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Prophylaxie cario-parodontale du sujet qui vieillit… Que peut-on faire et que peut-on espérer ?

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La mise en place de traitements prophylactiques peut rendre de grands services à nos patients qui vieillissent et apportent de la sécurité à nos traitements. Il est essentiel de traiter les lésions pour éviter l’extension, d’éviter la récidive, et la pathologie en prenant en compte les facteurs de risque et les intervalles de traitement nécessaires à cet objectif.

Nos patients vivent plus longtemps, avec davantage de dents, souvent obturées, au support parodontal réduit, dont le contrôle de plaque est plus difficile. 63 % des médicaments les plus prescrits ont une influence négative sur le débit et sur le pouvoir tampon salivaire, augmentant le risque de carie. Ceci favorise les bio-films acidogènes : la dentine commence à se déminéraliser dès pH 6,7 (pH 5,2 pour l’email). La pathologie parodontale favorise la carie radiculaire qui progresse 2 fois plus vite qu’une carie coronaire [Donovan 2008]. Les soins y sont souvent complexes à réaliser, favorisant ainsi une irritation parodontale (Fig. 1a et 5a).

La-prophylaxie-primaire

Fig. 1 : patiente A d’une 60 aine d’année, à risque carieux élevé, grosse fumeuse, ignore tout de sa situation carioparodontale réelle ; 13-22 avant prise en charge Fig. 2a : patiente A ; 13-22 avant prise en charge prophylactique cario-parodontale Fig. 2b : patiente A ; 13-22 après 6 mois de prise en charge prophylactique carioparodontale, réévaluation à 2 mois

L’approche prophylactique chez le sujet qui vieillit

prophylactique-cario-parodontale

Fig. 3a : patiente A ; 17 avant prise en charge prophylactique cario-parodontale Fig.3b : patiente A ; 17 après 6 mois de prise en charge prophylactique ; les verre ionoméres sont largement utilisés. Fig. 4a : patiente A ; 33-35 avant prise en charge prophylactique cario-parodontale Fig.4b : patiente A ; 33-35 après 6 mois de prise en charge prophylactique carioparodontale, réévaluation à 2 mois

La prophylaxie primaire vise à éviter la pathologie chez des sujets encore sains, rares chez les patients âgés qui ont connu un accès limité aux soins dans leur jeunesse. Elle peut être secondaire (éviter les récidives chez les sujets déjà traités). C’est la situation la plus fréquente (avènement de l’assurance maladie et d’une dentisterie souvent invasive).

En parodontologie, les patients vivent avec l’absence de remboursement et peu de parodontistes [Bourgeois 2011].

La prévention peut-être tertiaire (élimination de la maladie par un traitement adapté et sans récidive). Les patients âgés nécessitent des traitements prophylactiques secondaires et tertiaires. Seule une minorité de patients est à risque parodontal (5 à 10 %) et carieux (5 à 20 %) très élevés [Axelsson 2000].

Peu de travaux ont évalué le lien entre les risques parodontal et carieux chez le sujet âgé. Mais en Suède, l’impact d’un programme de prophylaxie cario-parodontale, a été évalué sur 30 ans [Axelsson 2004]. En 1972, un Groupe Contrôle ne reçut qu’un suivi dentaire standard, alors qu’un Groupe Test suivit un programme prophylactique personnalisé lié au Risque Individuel. Il comprenait un Nettoyage Prophylactique Professionnel des Surfaces Dentaires (NPPSD) régulier au cabinet, une maintenance parodontale non invasive et des soins quotidiens à domicile.

Pendant les 2 premières années, le Groupe Test fut reconvoqué tous les 2 mois, puis tous les 3 mois les 4 années suivantes.

Après 6 ans, le nombre de nouvelles surfaces cariées étaient de 14 par individu du groupe contrôle et de 0,2 dans le Groupe Test !

La perte d’attache était de 1,2 mm par individu du groupe contrôle alors qu’un GAIN d’attache de 0,2 était observé dans le groupe test !

Par éthique, il fut proposé au groupe contrôle de rejoindre le groupe test, recevant des soins prophylactiques adaptés à leur risque individuel pendant les 24 années suivantes être évalués à 15 ans (N = 317) et 30 ans (N=257). Seulement 10 patients sur 375 abandonnèrent le programme.

Après 15 ans, 0,2 dents par individus avaient été perdues (3 dans une étude de 1991 sur un échantillon de population suédoise). Ces traitements avaient coûté la moitié du budget de soins conventionnels.

Après 30 ans on observa par individu, 2 surfaces cariées et un GAIN d’attache de 0,3 à 0,4 mm au niveau proximal. 2 à 8 % des sites montrèrent des pertes de l’ordre de 0,2 mm souvent pour raison iatrogénique. Des études sur le même type de population montrent des pertes d’attache de 3 mm sur 30 ans.

