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Cadre reglementaire en hygiène au cabinet dentaire

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L’affaire du sang contaminé dans les années 1980[1] est à l’origine de la réflexion menée sur la réglementation et l’encadrement des infections nosocomiales pouvant être contractées dans les hôpitaux et par extension aux infections liées aux soins pouvant être contractées dans des structures de soins autres que des établissements publics, donc dans notre cas les cabinets dentaires libéraux.

Quelques chiffres

Dans les hôpitaux français, un dixième des lits sont occupés par des patients atteints de maladies contractées à l’hôpital.

Une enquête nationale de prévalence des infections nosocomiales et des traitements anti-infectieux en établissements de santé réalisée en France en mai-juin 2017[2] montre que 5,21 % des patients présentaient une ou plusieurs infections actives contractées dans un établissement de soins dont 15,12 % étaient traitées par au moins un antibiotique. une étude de l’IrdES évalue le coût de prise en charge d’une partie de ces événements indésirables associés aux soins à l’hôpital à 682 millions d’euros pour 2007[3] .

A l’échelle mondiale, les infections nosocomiales représenteraient, selon l’OMS, l’une des causes principales de morbidité et de mortalité chez les personnes hospitalisées ; c’est dire l’ampleur du phénomène. En effet, elle estime que 1,4 million de personnes souffrent à tout moment d’une infection contractée à l’hôpital (2008)[4] .

Malgré les nombreuses mesures mises en oeuvre pour lutter contre les infections nosocomiales, celles-ci demeurent un fléau sanitaire faisant de nombreuses victimes chaque année. dans son Guide de prévention des infections liées aux soins, la direction Générale de la Santé (dGS) précise que « l’activité des chirurgiensdentistes et des stomatologistes (…) comprend de très nombreux actes invasifs, elle est particulièrement exposée au sang ainsi qu’aux produits biologiques et elle utilise des instruments complexes dans un milieu naturellement septique »[5] .

Le risque d’aES en médecine bucco-dentaire est évalué à 0,9 / 1000 actes soit un accident percutané par chirurgiendentiste et par trimestre environ[5] .

Il convient tout d’abord de définir cette terminologie afin de comprendre les responsabilités qui en découlent.

Terminologie

Tout d’abord il faut distinguer l’infection nosocomiale qui concerne la contamination au sein d’un établissement de soins publics des infections associées aux soins qui surviennent dans les cabinets dentaires de ville.

Une infection nosocomiale peut être entendue comme une infection contractée dans un cadre d’actes ou d’activités de prévention, de diagnostic ou de soins (établissement de santé, cabinet médical) alors qu’elle était absente lors de l’admission du patient dans ce cadre. Son délai d’apparition est traditionnellement de quarante-huit heures au moins, de trente jours pour une infection du site opératoire et d’un an en cas de pose de prothèse ou implant[6] .

Une infection est dite « associée aux soins » (IAS), quand elle survient au cours ou au décours d’une prise en charge (diagnostique, thérapeutique, palliative, préventive ou éducative) d’un patient, et si elle n’était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge. Lorsque l’état infectieux au début de la prise en charge n’est pas connu précisément un délai d’au moins 48 heures ou un délai supérieur à la période d’incubation est couramment accepté pour définir une IaS. aucune distinction n’est faite quant au lieu où est réalisée la prise en charge ou la délivrance de soins, à la différence de l’infection nosocomiale qui garde son sens de « contractée dans un établissement de santé ». aucune différence n’est faite également quant au réalisateur de l’acte de soin, professionnel de santé lui-même ou le patient ou son entourage, encadrés par un professionnel de santé[7,8] .

Cadre réglementaire

Dès lors se pose quelles sont les obligations du chirurgiendentiste en la matière selon le lieu et son type d’exercice, cependant qu’il soit salarié d’un établissement ou exerçant son activité à titre libéral, il reste soumis au code de santé publique qui dicte sa conduite face à ce risque à savoir : « Le chirurgien-dentiste qui a accepté́ de donner des soins à un patient s’oblige à lui assurer des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science (…) »[9] Il en découle pour tout chirurgien dentiste de remplir son obligation de formation continue dans différents domaines notamment dans le domaine de l’hygiène.

