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La gestion des risques anatomiques en chirurgie parodontale

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Lorsque l’on parle de chirurgie parodontale, on fait référence à toutes les interventions qui touchent les tissus parodontaux dans le but d’accéder à des zones profondes, de libérer la tension exercée par un frein, de réaliser une technique de régénération tissulaire guidée ou encore de recréer une anatomie favorable à la cicatrisation et à l’accès à l’hygiène.
Dans toutes ces techniques, seules deux ont des rapports avec des éléments anatomiques nobles : la frénectomie linguale avec l’artère ranine et le distal wedge mandibulaire avec le nerf lingual.

La frénectomie linguale

L’acte consiste à sectionner la bride qui retient la langue au plancher de la bouche. Les fonctions de la langue demandent une mobilité modulée par ce frein. Autrefois réalisé par les sages-femmes à la naissance, cet acte est réalisé de plus en plus par des dentistes après un diagnostic d’ankyloglossie.

Le diagnostic étiologique comprend :

  • un espace sublingual diminué.
  • une langue qui maintient sa pointe proche des incisives inférieures ou interposée entre les arcades.
  • une langue qui présente lors de la protraction :

– une bifidité mécanique ou un sillon médian.
– une impossibilité à sortir de la cavité buccale.

La frénectomie linguale consiste donc à réaliser une section du frein en partant de la pointe de la langue et en libérant petit a petit les attaches fibreuses pour redonner une amplitude physiologique a la langue.

A l’aide d’une lame de bistouri, on réalise une incision horizontale du voile muqueux, qui va immédiatement provoquer la libération progressive de la langue, on obtient un losange de plus en plus allongé. Cette région est traversée par les branches superficielles de l’artère et de la veine Ranine. Ce sont des rameaux terminaux de l’artère carotide externe. Lorsqu’elle arrive au bord antérieur du muscle hyoglosse, l’artère linguale donne deux branches terminales : l’artère sublinguale et l’artère linguale profonde (également appelée artère profonde de la langue ou artère ranine)

Les veines de la langue sont les veines dorsales de la langue, qui accompagnent l’artère linguale, et les veines profondes de la langue (w. ranines), qui se forment au niveau de l’apex et se dirigent postérieurement, sur les côtés du frein de la langue, pour rejoindre les veines sublinguales. toutes ces veines linguales se terminent directement ou indirectement dans la veine jugulaire interne.

figure-1

 

Chez cet enfant de 5 ans, adressé au cabinet par son orthophoniste, on remarque que la pointe de la langue s’attache juste derrière les incisives mandibulaires. Les parents sont alertés par la maitresse qui trouvent que leur enfant a des difficultés à s’exprimer. après une anesthésie locale, le frein est sectionné en partant de la pointe de la langue libérant ainsi un losange. trois points de suture sont réalisés et une rééducation est prescrite afin d’éviter toute ré-attache du frein.

figure-2

Chez ce patient de 7 ans, on note l’impossibilité à sortir la langue de la cavité buccale. après avoir réalisé la frénectomie, la libération est immédiate. Il est très important que l’enfant fasse des mouvements de rééducation pendant une semaine afin d’éviter la récidive.

figure-3

On voit très bien la présence des veines ranine de part et d’autre du frein chez cet enfant de 11 ans. Il est adressé par son orthophoniste pour des difficultés à placer sa langue au palais pendant la déglutition. L’incision se réalise uniquement dans le frein en partant de la pointe de la langue pour dégager un losange. Les tissus fibreux sont ensuite dégagés et trois points de suture sont réalisés.

Traitement des poches rétro molaires mandibulaires et nerf lingual

figure-4-devant

Anatomie du nerf lingual (Dr François Vigouroux)

C’est un nerf sensitif, branche terminale du nerf mandibulaire (V3), issu lui-même du nerf trijumeau (Vème pair de nerf crânien). Le tronc postérieur qui se sépare en ses 2 branches terminales après un trajet de quelques millimètres pour donner le nerf lingual et nerf alvéolaire inférieur.

