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Apport de la parodontie au traitement du sourire

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L’évaluation du sourire, les caractéristiques anatomiques, l’état de santé buccale et/ou générale, la psychologie du patient sont à considérer dans nos décisions de traitement parodontal.

Le sourire gingival large est exigeant car il devra être associé à un traitement performant et esthétique en ce qui concerne l’harmonie des contours gingivaux, la texture des tissus mous

et la couleur. A l’inverse, une complication chirurgicale ou non chirurgicale nécessitera pour sa gestion une coopération optimale et des rapports de confiance élevés entre le praticien et le patient.

Les patients à forte demande esthétique avec un sourire gingival généreux présentent un risque chirurgical élevé si le biotype parodontal est fin. Les racines sont dans ce cas, fréquemment proéminentes avec un feston gingival marqué et la hauteur de gencive marginale kératinisée parfois importante est délicate à récliner. L’épaisseur des tissus mous peut-être aussi inférieure à 2mm en lingual des prémolaires maxillaires et de la racine palatine proéminente des 1ères molaires. Le volume des tubérosités est souvent insuffisant pour un prélèvement de tissu conjonctif.

L’évaluation de la qualité tissulaire du site d’intervention et éventuellement du site donneur de tissu conjonctif ou épithélio-conjonctif va conditionner la décision d’intervention.

L’expérience chirurgicale est bien entendu un élément important tandis que les nouvelles technologies avec l’utilisation des substituts collagéniques ou en polymère peuvent être un recours pour des sites de prélèvement défavorables. Malgré toutes ces précautions, nous ne connaissons pas le potentiel de cicatrisation du patient par rapport à l’agression chirurgicale qui implique une résistance mécanique et un risque ischémique au décollement mucopériosté, à la dissection muqueuse, à l’interposition d’une substance sous un lambeau et à la traction aux sutures.

Les facteurs environnementaux doivent être aussi maîtrisés. La consommation de tabac dont le seuil critique semble patient dépendant et un résultat esthétique optimal cohabitent rarement. Le patient diabétique non équilibré devra être traité sur le plan médical avant des interventions parodontales et les patients âgés souvent polymédiqués doivent être évalués avec prudence, par rapport au risque de complication.

Pour limiter ces risques, le principe de base est d’intervenir sur une gencive saine. Une thérapeutique non-chirurgicale d’assainissement est un préalable et l’obtention d’une gencive marginale ou d’une papille non-inflammatoire nécessite un contrôle de plaque performant, non-traumatique pouvant nécessiter plusieurs semaines de cicatrisation.

L’apport parodontal dans l’esthétique du sourire ne se limite pas à l’alignement des collets gingivaux ou au traitement des récessions que nous illustrons par deux cas cliniques, car les indications sont fréquemment pluridisciplinaires avec l’orthodontie, la prothèse, l’implantologie.

Elongation coronaire sur parodonte altéré

La patiente de 47 ans, avec un diabète difficilement contrôlé par insuline et une consommation de tabac réduite récemment de 20 à 6 cigarettes par jour consulte pour traiter/stabiliser une parodontite avancée avant restauration du calage postérieur par des prothèses implanto-portées (B. Touati). Le sourire est gingival et le secteur 13 à 23 montre des diastèmes (Fig. 1).

vue-initiale-du-secteur-anterieur

Fig.1 : Vue initiale du secteur antérieur maxillaire. Les dents présentent un diamètre mésio-distal réduit, une hauteur clinique limitée et des diastèmes Fig. 2 : Radiographies révélant une lyse osseuse marginale et interproximale Fig. 3 : La hauteur de gencive kératinisée est importante et une gingivectomie partielle est réalisable. Le bord marginal du lambeau déplacé apicalement devra recouvrir l’os marginal. Fig. 4 : les lambeaux sont réclinés et visualisation de la morphologie osseuse crestale

Le biotype parodontal est fin et la hauteur de gencive kératinisée est importante. Les mobilités dentaires des incisives sont légèrement accrues et une poche parodontale de 6mm est localisée en disto-vestibulaire de la 22. Les radiographies (fig. 2) révèlent une lyse osseuse limitée au tiers cervical, atteignant la mi-racine en distal de la 22. Une thérapeutique non-chirurgicale globale a été pratiquée et dix mois après une chirurgie pré-prothétique d’élongation coronaire a été réalisée.