« Le chirurgien-dentiste ne doit en aucun cas exercer sa profession dans des conditions susceptibles de compromettre la qualité des soins et des actes dispensés ainsi que la sécurité des patients. Il doit notamment prendre, et faire prendre par ses adjoints ou assistants, toutes dispositions propres à éviter la transmission de quelque pathologie que ce soit… »[10

Cet article impose à tout chirurgien-dentiste de mettre en oeuvre tous les moyens dont il dispose pour protéger la sécurité et la santé de ses patients mais également de son personnel, il s’agit bien là d’une obligation de se conformer aux règles dictées par nos recommandations professionnelles opposables notamment ceux de la HaS et ceux de la dGS[11] .

« tout chirurgien-dentiste doit, pour exercer à titre individuel ou en association de quelque type que ce soit, bénéficier, directement ou par l’intermédiaire d’une société d’exercice ou de moyens :

  • Du droit à la jouissance, en vertu de titres réguliers, d’un local professionnel, d’un mobilier meublant, d’un matériel technique suffisant pour recevoir et soigner les malades, et, en cas d’exécution des prothèses, d’un local distinct et d’un matériel approprié ;
  • De la propriété des documents concernant tous renseignements personnels aux malades.

Dans tous les cas doivent être assurées la qualité des soins, leur confidentialité et la sécurité des patients.
L’installation des moyens techniques et l’élimination des déchets provenant de l’exercice de la profession doivent répondre aux règles en vigueur concernant l’hygiène.

Il appartient au conseil départemental de contrôler si les conditions exigées pour l’exercice de l’activité professionnelle, par les dispositions des alinéas précédents, sont remplies. »[12] dès lors le praticien est responsable vis à vis du patient de la qualité et sécurité des soins, mais également vis à vis de son personnel à qui il doit faire prendre les mesures nécessaires d’un exercice sécurisé en déployant les mesures de prévention individuelles et collectives nécessaires au sein du cabinet, et enfin en tant qu’acteur de santé publique du respect des mesures de protection de l’environnement sur le fondement du principe de précaution : « l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économique acceptable »[13]

Les responsabilités du chirurgiendentiste en matiere d’hygiene

Le droit de la santé, et plus particulièrement en ce qui concerne la responsabilité médicale, connait une évolution considérable depuis quelques années. Classiquement on décrit 3 types de responsabilités

La responsabilité disciplinaire, laquelle place le praticien face à ses pairs et relève de la compétence des instances ordinales gérée par l’ordre des chirurgiens-dentistes donc tout manquement aux articles précités du code de santé publique engage vers des sanctions de même type à savoir : un avertissement, un blâme, une suspension temporaire ou définitive d’exercice de la profession jusqu’à la radiation du tableau de l’ordre des chirurgiens dentistes.

La responsabilité civile, laquelle est la plus souvent sollicitée et traduit un objectif  indemnitaire de réparation de préjudice subi par le patient ou le personnel dans le cas du non-respect des règles d’hygiène se déroule devant les juridictions civiles classiques, instruites par un juge d’instruction.

La responsabilité pénale qui vise à sanctionner un trouble de l’ordre public comme la fraude, faux usage de faux pour la sécurité sociale et mise en danger d’autrui, atteinte à l’intégrité de la personne par contamination, manquement aux règles de sécurité pour l’instance pénale qui se traduit par des sanctions de type contravention, amende, emprisonnement devant les juridictions pénales. Ces trois responsabilités peuvent se cumuler pour les mêmes faits en ce qui concerne un manquement aux règles d’hygiène. Cela constitue de fait une exception à la règle de droit classique : «una via electa» où le plaignant est généralement contraint de choisir une seule voie de plainte, soit le civil soit le pénal.

Exemple :

Après une visite de contrôle selon les articles L1421-1 et L1421-2 et suivants qui régissent le cadre juridique des visites diligentées par les autorités sanitaires [14, 15], le directeur de l’ARS est habilité à fermer le cabinet en cas de manquement à l’hygiène pouvant mettre en danger autrui comme l’indique la récente jurisprudence de 2018.

De l’importance du rôle du directeur général de l’agence régionale de santé en matière d’hygiène

LES FAITS

Un arrêt récent de la Cour administrative d’appel de Nancy insiste sur le rôle essentiel en matière d’hygiène et de sécurité du directeur de l’agence régionale de santé (Cour administrative d’appel de Nancy – 4ème chambre, 10 avril 2018 n°17NC0076). En l’espèce, le président du conseil départemental de l’ordre des médecins a alerté l’agence régionale par courrier du potentiel danger que représentaient les pratiques du docteur X pour ses patients, se fondant sur de multiples plaintes reçues. Le 17 juin 2016, le directeur de l’agence a alors mandaté un expert afin de procéder au contrôle du cabinet dentaire du docteur X. Suite à cela, le directeur a établi un arrêté en date du 29 juin 2016 suspendant le docteur X de son droit d’exercice pour une durée maximale de cinq mois.

