En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies pour vous proposer des contenus et services adaptés à vos centres d'intérêts.

LEFILDENTAIRE est un site réservé aux professionnels de la santé dentaire.
Si vous n'êtes​ pas un professionnel de santé, vous pouvez obtenir des réponses à vos questions par des experts sur Dentagora.fr en activant le bouton Grand Public.

Je suis un professionnel Grand Public

Bruxisme : mieux comprendre pour mieux traiter

0

Dents usées jusqu’à la dentine, couronnes fracturées, ces symptômes malheureusement trop bien connus des chirurgiens- dentistes n’augurent rien de bon… Comment aborder ces patients qui systématiquement « cassent tout » : dents naturelles, prothèses de tous types et même les gouttières, qui pourtant sont censées les soulager et les protéger ? Et comment soulager ces patients anéantis par des céphalées chroniques, des cervicalgies, des douleurs crânio-faciales ou des migraines devenues quotidiennes ?

Qu’est-ce que le bruxisme ?

Qu’est-ce que le bruxisme ? Pour bien appréhender ces questions à la fois complexes et importantes, il convient d’abord d’étudier d’un peu plus près ce qu’est le bruxisme et quelles en sont les origines. Souvent réduit ou assimilé au seul grincement des dents, le bruxisme au sens large est une parafonction musculaire qui englobe également le fait de serrer les dents (« clenching »). Il peut être décrit comme « une fonction de crispation, avec ou sans mouvements excentriques forcés » (1). Aussi, l’intensité de l’activité des muscles temporaux combinée avec l’activité des ptérygoïdiens latéraux (à l’origine des mouvements excentriques) détermine la sévérité du bruxisme. Plus la contraction des temporaux augmente, plus la résistance aux mouvements latéraux est forte. Les efforts requis alors au niveau des ptérygoïdiens latéraux pour développer cette mastication parafonctionnelle ont bien évidemment des répercussions sur l’ATM (2).

Le bruxisme nocturne est un phénomène parfaitement connu. Les études confirment que le bruxisme se traduit principalement par une activité de contractions musculaires intenses et répétitives. En moyenne, cette activité est 14 fois plus importante chez les bruxomanes que chez les patients asymptomatiques. Chez les bruxomanes, ce phénomène est fortement amplifié pendant le sommeil : la contraction musculaire enregistrée est alors deux fois plus importante que pendant la journée (3).

Le bruxisme à long terme se traduit le plus souvent par des destructions dentaires, douleurs de la mâchoire, céphalées chroniques, limitation de l’ouverture buccale ou des mouvements de la mandibule, ainsi évidemment que par des bruits de grincement (4).

Peut-on prévenir le bruxisme ?

Pour prévenir le bruxisme, il faut avant tout parvenir à supprimer l’intensité de la contraction musculaire qui intervient principalement sous l’action des muscles temporaux. Et c’est précisément là que la gouttière occlusale se révèle inefficace dans bien des cas puisqu’elle offre même une source de résistance supplémentaire aux temporaux. Dans la mesure où elle recouvre toute la surface des dents, la gouttière peut même favoriser l’intensification de la fonction de crispation. Comme le constatent souvent le praticien et le patient, après une période d’amélioration, les symptômes réapparaissent.

En se basant sur des travaux de recherche bien connus depuis 40 ans pour supprimer la contraction parafonctionnelle (Jig de Lucia, 1964) et donc traiter efficacement le bruxisme, une solution consiste à exploiter le réflexe d’inhibition du nerf trijumeau appelé aussi « réflexe d’ouverture maxillaire » (5).

A mesure que la contraction temporale augmente jusqu’à atteindre son maximum, la mandibule s’immobilise : les ptérygoïdiens latéraux n’ont plus la capacité de déplacer les condyles et donc de créer une contrainte sur l’ATM ni de provoquer d’usures dentaires… La contraction musculaire en position centrée ne présente pas de stress pour l’ATM mais est le plus souvent accompagnée de céphalées. En revanche, lors de la diminution de l’intensité de la contraction des temporaux, les ptérygoïdiens latéraux peuvent provoquer des mouvements latéraux de la mandibule et donc déplacer les condyles. C’est alors qu’une charge excessive peut survenir pour l’ATM et que, parmi les signes les plus typiques, les usures dentaires se développent.Source : Boyd, coll. 2000

Comment fonctionne ce réflexe ?

Les dents naturelles sont dotées de capteurs parodontaux qui enregistrent l’information de la pression exercée sur les dents (6). Ces capteurs peuvent induire des réflexes soit de stimulation, soit d’inhibition sur les muscles de la mâchoire. Lorsque des forces d’une grande amplitude s’exercent brutalement sur les dents, les capteurs proprioceptifs parodontaux des dents antérieures sont stimulés, ce qui provoque l’inhibition réflexe des unités motrices des muscles responsables de l’élévation de la mandibule (7-8).