La logique du traitement chirurgical sur ce secteur était de réduire les poches parodontales, de déplacer la gencive marginale au niveau osseux crestal, d’obtenir une architecture osseuse positive permettant une stabilité des tissus gingivaux et des restaurations prothétiques plus équilibrées. La prothèse transitoire a été utilisée comme guide chirurgical pour harmoniser les contours gingivaux (Fig. 3).

Des lambeaux mucopériostés sont élevés en vestibulaire et lingual et une dissection muqueuse a été réalisée en vestibulaire au delà de la ligne muco-gingivale. Après débridement le décalage vertical entre le niveau osseux cervical des canines et des incisives centrales est visualisé (Fig. 4).

Une ostéoplastie, ostectomie a été pratiquée en vestibulaire.

ostectomie-et-osteoplastie

Fig. 5 : Ostectomie et ostéoplastie limitée au secteur marginal vestibulaire, pour reproduire une morphologie osseuse crestale idéale. Les racines sont surfacées. Fig. 6 : Positionnement du lambeau vestibulaire par des sutures périostées suspendues au lambeau lingual. Les berges de la freinectomie ont été rapprochées. Le point de suture libre va suspendre le bord marginal du lambeau aux points de contact du bridge. Fig. 7 : Cicatrisation à 3 semaines. La cicatrisation a été plus lente au niveau de la freinectomie. A ce stade il n’y a pas de sulcus. Fig. 8 : Etat gingival après préparation des couronnes unitaires sur dents pulpées (B. Touati)

La résection osseuse pour le feston vestibulaire a été de 1mm sur les 13, 23, de 1,5mm sur 12,22 et de 2mm sur les 11, 21 (Fig. 5)

Des sutures périostées ont été réalisées au Prolene 6/0 pour recouvrir totalement l’os marginal et positionner les papilles en interproximal (Fig. 6).

Une freinectomie médiane a été concomitante à l’élongation coronaire. La cicatrisation à 3 semaines (Fig. 7) montre une migration coronaire de la gencive marginale d’environ 3mm et l’espace biologique va progressivement se reconstituer (Fig. 8), sur une période d’au moins 2 mois.

stabilite-de-l-os-crestal-a-4-ans

Fig. 9. Vue clinique lors de la pose de la prothèse (Bernard Touati). Fig. 10 : vue globale lors de l’examen initial Fig. 11 : vue globale lors de la pose des prothèses. Des implants ont été posés sur les molaires (B. Touati) Fig. 12 : stabilité de l’os crestal à 4 ans

Des couronnes céramiques unitaires guidant les papilles peuvent être réalisées (Fig. 9) et ce secteur va rester stable dans le temps après une réhabilitation prothétique globale (Fig. 10 et 11) et malgré une maintenance parodontale irrégulière (Fig.12).

La patiente présente un sourire d’amplitude variable (Fig. 13 et Fig. 14). La transformation esthétique du sourire se maintien favorablement 10 ans après traitement, malgré le risque parodontal lié au diabète (arrêt du tabac depuis 9 ans).

sourire-lors-de-la-consultation-initiale

Fig. 13 : sourire lors de la consultation initiale. Sourire lors du contrôle parodontal à 7 ans.

Une stratégie chirurgicale avec résection osseuse est comparable sur un parodonte sain (Allen 1993), lorsque le niveau osseux crestal vestibulaire est proche de la jonction amélo-cémentaire. Par contre si le niveau osseux est à distance de la jonction amélo-cémentaire, il n’est pas nécessaire d’éliminer l’os marginal vestibulaire. Le lambeau est simplement apicalisé si la hauteur du tissu kératinisé est étroite ou festonné par gingivectomie si la hauteur de la gencive marginale kératinisée est importante. La racine exposée est toujours curetée soigneusement pour éliminer les fibres de Sharpey et limiter la migration coronaire secondaire de la gencive marginale. Sur un parodonte sain, le résultat esthétique peut-être obtenu avec le seul abord chirurgical, tandis que des facettes sont indiquées si les altérations de l’émail sont importantes.

