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Entretien avec le Dr. Gary Carr

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Endodontie versus implantologie

Le mythe : l’endodontie permet de traiter toutes les dents.
La réalité : certains traitements conduisent à un échec programmé nuisant à la réputation de l’endodontie.

C’est le sujet à la mode par excellence et j’ai eu la chance de débattre du sujet avec le docteur Gary Carr directeur et fondateur de PERF (Pacific Endodontic Research Foundation) et de TDO (logiciel de gestion de cabinet d’endodontie) il y a déjà quelques années.

Dr-Carr-et-Dr-Bensoussan

Fig. 1 : à droite le Dr. Gary Carr, fondateur de PERF et membre fondateur de l’International Academy of Endodontics.

Son approche du sujet n’est pas politiquement correcte et il invite les endodontistes à une remise en question de leurs certitudes. Il considère qu’en tant que « spécialiste » il faut se préparer à ce qui vient après et non pas rester dans un attentisme de mauvais aloi.

Si l’on regarde ce qui s’est passé dans les autres spécialités et notamment en parodontologie où le but poursuivi est à la base le même que celui de l’endodontiste, à savoir conserver l’organe dentaire fonctionnel sur l’arcade.

Aujourd’hui, il est très rare de trouver un parodontiste qui ne pose pas d’implants et qui se « contente » de traiter les pathologies des tissus de soutien de la dent.

Docteur Carr, à votre avis, qui doit poser l’implant ?

Le problème n’est pas de savoir qui va poser l’implant : les spécialistes défendent leur territoire, comme le feraient des animaux, toujours focalisés par les répercussions économiques.

Le vrai problème est un problème d’influence. Beaucoup de dents parfaitement « sauvables » sont extraites parce qu’il est plus simple de poser un implant que de faire un traitement endodontique.

L’endodontiste doit se trouver au cœur du plan de traitement et ne pas intervenir comme le pompier de service pour tenter de traiter une dent au travers d’un artifice prothétique ou pour intervenir chirurgicalement sur une racine dont on n’aura pas repris le traitement endodontique sous des prétextes plus ou moins fallacieux.

Nous faisons une erreur stratégique majeure en voulant discuter nombres: la plupart des dentistes connaissent le taux de succès de l’implantologie et ils ont l’expérience des échecs en endodontie.

Mais il ne nous est pas utile de gagner la guerre des nombres pour continuer à traiter nos cas de la meilleure des façons.

Les endodontistes doivent réfléchir différemment dans leur comparaison avec l’implantologie.

Comme de plus en plus de dentistes pratiquent l’implantologie, le taux de succès va diminuer. De la même façon et parce que l’endodontie demande une courbe d‘apprentissage beaucoup plus longue, le nombre de beaux et bons traitements endodontiques diminue au fur et à mesure que les formations dispensées sont focalisées sur l’utilisation des nouveautés.

Un week-end d’implantologie permet au participant de poser un implant le lundi matin avec de grandes chances de succès, alors que le même week-end en endodontie vous donne envie de référer même vos cas simples !

centre-PERF

Fig. 2 : le centre PERF dans la banlieue de San Diego.

Dr. Carr, pensez-vous que dans le futur le nombre d’implants posés va diminuer et que l’engouement pour l’implantologie est passager ?

L’implantologie n’est pas une mode qui comme chacun sait se démode.

Il ne faut pas croire que les dentistes vont se détourner de l’implantologie en réalisant qu’il est préférable de garder les dents naturelles.

Au fur et à mesure que l’implantologie progresse avec la mise en charge immédiate, avec l’extraction/implantation, le territoire dévolu à l’endodontie héroïque diminue.

Il devient, toutes choses étant égales par ailleurs, préférable de choisir l’implant plutôt que l’élongation coronaire, le retraitement endodontique en plusieurs séances et d’attendre la guérison d’une lésion avant la mise en place de restauration prothétique.

Mais l’endodontie a encore de beaux jours devant elle car elle reste la seule discipline à demander un tel niveau de compétence et d’expérience pour sauver les dents des mors du davier et que les patients sont les plus gros demandeurs de racines naturelles.

Fig. 3 : le Dr. Carr dans son cabinet donnant des explications sur le traitement endodontique.

Merci Dr. Carr pour vos réponses claires et précises. En conclusion l’avenir de l’endodontie est entre les mains des endodontistes qui doivent prouver la supériorité de leurs traitements sur les extractions programmées.

cas-clinique-endodontiqueAfin d’illustrer son propos, ci-après quelques situations cliniques.

Fig. 4a : la dent 27 présente une récidive de carie au niveau cervical et la prothèse ne joue plus son rôle au niveau de l’étanchéité ; on note que le sinus maxillaire descend très bas et qu’en cas de perte de la dent, il faudra faire une greffe de comblement sinusien ; durée totale du traitement : 12 mois !

Fig. 4b : dépose de la couronne et élimination des tissus cariés.

Fig. 4c : reconstitution pré-endodontique au ciment verre ionomère afin d’avoir une cavité d’accès à 4murs.

Fig. 4d : traitement endodontique terminé, les foramina sont maintenus dans leur position spatiale d’origine, les canaux sont perméables, la conicité est respectée et l’obturation du système endodontique s’est faite en deux temps selon la technique du Professeur Schilder ; la dent 26 sera traitée dans un second temps pour des raisons économiques.

Une situation fréquente

Fig. 5a : la dent 25 présente une lésion apicale qui jouxte le sinus maxillaire et qui justifie un retraitement ; la dent 24 obturée aux cônes d’argent ne pose pas de problème particulier.

Fig. 5b : malgré l’absence de sondage la racine de la dent 25 est fracturée, son extraction s’impose.

Fig. 5c : la dent 25 est extraite, afin de pouvoir reconstituer la dent 24, le retraitement est programmé.

Fig. 5d : après dépose de l’amalgame et de la carie, on découvre une perforation latéroradiculaire haute qui communique avec le sulcus ; afin de ne pas construire une prothèse relativement étendue sur un pilier faible, l’extraction est également programmée.

Fig. 5e : après la pose des implants, la patiente revient au cabinet pour des douleurs en regard de la dent 23 qui a été traitée endodontiquement ; on incrimine le léger dépassement de matériau d’obturation et avant de programmer une chirurgie, un CBCT est réalisé.

Fig. 5f : la théorie de l’ennui maximum est très bien illustrée sur cette image. En effet, l’apex de la canine vient flirter avec l’implant ! L’implant qui remplace la 24 n’est pas posé selon un axe favorable et son extrémité apicale se trouve être sous muqueuse, il faut soit le déposer avec les dégâts que cela engendre, soit faire une résection de l’extrémité, soit une greffe d’apposition sachant que l’axe prothétique est de toute façon inadéquat.

cas-clinique-lesion-apicale

perforation-latéroradiculaire

Conclusion

Quelle que soit la discipline de la dentisterie, seule la plus grande des rigueurs permet de minimiser les risques de complications de nos traitements.

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A propos de l'auteur

Dr. David BENSOUSSAN

Dr en Chirurgie Dentaire
CES de Dentisterie Restauratrice et Endodontie
Ancien Assistant Hospitalo-Universitaire Paris 7
Past Président CPEA
Founder Member of the International Academy off Endodontics

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