Quelques rares individus « à haut risque carieux ou parodontal » développèrent de nouvelles lésions.

Cette étude montra la capacité d’hygiénistes supervisés par un dentiste préventionniste, à préserver la santé et parodontale en 30 ans y compris dans les tranches d’âges 35, 50, 65 et même 75 ans !

Construire un programme prophylactique lié au risque

traitement-minimal-invasif

Fig. 5a : patient B, 87 ans ; Parkinson avancé, aucune fonction n’est plus possible avant prise en charge prophylactique carioparodontale, puis traitement minimal-invasif Fig.5b : patient B, 89 ans ; après 6 mois de prise en charge prophylactique carioparodontale, 6 mois de traitement, réévaluation à 4 mois ; tout n’est pas parfait, mais le pronostic et le confort du patient sont tout autres

Un tel programme est participatif : c’est un ensemble de traitements professionnels et personnels basés sur le risque individuel.

On s’appuie sur les antécédents médicaux et dentaires, l’examen clinique, radiographique, les capacités de contrôle de plaque, une évaluation parodontale, et surtout l’engagement du patient.

Il est impossible de traiter ici de l’évaluation du risque carieux [Domejean 2009]. L’âge pèse sur le contrôle de plaque, la prise de médicaments dégradant les conditions salivaires, l’activité carieuse, le nombre d’obturations, de dents perdues [Axelsson 2000, Cariogram in Fadel 2011].

Pour le risque parodontal, rappelons que la recherche d’indicateurs comme les dépôts microbiens, le tabagisme, le suivi régulier ses soins dentaires, le niveau d’éducation, les antécédents familiaux, des affections générales comme du diabète, les signes objectifs du CPITN (saignement au sondage, tartre, soins iatrogènes, poches ≥ 4mm) ou antécédents de parodontite. On retrouvera dans la littérature des protocoles standardisés de définition du risque ou de traitement qui inspireront les choix du praticien et du patient [PRA in Lang 2003].

Synergie entre les traitements de prophylaxie carieuse et parodontale

Il faut d’abord Prévenir pour réduire l’activité sur les sites peu atteints et contrôler les sites qui le sont déjà [Domejean 2009].

Traitements Préventifs « conventionnels »

Il faut réduire la charge bactérienne, élément étiologique.

La situation clinique est expliquée, les traitements à domicile nécessaires sont mis en place, pour permettre le maintien des résultats obtenus. Ne pas trop demander, mais être ferme et vigilant.

Les biofilms bactériens sont éliminés par un brossage efficace, le passage de fil ou brossettes, appuyés par des dentifrices fluorés et antiseptiques [Donovan 2008] (Fig. 2b à 5b). Les handicaps visuels et moteurs (Parkinson) sont pris en compte (Fig. 5a, 5b).

Il faut réduire la fréquence de prise d’hydrates de carbone, donc la déminéralisation sur les niches à biofilms cario-actifs par une compliance alimentaire, à un âge où les plaisirs de la bouche et les occasions sociales sont souvent importants.

Traiter l’halitose réduira la tentation d’utiliser des pastilles « rafraîchissantes ». 5 minutes de mastication de chewing gum sans sucres stimule la salive, le débit et le pouvoir tampon.

Traitements Préventifs « actifs »

Décontaminer pour réduire la présence de cario-pathogènes comme le S. mutans facile à évaluer (Carietest – GC) : contrôle de plaque appuyé par le nettoyage prophylactique des surfaces dentaires (NPPSD), l’élimination d’éléments rétentifs (surplombs, obturations défectueuses). Etanchéifier sillons et lésions par des scellements et obturations bio actifs (Ciments Verre ionoméres) (Fig. 2b, 3b, 4b, 5b) qui relarguent du fluor au niveau des marges et des dents adjacentes.

Sur ces surfaces assainies, on applique des vernis antiseptiques (CHX ou Fluor), complétés de cures de rinçages de CHX.

Augmenter le débit salivaire

On évalue les paramètres salivaires : hydratation, pH salivaire au repos et stimulé, capacité tampon. Ils seront réévalués. Contrôler l’impact des médicaments pris par le patient, leur dosage, leur potentiel xerogénique (réduire les prises du soir pour les déplacer le matin peut être bénéfique).

[Donovan 2008]. Brossage efficace et NPPSD produisent des surfaces lisses et reminéralisées, réduisent les biofilms adhérents, améliorent la circulation de la salive sur les tissus durs et concourent à la reminéralisation des lésions débutantes (Fig. 2b à 5b). Ils seront appuyés par les applications de vernis ou de gels fluorés, de gels minéralisants (ACP-CPP).