Ce réflexe permet de réduire l’activité des muscles masticateurs et donc les forces de contraction qui s’exercent au niveau des dents, assurant ainsi leur protection, en particulier en cas d’interposition brutale d’un objet dur entre les incisives. Les capteurs des dents postérieures étant beaucoup moins sensibles à la surpression, il faut exercer une force quatre fois plus importante sur les molaires pour obtenir le même effet (9).

Le principe même de la butée antérieure : supprimer l’hyperactivité musculaire en créant une désocclusion antérieure.

Pour prévenir et traiter le bruxisme, il faut absolument parvenir à réduire voire supprimer l’intensité de la contraction musculaire. C’est exactement la fonction du système NTI-tss qui agit comme une butée antérieure. Les canines et les dents postérieures sont libres. Le réflexe d’ouverture maxillaire peut s’exercer.

Cas clinique :

Restaurations esthétiques chez une patiente fortement bruxomane ou analyse d’un système de désocclusion qui fonctionne là où la gouttière est souvent inefficace, le NTI-tss

Le NTI-tss se présente sous la forme d’une mini gouttière prête à l’emploi, et adaptée au patient à l’aide d’une résine thermoformable, directement au fauteuil. Porté principalement la nuit, le NTI agit comme une plaque rétro incisive médiane modifiée. Il permet la décontraction des muscles masticateurs et un repositionnement des condyles dans une position d’équilibre naturel.

Une analyse électro-myographique montre l’activité musculaire des muscles masséters et temporaux d’un même sujet éveillé avec pour seule instruction de contracter au maximum ses mâchoires en intercuspidation maximale (ICM), en relation centrique (RC), avec un rouleau de coton entre les molaires, avec une gouttière dite de Michigan et avec un NTI (plaque retro-incisive médiane modifiée) en bouche. Seul le NTI prévient l’hyperactivité à la fois des masseters et des temporaux.

Mme B., 52 ans, consulte pour un avis de restaurations esthétiques. L’examen révèle des usures dentaires importantes, une musculature masticatoire très développée, des douleurs dans la région de la nuque et des tempes. Les dents incisives sont en bout à bout.

La patiente est bruxomane et l’examen laisse supposer de fortes contraintes au niveau dentaire. L’attente esthétique de la patiente est liée en particulier à la faible hauteur des incisives. L’objectif des restaurations prothétiques sera de restituer un rapport esthétique dans la proportion des dents. Préalablement au travail prothétique, il est prescrit à la patiente le port nocturne du système NTI-tss afin de réduire les tensions musculaires excessives qui s’exercent sur les dents et d’en évaluer le bénéfice pour la patiente. Un NTI-tss mandibulaire est donc réalisé et sera porté pendant 15 jours par la patiente avant le début de la réalisation prothétique.

La décontraction musculaire produit un effet quasi immédiat et la patiente affirme constater une cédation des symptômes de cervicalgies et des douleurs temporales. L’examen révèle également que le port du NTI-tss a provoqué un repositionnement des condyles vers le haut et la capacité de la patiente à une plus grande ouverture buccale. Un travail prothétique classique peut alors commencer.

Quelques questions sur le NTI

Risque-t-on une égression des dents postérieures ?

Absolument pas. L’étude de Kinoshita (10) conduite chez les rats a prouvé qu’il fallait au minimum huit jours complets d’absence de fonction pour constater une égression molaire. De plus, la croissance d’égression chez le rat est bien plus rapide que chez l’homme. Dans la mesure où le patient ne porte le NTI que pendant la nuit et que la fonction est assurée pendant la journée, aucun phénomène d’égression ne peut être lié au port du NTI.

Et l’ingression des incisives ?

Le réflexe d’ouverture maxillaire rend impossible le risque d’une surpression au niveau des incisives. Par ailleurs, une étude conduite par le Dr Woods (11) chez les babouins a démontré que seules des forces intenses exercées en continu pendant cinq mois sur les incisives mandibulaires parvenaient à provoquer un mouvement orthodontique (déplacement ou ingression), si ces forces étaient exercées en avant de l’axe des dents.Avec un NTI-tss correctement positionné, les forces s’exercent en un point, strictement à la perpendiculaire de l’axe horizontal des incisives : il n’y a donc aucun risque de déplacement ni d’ingression.

Est-ce une contrainte pour l’ATM ?