LE PRINCIPE

Il s’agit de l’illustration de l’application des dispositions de l’article L4113-14 du code de la santé publique, ancienne prérogative des représentants de l’Etat et confiée au directeur, suite à la création des agences régionales de santé.

Cet article permet d’agir vite en matière de santé notamment lorsque la poursuite de son exercice par un chirurgiendentiste « expose ses patients à un danger grave ». Reste que ce dispositif est soumis à des conditions restrictives, respectées de façon satisfaisante en l’espèce. En effet, le directeur doit entendre l’intéressé « au plus tard dans un délai de trois jours » suivant la décision de suspension. De plus, le directeur de l’agence régionale de santé devra informer de sa décision la chambre disciplinaire de première instance en matière d’hygiène et cette dernière devra statuer dans un délai de « deux mois à compter de sa saisine ».

L’hygiène et le traitement des dispositifs médicaux réutilisables restent donc un domaine spécifique essentiel et pour lequel l’Etat dispose de mécanismes d’urgence et de vigilance adaptés et efficaces[16] .

Evolution des régimes de responsabilité en hygiene

La responsabilité des professionnels de santé connait une importante évolution depuis quelques années, sous l’impulsion de la jurisprudence d’abord puis, plus récemment, sous celle de la loi avec la loi du 4 mars 2002 qui a mis en place un régime spécifique de la responsabilité médicale en matière d’hygiène[17].

En effet, avant 2002, le régime de responsabilité relatif aux infections nosocomiales était d’origine jurisprudentielle et se limitait donc aux décisions rendues par les juridictions civiles et administratives en la matière. Cette situation aboutissait alors à créer des solutions juridiques différentes selon les tribunaux saisis. Le juge administratif fondait sa

décision sur une présomption de faute[18] afin d’indemniser la victime et le juge civil fondait sa décision sur une obligation de sécurité résultat dans ce domaine toujours dans le même objectif[19].

La loi du 4 mars 2002 (Loi Kouchner) est venue rétablir un équilibre entre ces disparités jurisprudentielles par souci d’équité envers le citoyen, patient quel que soit le lieu de soin qu’il aura choisi[20].

Les principes de la responsabilité́ civile des professionnels de santé́ figurent désormais dans les articles L 1141-1 à L 1143-1 du code de la santé publique.

Cette loi a consacré pour l’ensemble des établissements de santé, qu’ils soient publics ou privés, une responsabilité de plein droit en matière d’infections nosocomiales, elle a également transféré la charge de l’indemnisation des dommages les plus graves à la solidarité nationale par le biais de l’ONIaM (Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales). désormais, c’est à l’ONIaM que revient l’indemnisation des dommages les plus graves causés par les infections nosocomiales tandis que seules les infections les moins graves restent à la charge des établissements de santé et de leurs assureurs[21].

Quant aux infections contractées en cabinet de ville, c’est le régime de responsabilité pour faute qui s’applique en vertu de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique[22]. dans les deux cas les règles de bonnes pratiques peuvent constituer en cas de contentieux -et ce quelles que soient les instances- un outil de référence et d’appréciation de la pratique du professionnel de santé qui serait poursuivi[23]. deux points importants restent à souligner notamment la possibilité pour les victimes par ricochets de se faire indemniser en cas de préjudice grave subi par un proche d’origine infectieuse est dorénavant admise[24,25] : L. 1142-1-1 «…instituent un régime spécifique de prise en charge par la solidarité nationale des dommages résultant des infections nosocomiales les plus graves qui a vocation à réparer l’ensemble de ces dommages, qu’ils aient été subis par les patients victimes de telles infections ou par leur proches ». d’autre part la possibilité de l’exonération de la

responsabilité dans le cas d’une cause étrangère[26] en vertu de l’article L. 1142-1 alinéa 2 du CSP, les établissements, services et organismes « sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ».

Généralement il est admis que pour produire son effet exonératoire, la cause étrangère doit présenter certaines caractéristiques qui sont celles de la force majeure. Il s’agit des caractères retenus par la jurisprudence : d’irrésistibilité, d’imprévisibilité, d’extériorité.

