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Technique spécifique d’anesthésie de la première molaire mandibulaire en pulpite

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Les pulpites des molaires mandibulaires et particulièrement les pulpites chroniques (7) restent « la bête noire » des praticiens et l’angoisse majeure des patients. 30 à 80 % d’échecs anesthésiques par tronculaire sont reconnus après le diagnostic d’une pulpite sur les molaires mandibulaires (2).

Pour s’en convaincre un peu plus, il suffit de parcourir les forums sur le Web : c’est le stress poussé à son paroxysme pour les praticiens et pour les patients. Les praticiens appellent au secours (l’anesthésie tronculaire plus tout le reste ne fonctionnent pas), les patients « échaudés » par les premiers échecs se posent beaucoup de questions en attendant le prochain rendez-vous et cherchent désespérément un praticien qui saura les traiter, sans douleur…

La solution : nous la connaissons tous, elle se trouve dans tous les manuels d’anesthésiologie (4) : multiplier les techniques et terminer par une anesthésie intra pulpaire qui génère une douleur « syncopale », dont le patient se souviendra toute sa vie. Auparavant, il aura subi au moins une tronculaire laquelle, sans effet, sera suivie d’au moins une anesthésie intraligamentaire qui lui laisseront la bouche déformée pendant trois heures. Le soin étant impossible, le patient est « invité » à revenir en deuxième semaine… pour vérifier si la même méthode produira les mêmes effets !

Fonctionnement d’une anesthésie

Nous savons que la solution anesthésique, en diffusant, se dilue dans les liquides biologiques constitutifs du tissu dans lequel est réalisée l’injection (8). Ceci répond à la définition du gradient dilution qui est la suivante : « variation progressivement décroissante à partir d’un point maximal, de la concentration d’une substance ou d’une propriété physiologique dans un biotope, une cellule ou un organisme ».

Autrement dit, la solution anesthésique, dont la concentration maximale se trouve dans la cartouche, injectée à un endroit, voit cette concentration diminuer au fur et à mesure de sa diffusion dans les tissus pour atteindre la cible visée.

Cette diffusion et la dilution se faisant dans les trois plans de l’espace, la concentration en principe actif varie en fonction du cube de la distance séparant le point d’injection de la cible qui est l’apex (Fig. 1 et 2). Les autres facteurs intervenant sur la concentration en principe actif – ce qui détermine, en fait, la puissance de l’anesthésie – sont :

  • la quantité injectée ;
  • la quantité de liquide biologique contenu dans le tissu : plus le tissu est chargé en liquide plus forte est la dilution, et inversement ;
  • le vasoactif, qui par son action vasoconstrictrice, maintient le produit sur place et diminue sa diffusion, donc sa dilution.
concentration-en-anesthésique

Fig. 1 : L’anesthésique diffuse et se dilue dans les 3 dimensions. Fig. 2 : Chute très rapide de la concentration en anesthésique.

Le paramètre « distance » est le plus important, car il s’exprime dans les trois dimensions de l’espace. C’est donc cet élément qu’il faut maîtriser et réduire le plus possible. Un simple millimètre revêt une importance majeure.

Par ailleurs, nous savons qu’une dent, excepté lors de la réalisation d’anesthésie de bloc nerveux, s’anesthésie « par l’apex ». Autrement dit : c’est la concentration plus ou moins importante de solution anesthésique autour de l’apex qui détermine la qualité de l’anesthésie pulpaire.

Spécificité de la dent en pulpite

Une dent en pulpite est un organe atteint d’inflammation, caractérisée par une acidification des milieux biologiques. Cette acidification intéresse d’abord la pulpe et assez souvent les tissus péridentaires, lorsque le processus dure depuis longtemps, en cas de chronicité de l’affection. Les solutions anesthésiques sont toutes des solutions acides (pH entre 3 et 5,5) qui fonctionnent bien en pH neutre et beaucoup moins bien en pH acide (6).

L’autre caractéristique d’une dent en pulpite est le trouble de la circulation pulpaire (en raison de la congestion) qui est ralentie ou supprimée, ce qui transforme la dent de six ans en deux prémolaires (Fig. 3). Dans les cas de pulpite, c’est la diminution de la distance entre le point d’injection et les apex qui accentue de façon très significative (exponentielle) la puissance de l’anesthésie.

L’anesthésie ostéocentrale classique

L’anesthésie ostéocentrale classique (5) consiste à pénétrer par le sommet du septum avec une aiguille 30G 16 mm à double biseau. Cette aiguille, mise en rotation, traverse le sommet du septum et descend entre les deux dents (Fig. 4).

La-pathologie-pulpaire

Fig. 3 : La pathologie pulpaire sépare la dent en deux. Fig. 4 : Ostéocentrale classique

Si l’on applique les principes de la dilution, on comprend que la concentration est maximale sur la racine voisine de l’aiguille, mais beaucoup plus faible sur l’autre racine.

On pourrait envisager alors de faire deux injections : une demi cartouche en mésial et une demi cartouche en distal. Cette approche ne donnerait pas l’anesthésie la plus puissante, car nous n’aurions pas la quantité maximale souhaitable (une cartouche) à proximité immédiate des deux apex.

Anatomie de la dent de six ans mandibulaire

Morphologiquement, cette dent présente deux racines séparées formant un septum inter radiculaire. L’examen de 250 panoramiques dentaires nous a montré que ce septum inter radiculaire est « exploitable », c’est-à-dire présente un espace assez large d’os spongieux entre les deux racines, dans 90 % des cas. Ce chiffre est en accord avec les statistiques fournies par Cleghorn et coll. (1).