Si le patient serre les dents en position centrée, il n’y a aucune contrainte sur l’ATM (voir schéma B). En revanche, dans le cas de mouvements latéraux de la mandibule, si l’on crée une dimension verticale trop importante, on risque de provoquer une translation significative des condyles, ce qui pourrait exposer l’ATM à de fortes contraintes. Chez le patient qui grince des dents avec des mouvements latéraux, il est indispensable de vérifier que l’élément de désocclusion du NTI est réduit au maximum. La DVO doit être juste nécessaire et suffisante pour prévenir tout contact canin et molaire.

Compte tenu de son faible encombrement, ne peut-on craindre que le patient puisse l’avaler ou l’inhaler ?

Cette question est préoccupante et se pose pour tous les instruments utilisés en dentisterie, notamment en endodontie, orthodontie, mais aussi avec les prothèses provisoires ou même les stellites. En ce qui concerne le NTI, compte tenu de sa forme et lorsqu’il est correctement rebasé, la force verticale nécessaire pour le déloger est largement supérieure à celle que la langue peut déployer (2958,73 gm /cm2 vs 1136,58 gm/cm2, d’après les mesures effectuées par le Dr Wesley Shankland). La condition d’une rétention suffisante réside dans la bonne qualité du rebasage. Celle-ci peut être validée par un test simple au fauteuil : le patient ne doit pas parvenir à retirer le NTI autrement que par l’usage de ses mains. Le praticien informera aussi son patient qu’il devra cesser le port du NTI et consulter en vue d’un rebasage si le système devenait trop peu rétentif.

Conclusion

Les causes du bruxisme sont souvent plurifactorielles et stress et désordres psychologiques interviennent largement dans ce processus complexe.

Le chirurgien-dentiste ne peut ambitionner de déterminer seul l’origine du bruxisme chez son patient mais il peut en revanche en comprendre le mécanisme, diagnostiquer les symptômes et les traiter. L’omnipraticien a longtemps considéré la gouttière occlusale comme le seul outil à sa disposition pour traiter le bruxisme. Une analyse du bruxisme conduit à dénoncer l’inefficacité de la gouttière occlusale dans un certain nombre de cas notamment lorsque le problème principal est une crispation en position centrée (clenching) . Le système NTI-tss agit en supprimant l’intensité de la contraction musculaire dont dépend la sévérité du bruxisme.

Dr Gilles Pham

chirurgien-dentiste (Les Ulis, 91)

Dr Ngampis Six

chirurgien-dentiste, Master des Sciences
Biomateriaux (UAB, Etats-Unis),
Doctorat d’Odontologie (Univ. Paris V, France)

Références bibliographiques

1. Boyd JP, Shankland WE, Brown C, Schames J. Taming destructive forces using a simple tension suppression device. Postgraduate Dentistry 2000; 7: 1-4.
2. Israel HA, Diamond B, Saed-Nejad F, Ratcliffe A. The relationship between parafunctional masticatory activity and arthroscopically diagnosed temporomandibular joint pathology. J.Oral Maxillofac.Surg. 1999; 57: 1034-9.
3. Lous, Olesen. Evaluation of pericranial tenderness and oral function in patients with common migraine, muscle contraction headache and combination headache. 1982.
4. Kampe T, Tagdae T, Bader G, Edman G, Karlsson S.Reported symptoms and clinical findings in a group of subjects with longstanding bruxing behaviour. J.Oral Rehabil. 1997; 24:581-7
5. Stohler CS, Ash MM. Excitatory response of jaw elevators associated with sudden discomfort during chewing. J.Oral Rehabil. 1986; 13:225-33
6. Trulsson M.Sensory-motor function of human periodontal mechanoreceptors. J.Oral Rehabil. 2006;33: 262-73
7. Turker KS, Yang J, Brodin P. Conditions of excitatory or inhibitory masseteric reflexes elicited by tooth pressure in man. Arch.Oral Biol. 1997; 42: 121-8.
8. Yamamura C, Kosugi S, Ono K, Shimada K. Patterns of jaw reflexes induced by incisal and molar pressure stimulation in relation to background levels of jaw-clenching force in humans. Jpn.J.Physiol 1993: 43:87-102.
9. Johnsen SE, Trulsson M.Encoding of amplitude and rate of tooth loads by human periodontal afferents from premolar and molar teeth. J.Neurophysiol. 2005; 93: 1889-97
10. Kinoshita Y, Tonooka K, Chiba M. The effect of hypofunction on the mechanical properties of the periodontium in the rat mandibular first molar. Arch. Oral Biol. 1982 ; 27 :881-5
11. Woods MG. The mechanics of lower incisor intrusion: experiments in nongrowing baboons. Am.J.Orthod.Dentofacial Orthop. 1988; 93: 186-95.

Partager

Laisser une réponse