Si dans la jurisprudence administrative les trois éléments sont réunis, il est plus complexe d’en faire le constat dans la jurisprudence civile où bien souvent seul le premier critère est démontrable.

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En conclusion

La loi du 4 mars 2002 fait donc obligation au praticien d’effectuer ses actes dans les meilleures conditions de sécurité sanitaire afin d’éviter la transmission des pathologies.
Cette obligation s’impose vis à vis des patients et également vis-à-vis du personnel employé au cabinet dentaire. Il peut également l’invoquer et mettre en cause la responsabilité du praticien.

Ce sont les conditions de décontamination et de stérilisation du matériel utilisé pour les soins dentaires qui sont en cause ici. En milieu hospitalier, les obligations dans ce domaine sont clairement définies par des circulaires, leur application étant sous le contrôle des pharmacies hospitalières. Ce n’est pas le cas pour l’exercice en cabinet libéral où les installations ne sont soumises qu’à la seule appréciation du chirurgien-dentiste qui doit se former, s’informer et respecter bonnes pratiques et est responsable de leur application [26].

La problématique de la qualité et de la sécurité des soins a amené les politiques de santé publique à mettre en place un suivi régulier des indicateurs sous forme de programme national d’actions de prévention des infections associées aux soins (Propias). « Le Propias s’appuie sur le parcours du patient lors de sa prise en charge dans les différents secteurs de l’offre de soins, qu’il s’agisse des établissements de santé et médicosociaux (ES et EMS) ou des soins de ville. Il vise à favoriser la mutualisation des moyens, la synergie, la cohérence et la continuité des actions de prévention tout au long de ce parcours de santé en priorisant les actes les plus à risque. La DGOS, la DGS et la DGCS pilotent conjointement le Propias, un comité de suivi s’assure de sa mise en oeuvre et de la concertation des parties prenantes. »[27,28].

Ceci présage une uniformisation des règles en matière d’hygiène et asepsie quel que soit le lieu de soins dans un souci d’équité envers les usagers. Par conséquent, seules les jurisprudences futures montreront si la dualité existante en matière de responsabilité médicale IaS contractées en médecine de ville versus infections nosocomiales contractées dans les établissements publics de santé et les établissements médico-sociaux seront traitées de façon similaire par les juridictions civiles et les juridictions administratives.

Abréviations

DGOS : direction générale de l’offre de soins
DGS : direction générale de la santé
DGCS : direction générale de la cohésion sociale
ES : établissement de santé
EMS : établissement médico-social
IAS : infections associées aux soins
Propias : programme national de prévention des infections associées aux soins

Bibliographie

1. Prothais A. La contamination d’hémophiles par le virus du SIdA ne constitue pas un empoisonnement, mais le délit de tromperie sur la qualité des marchandises. Recueil dalloz, 1994, p.118. accessible sur : Dalloz-etudiant.fr/fileadmin/actualites/pdfs/MarS_2014/note_d1994-118.pdf (consulté le 08.07.2019)

2. Santé Publique France. Enquête nationale de prévalence des infections nosocomiales et des traitements anti-infectieux en établissements de santé, France, Mai-Juin 2017. accessible sur : Santepubliquefrance.fr/maladies-ettraumatismes/infections-associees-aux-soins-et-resistance-aux-antibiotiques/infections-associees-auxsoins/documents/rapport-synthese/enquete-nationale-deprevalence-des-infections-nosocomiales-et-destraitements-anti-infectieux-en-etablissements-de-sante-france-mai-juin-2017 (consulté le 08.07.2019)

3. Nestrigue C, Or Z. Surcoût des évènements indésirables associés aux soins à l’hôpital. Questions d’économie de la santé, 2011. 171:1-8. accessible sur :
(consulté le 08.07.2019)

5. Organisation Mondiale de la Santé (OMS). un soin propre est un soin plus sûr : pourquoi un défi mondial sur les infections nosocomiales. 2015. accessible sur :

Who.int/gpsc/background/fr/  (consulté le08.07.2019)

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A propos de l'auteur

Marc DUROT

Collège National des
Chirurgiens-Dentistes
Universitaires en Santé
Publique (CNCDUSP)
UFR d’Odontologie de Reims, Département de Santé Publique
CHU de Reims

Sahar MOUSSA-BADRAN

Collège National des Chirurgiens-Dentistes
Universitaires en Santé Publique (CNCDUSP)
UFR d’Odontologie de Reims, Département de Santé Publique CHU de Reims

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