La longueur radiculaire de la première molaire mandibulaire est en moyenne de 14 mm. La furcation commence 3 mm sous le collet anatomique (1), il reste donc en moyenne une longueur radiculaire de 11 mm à partir de la furcation (Fig. 5).

Technique spécifique d’anesthésie de la première molaire mandibulaire

L’application des principes énoncés plus haut nous a conduits à proposer la technique suivante, qui est une adaptation de la technique ostéocentrale, en fonction des caractéristiques anatomiques des molaires inférieures : après avoir préalablement anesthésié la fibromuqueuse, on fait pénétrer vestibulairement, au niveau de la furcation, et glisser au fond du sulcus, comme pour une intraligamentaire, une aiguille 30G 16 mm à double biseau. Le fond du sulcus étant atteint, la mise en rotation de l’aiguille permet de traverser la lamina dura de l’alvéole et de continuer ensuite la pénétration du septum inter radiculaire pour aboutir au milieu, entre les deux apex et injecter le produit et la quantité souhaités : en général, une cartouche d’anesthésique à 1/80 000e d’adrénaline (Fig. 5 et 6).

Coupe-vestibulo-linguale

Fig. 5 : Coupe vestibulo linguale médiane d’une dent de six ans. Le passage dans la furcation permet de gagner 3mm vers l’apex. Fig. 6 : La concentration maximale de l’anesthésique se trouve entre les deux apex.

Cet abord permet de gagner en moyenne 3 mm en direction des apex par rapport à l’abord mésial ou distal. Ce gain de 3 mm en distance peut sembler négligeable : rappelons-nous que la puissance de l’anesthésie varie en fonction du cube de la distance séparant le point d’injection des apex !

Extension de la technique à la deuxième molaire mandibulaire

Cette technique proposée initialement pour la dent de six ans, peut évidemment s’appliquer à la deuxième molaire, si celle-ci présente une furcation « utilisable » : l’observation de 250 panoramiques dentaires montre que 55 % des deuxièmes molaires mandibulaires présentent une furcation bien individualisée. Ces données sont en accord avec Cleghorn et coll. (1).

Discussion

Pourquoi une technique spécifique pour les molaires mandibulaires ? Tous les praticiens savent que l’addition des différentes techniques classiques, appliquées aux molaires mandibulaires, aboutit la plupart du temps à un échec ou à une injection intra pulpaire. Ce qui est la même chose aux yeux du patient. Seul un rapprochement entre le point d’injection et les apex permet d’obtenir une augmentation importante de la puissance anesthésique.

La réalisation de l’anesthésie ostéocentrale classique avec une aiguille pénétrant au maximum dans l’os spongieux est déjà une bonne approche. L’utilisation de la particularité anatomique – furcation inter radiculaire – caractérisant les premières molaires (90 % de furcations exploitables) et les deuxièmes molaires (55 % de furcations exploitables), permet d’augmenter encore la puissance et la durée de l’anesthésie et ainsi d’anesthésier systématiquement les pulpites chroniques mandibulaires avec une seule injection, pour une durée supérieure à une heure.

On peut se demander dès lors si cette augmentation exponentielle de la puissance ne permettrait pas d’utiliser un vasoactif dosé à 1/100 000e, voire 1/200 000e pour obtenir le même résultat, aussi bien en puissance qu’en durée. Les résultats obtenus à ce jour, nous laissent penser qu’une diminution des quantités injectées est tout à fait envisageable. Il serait intéressant d’analyser aussi, à travers des études cliniques, les effets collatéraux concernant le nerf alvéolaire, celui-ci se trouvant en moyenne à 6,9 mm sous les apex de la première molaire et 3,7 mm sous les apex de la deuxième molaire (3).

Conclusion

Le rapprochement du point d’injection et des apex est une règle affirmée et constante pour augmenter la puissance et la durée d’une anesthésie. L’application de ce principe et l’utilisation des caractéristiques anatomiques des molaires mandibulaires permettent d’accroître encore la puissance et la durée de l’anesthésie. Cette nouvelle approche nous permet d’anesthésier immédiatement et avec une seule injection les molaires mandibulaires présentant des pulpites aiguës ou chroniques les plus rebelles.

Bibliographie

1. Cleghorn BM, Goodacre CJ, Christie WH. Morphology of teeth and their root canal systems. dans Ingle JI, Bakland LK, Baumgartner JC. Ingle’s Endodontics 6. 2008, BC Decker, Hamilton.
2. Couderc G, Weisrock G, Tassery H. L’anesthésie transcorticale dans la prise en charge des urgences d’un centre de soins hospitalo-universitaire. Fil Dentaire. 2009; 43:24-6.
3. Denio D, Torabinejad M, Bakland LK. Anatomical relationship of the mandibular canal to its surrounding structures in mature mandibles. J Endod. 1992; 18(4):161-5.
4. Gaudy J F, Arreto C. Manuel d’analgésie en odontostomatologie. 2005, Masson, Paris.
5. Gréaud P-Y, Pasquier E, Villette A. L’anesthésie ostéocentrale, une nouvelle technique en anesthésie dentaire. Inform Dent. 2OO8; 9O:7O1-4.
6. Malaled S F. Handbook of local anesthesia. 5ème éd. 2005, Mosby, St Louis.
7. Villette A, Collier T, Delannoy T. Les techniques diploïques, en première intention, peuvent-elles anesthésier les dents présentant une pulpite ?- Étude rétrospective de 110 cas. Chir Dent Fr. 2008; 1307:67-72.
8. Villette A. Y a-t’il des fondamentaux en anesthésie ? Fil Dentaire.2009; 43:40-2.

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A propos de l'auteur

Dr. Alain VILLETTE

Docteur en Sciences Odontologiques

Dr. Thierry COLLIER

Docteur en Chirurgie Dentaire
BORDEAUX

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