Traitement chirurgical des récessions multiples

Le développement de techniques de chirurgie plastique a transformé le gestuel du traitement des récessions. Dans le passé nous n’étions prévisibles que pour le traitement des lésions localisées profondes. En présence de récessions multiples le traitement chirurgical se limitait à un lambeau déplacé coronairement, recouvrant un greffon conjonctif, sur une ou deux récessions profondes.

Les techniques de lambeau avancé coronairement avec ou sans apport de tissu conjonctif ou la technique de tunnélisation avec greffe conjonctive décrite par A. Allen (1994) et ses variantes (Azzi et Etienne 1998) permettent de recouvrir des récessions gingivales de classe I ou II de Miller, c’est à dire sans déficit papillaire.

Madame G, 49 ans, en bonne santé et non fumeuse, trouve ses dents trop longues après recouvrement des récessions par des obturations en composite. Le biotype parodontal est fin, le feston gingival est accentué, la hauteur de gencive kératinisée est importante au maxillaire et les racines sont proéminentes. Il est possible de traiter simultanément les secteurs droit et gauche lors de la même intervention, mais pour des raisons financières nous avons procédé chez cette patiente par secteur. Nous avons traité en priorité le secteur 23 à 26, puis ensuite 11 à 14, 42 à 45 et 31 à 35. Selon la localisation les composites ont été éliminés ou réduits au niveau de la jonction amélo-cémentaire idéale.

recessions-multiples-traitees

Fig. 15 : Récessions multiples traitées par des obturations cervicales en composites Fig. 16 : Déposedes obturations cervicales de 11 à 14 et surfaçage des racines dénudées. Fermeture des points de contact par du composite fluide.

Nous décrirons la technique pour le secteur supérieur droit (Fig.15). Les composites cervicaux ont été éliminés de 11 à 14, et la surface dentinaire soigneusement curetée en arrondissant les bords (Fig.16). Notez l’absence d’encoche cervicale qui aurait imposé la réalisation préalable d’un composite pour restaurer le bombé cervical d’émail. Des points de composite fluide sont ensuite placés au niveau vestibulaire des points de contact. Une tunnélisation est ensuite pratiquée de 21 vestibulaire à la 15 vestibulaire. Le décollement mucopériosté est réalisé sans incision à la lame, à l’aide de décolleurs à tunnel et de curettes de Gracey (mini-five 11/12 émoussées).

Le risque lors du décollement d’une hauteur importante de gencive kératinisée fine est de perforer le lambeau, surtout au niveau des balcons osseux localisés près de la ligne mucogingivale.

Les curettes de Gracey vont ensuite sectionner les faisceaux de collagène au niveau de la face interne de la muqueuse alvéolaire pour libérer le lambeau et il sera ensuite possible de décoller délicatement le sommet des papilles. La conservation de l’intégrité du sommet des papilles et la mobilisation passive du lambeau tunnélisé (Fig. 17) forment un site receveur pour un greffon conjonctif prélevé en palatin. Le greffon doit s’étendre sur toutes les récessions à recouvrir. Son épaisseur d’environ 1,5mm, doit-être régulière et sa hauteur sera le plus souvent de 4-5mm, quel que soit la hauteur de la récession (distance de la jonction amélo-cémentaire à la crête osseuse).

la-liberation-du-lambeau

Fig. 17 : La libération du lambeau vestibulaire est testée à la sonde. La gencive marginale doit pouvoir recouvrit totalement les récessions et permettre l’insertion de la greffe. Fig. 18 : Le greffon conjonctif est stabilisé par 2 points de suture, placés aux extrémités du site opératoire. Ces points permettent le glissement du greffon dans sa position idéale sous les papilles et le bord marginal du lambeau. Sur 12 et 13 le greffon glisse apicalement sur les racines

Le greffon conjonctif est ensuite inséré au niveau de la récession la plus importante et tracté horizontalement sous les papilles par des points placés aux deux extrémités du greffon et du site traité (Fig. 18). Le greffon ne doit pas être torsadé et la tension aux extrémités est légère. Des sutures suspendues autour des points de contact sont réalisées avec des monofilaments (dans le cas présent Prolene 6/0). Les points doivent être placés près de la ligne muco-gingivale et suffisamment écartés pour tracter coronairement la papille.