Traitements Prophylactiques parodontaux

Ces traitements cario-prophylactiques concourent aussi à la santé parodontale par la réduction des biofilms mous ou calcifiés parodonto-actifs, du fluide gingival qui diminue l’incidence des pathologies carieuses et parodontales chez ces patients.

Les objectifs prophylactiques parodontaux seront : prévenir ou réduire le risque de gingivites, de parodontites, de periimplantites, liées au contexte local et médical.

Ils facilitent aussi la reprise du traitement actif si nécessaire. C’est seulement à ce stade, que les traitements de restauration conventionnels sont réalisés dans ce contexte assaini, favorable à leur pérennité (Fig. 2b à 4b).

Réévaluation

Après 3 mois environ, on réévaluera les paramètres biologiques oraux, généraux, la compliance du patient, les résultats de la séquence des soins à domicile et professionnels, la pérennité de la santé dentaire et parodontale (Fig. 2b à 5b).

Les individus sains doivent le rester sans nouvelle pathologie. On assurera la maintenance des résultats en définissant l’intervalle le plus approprié pour les séances au cabinet.

Ceci demande régularité, et vigilance, mais les actes réalisés sont simples : NPPSD et vernis thérapeutiques en cario, complétés d’élimination des biofilms, de détartrages sous-gingivaux (qui devraient se limiter aux sites difficiles à traiter ou à risque).

Maintenir l’engagement du patient à nos côtés sans lasser est souvent un défi…. Les effets positifs du programme allégent les protocoles, sinon il faut les modifier ou les renforcer.

Conclusion

Ces thérapeutiques prophylactiques sont facilement accessibles à l’omnipraticien et à ses patients âgés et lient santé générale et buccale, prophylaxie carieuse et parodontale. Elles permettent une approche moins invasive des traitements cario-parodontaux.

Leurs limites actuelles semblent être le manque de curiosité, pour ces traitements prophylactiques et peu invasifs, de la part du public, la nécessité d’un engagement fort du patient et du praticien dans le suivi des soins locaux et surtout le désintérêt de l’assurance maladie.

Dommage, car la haute technologie, low cost ou non, sans suivi prophylactique, aura toujours un pronostic plus limité.

Ce suivi n’existera jamais réellement, sans information, formation, compétence, conscience, et… revenus motivants pour ceux qui les réalisent.

Bibliographie

1. B Curtis, RW Evans, A Sbaraini, E Schwarz. The Monitor Practice Programme: is non-invasive management of dental caries in private practice effective? Australian Dental Journal 2008; 53: 306–313
2. Donovan T., Swift E.J. Protocol for the prevention of root caries Journal of Esthetic and Restorative Dentistry Volume 20, Issue 6, pages 405–411, December 2008
3. Bourgeois D., Bouchard P., Mattout C. 6. Epidemiology of periodontal status in dentate adults in France, 2002-2003, J Periodontal Res, 2007, 42 : 219-227.
4. Axelsson Per. An introduction to risk prediction and preventive dentistry, 1999 Quintessence Publishing Chicago
5. Axelsson Per. Diagnosis and Risk Prediction of Dental Caries. Chicago: Quintessence, 2000
6. Axelsson P, Nyström B, Lindhe J. The long-term effect of a plaque control program on tooth mortality, caries and periodontal disease in adults. Results after 30 years of maintenance. J Clin Periodontol. 2004 Sep;31(9):749-57.
7. Doméjean-Orliaguet S., Banerjee A., Gaucher C., Milètic I., Basso M., Reich E., Blique M., Zalba J., Lavoix L., Roussel F., Khandelwal P. Minimum Intervention Treatment Plan (MITP) – practical implementation in general dental practice J Minim Interv Dent 2009; 2: 103-23
8. Lang NP., Tonetti MS. Periodontal risk assessment (PRA) for patients in supportive periodontal therapy (SPT). 2003;1(1):7-16.
9. Fadel H., Al Hamdan K., Rhbeini Y., Heijl L., Birkhed D. Root caries and risk profiles using the Cariogram in different periodontal disease severity groups. Acta Odontol Scand. 2011 Mar;69(2):118-24.
10. Callens A. Darkfield or phase contrast microscopy. Usefulness in periodontology. Ned Tijdschr Tandheelkd 1992; 99 (10): 381-4

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A propos de l'auteur

Dr. Michel BLIQUE

Pratique privée
Attaché Département Odontologie Pédiatrique
Faculté d’Odontologie de Nancy

Dr. Sophie GROSSE

Pratique privée Nancy

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