Le nerf lingual se trouve en avant du nerf alvéolaire inférieur et décrit une courbe concave en avant et en dedans. Il se trouve d’abord entre le fascia interptérygoïdien et le muscle ptérygoïdien médial en dedans, le muscle ptérygoïdien latéral et la branche montante en dehors. En dedans de la table corticale linguale de la mandibule, ce nerf est recouvert d’une fine couche de muqueuse et peut être visible cliniquement, ce qui fait que les soins dentaires dans cette région sont délicats et l’incision verticale de lambeaux sont à proscrire !

Dans une étude par résonance magnétique, Miloro Et coll. ont trouvé qu’il traversait le triangle rétro molaire chez 10 % des patients (le nerf se situe au-dessus de la crête linguale). Le risque devient donc important de le traumatiser lors de l’élévation d’un lambeau, de sa rétraction et de sa suture. Il faut donc être prudent dans cette zone et ne pas décaler l’incision en direction trop linguale. des cas de lésion de cet élément anatomique avec perte de la sensibilité temporaire ou permanente sont décrits dans 0.5 % des cas d’extraction des dents de sagesses.

L’extraction des dents de sagesse mandibulaires laisse très souvent un tissu gingival en excès en distal des deuxièmes molaires. Ceci a pour effet de créer une poche rétro molaire. Sur un terrain parodontal déjà affaibli, cela peut entrainer la survenue d’abcès parodontaux. après avoir réalisé un drainage de cet abcès, il est généralement nécessaire de réaliser un geste chirurgical pour éviter des récidives. Ce geste consiste à réaliser un distal wedge. Après anesthésie de la zone, il convient de réaliser des incisions convergentes et jointives en forme de triangle. On élimine le tissu ainsi délimité avec une pince gouge fine ou une curette. On réalise les deux incisions de désépaississement divergentes dans le tissu conjonctif et on suture les berges en les coaptant à l’aide de deux à trois points en O. Lors de la réalisation de cette technique, on se retrouve confronté à un obstacle anatomique souvent oublié : le nerf lingual. C’est pourquoi l’incision linguale est souvent réalisée au milieu de la crête et pas trop en linguale.

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Réalisation des incisions : schéma de description de la technique (Dr François Vigouroux) / Élimination du tissu en excès : schéma de description de la technique (Dr François Vigouroux) / Vue occlusal des incisions : schéma de description de la technique (Dr François Vigouroux)

Patiente de 46 ans se plaignant d’abcès récidivant en distal de la 47. Une poche rétro molaire de 12 mm est objectivée avec une gencive au niveau de la partie occlusale de la couronne. Une technique de distal wedge est réalisée afin de diminuer l’épaisseur tissulaire et de permettre à la patiente d’accéder à l’hygiène dans cette zone.

figure-6

Conclusion

La chirurgie parodontale a beaucoup évolué au cours des 15 dernières années. La plupart des accès chirurgicaux au niveau des poches profondes se réalisent de manière minimalement invasive. Les seuls obstacles anatomiques auxquels nous pouvons être confrontés sont donc les vaisseaux ranines superficiels et le nerf lingual. Si le risque hémorragique est très faible lors de la réalisation de la frénectomie linguale, la lésion du nerf lingual peut être une suite très handicapante pour le patient dans la mesure où les traitements de neurochirurgie dans cette zone ne montrent pas de bon taux de succès.

 

Bibliographie

Miloro M, Halkias LE, Slone HW, Chakeres DW. assessment of the lingual nerve in the third molar region using magnetic resonance imaging. J Oral Maxillofac Surg. 1997 Feb;55(2):134-7.

Takashi Nakanishi1, Yuta Yamamoto2 , Kensuke Tanioka, Yukari Shintany, Itaru Tojyo and Shigeyuki Fujita. Effect of duration from lingual nerve injury to undergoing microneurosurgery on improving sensory and taste functions: retrospective study Maxillofacial Plastic and reconstructive Surgery

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A propos de l'auteur

Dr. Rémi COLOMB

Ancien Assistant hospitalo-universitaire chargé d'enseignement

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