les-sutures-suspendues

Fig. 19 : Les sutures suspendues permettent un positionnement de la gencive marginale, légèrement en coronaire par rapport à la jonction amélo-cémentaire. Elles doivent stabiliser la position des tissus pendant 10 à 14 jours. Fig. 20 : Dépose des sutures à 14 jours. Notez l’absence de souffrance de la gencive marginale

Si le greffon conjonctif est proche du bord cervical du lambeau, le point de matelassier horizontalement ne prendra que le lambeau, par contre en 12-13 le greffon a tendance à glisser apicalement le long de la racine et le point de suture va transfixer le lambeau et le greffon maintenu dans sa position idéale (Fig.19).

Les sutures sont déposées à 1 semaine pour le site donneur et 2 semaines sur le site traité. Le recouvrement optimal a été obtenu dès la 2ème semaine et la souffrance gingivale provoquée par les sutures est minimale (Fig.20).

cicatrisation-a-2-ans-post-operatoire

Fig. 21 : Cicatrisation à 2 ans post-opératoire. La gencive marginale a été épaissie et les tissus se sont remodelés au niveau des jonctions amélo-cémentaires. Fig. 22 : A 2 ans post-opératoire sur le secteur droit et 5 ans pour le secteur gauche. L’alignement des collets est satisfaisant.

La cicatrisation à 2 ans (Fig. 21-22) montre une harmonie gingivale favorable et un petit composite a été réalisé sur la 14 pour compenser la perte de substance d’émail.

vue-pre-operatoire

Fig. 23 : Vue pré-opératoire. Présence de récessions gingivales multiples au maxillaire et à la mandibule. Fig. 24 : Vue post-opératoire, 6 mois après le traitement chirurgical mandibulaire. La chirurgie plastique parodontale a favorisé un traitement esthétique avec un minimum de morbidité dentaire.

Idéalement les composites devraient être remplacés en préopératoire en limitant leur extension apicale au niveau de la jonction amélo-cémentaire théorique.

Dans le cas présent le remplacement des composites a été limité (Fig. 23-24) et la patiente a pu éviter la réalisation de facettes (Fig. 25-26).

vues-du-sourire-avant-et-apres-traitement-chirurgical

Conclusion

Les techniques de chirurgie plastique parodontale permettent d’améliorer l’esthétique de situations cliniques diverses. Les évidences scientifiques sur leur prévisibilité sont limitées au traitement des récessions gingivales (Aroca et al. 2010, Cairo et al. 2016).

La difficulté est de suivre les patients dans le long terme, et nous devons les sensibiliser au risque présenté par un brossage trop énergique, source de microtraumatismes délétères sur la gencive marginale.

L’utilisation de substituts au tissu conjonctif par collagène ou par bioingénierie est séduisante, mais la stabilité des résultats dans le temps avec un biotype parodontal fin, reste à valider.

Bibliographie

1. Allen AL. Use of the supraperiosteal envelope in soft tissue grafting for root coverage. I.Rationale and technique. Int J Periodontics Restorative Dent. 1994;14:216-27.
2. Allen Ep. Surgical crown lenghthening for function and esthetics. Dent Clin North Am 1993 ; 37 : 163-179.
3. Aroca S, Keglevich T, Nikolidakis D, Gera I, Nagy K, Azzi R, Etienne D. Treatment of class III multiple gingival recessions: a randomized-clinical trial. J Clin Periodontol. 2010; 37 :88-97.
4. Azzi R et Etienne D. Recouvrement chirurgical radiculaire et reconstruction papillaire par greffon conjonctif enfoui sous un lambeau vestibulaire tunnélisé et tracté coronairement. J Parodontol Implantol Orale. 1998 ; 17 : 71-77
5. Cairo F, pagliaro U, Buti J, Baccini M, Graziani F, Tonelli p, pagavino G, Tonetti MS. Root coverage procedures improve patient aesthetics. A systematic review and Bayesian network meta-analysis. J Clin Periodontol. 2016; 43 : 965-975.

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A propos de l'auteur

Dr. Daniel ETIENNE

Post-graduate et Master of Science, Tufts University, Boston
Maître de Conférences Honoraire, Université Paris 7

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