarticle=LEGIartI000006910436&datetexte=&categorieLien=cid (Consulté le : 17.05.2019)
10. Code de la santé publique. Article R.4127-269. accessible sur : Legifrance.gouv.fr/affichCodearticle.do?idarticle=LEGIartI000020272318&cidtexte=LEGItEXt000006072665&datetexte=20150825 (Consulté le : 17.05.2019)
11. ONCD (Ordre National des Chirurgiens-Dentistes). déchets. accessible sur : Ordre-chirurgiensdentistes.fr/chirurgiens-dentistes/securisez-votre-exercice/materiel-et-materiaux/dechets.html (Consulté le : 17.05.2019)
12. Offner D, Wurtz A, Foresti C, Musset AM. Chaîne destérilisation selon les recommandations actuelles : comment relever le défi ? la Lettre de Stomatologie 2016, 72:29 34
13. Association Dentaire Française (ADF). Grille technique d’évaluation des cabinets dentaire pour la prévention des infections associées aux soins. Edition 2015
14. Goullet D, Deweerdt C, valence B, Calop J. Fiches de stérilisation. Hygiènes 1993, mis à jour en 2003. Accessible sur : Sf2s-sterilisation.fr/wpcontent/uploads/2016/08/fichesterilisation-hygiene_2003-1-2.pdf (Consulté le 20.05.2019)
15. ONCD (Ordre National des Chirurgiens-Dentistes).accessible sur :Ordre-chirurgiensdentistes.fr/actualites/annee-en-cours/actualites.html?tx_ttnews%5Btt_news%5d=576&cHash=2bb1d6461d8350827740c8dd53861ed8  (Consulté le : 17.05.2019)
16. Direction Générale de la Santé (DGS), Ministère de la Santé. Guide de prévention des infections liées aux soins en chirurgie dentaire et en stomatologie, 2006
17. AFNOR. FD S98-135. Stérilisation des dispositifs médicaux – Guide pour la maîtrise des traitements appliqués aux dispositifs médicaux réutilisables. avril 2005

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