Cette nouvelle rubrique a pour vocation de vous faire découvrir des cabinets d’exception sous différents angles : architectural, organisationnel, clinique…afin d’appréhender les stratégies et les multiples protocoles utilisés par nos leaders d’opinion.
Pour cette première expérience, le Dr Norbert Cohen, rédacteur en chef du Fil Dentaire accompagné du Dr Steve Benero ont choisi de se rendre au cabinet du Dr Thierry Degorce à Tours.
Une journée rythmée par des chirurgies et un entretien riches d’enseignements que nous retraçons ici par le biais d’une longue interview et d’un cas clinique iconographié et filmé. Moteur…
Question classique pour commencer, parlez-nous de votre parcours professionnel
Avant toute chose, merci d’être venus jusqu’à Tours passer une journée au sein du cabinet. Toute l’équipe et moi-même sommes très honorés d’avoir été sollicités.
J’ai fait mes études à la fac de Reims, entre 1988 et 1992. J’étais très vite intéressé et investi. Entre ce métier et moi, cela a été une vraie rencontre… J’ai ensuite enchainé sur un parcours des plus classiques, avec des CES de biomatériaux de parodontologie et de prothèse scellée.
Et puis, très rapidement, je me suis intéressé à l’implantologie.
C’était surtout l’alternative à la prothèse amovible que je trouvais séduisante.
J’ai fait un premier DU d’implantologie à la Pitié Salpêtrière, puis j’ai eu la chance de suivre un cursus de qualité avec toute l’équipe du DU de Paris VII dirigé par Patrick Missika.
Quelques années plus tard, j’ai complété ma formation avec le DU de chirurgie pré-implantaire dirigé par Michel Jabbour. J’y ai appris beaucoup sur les greffes osseuses et en particulier le potentiel de l’os allogénique que je ne n’utilisais pas à l’époque.
Sorti de ce cursus universitaire, les rencontres avec d’autres confrères ont été fondamentales. Très jeune, je cherchais quelqu’un de compétent et sympathique pour apprendre et m’épauler en implantologie, le Dr Frédéric Chiche m’a accueilli dans son cabinet et il m’a accompagné pour poser mes tous premiers implants. Je l’en remercie encore aujourd’hui et depuis, nous avons toujours gardé d’excellentes relations.
Naturellement, j’ai souhaité utiliser le même système que lui à l’époque et j’ai commencé à travailler avec la société « 3i® », aujourd’hui « Zimmer Biomet » que je n’ai jamais quittée depuis la pose de mon premier implant.
De fil en aiguille, je suis parti visiter leur usine aux Etats-Unis, et j’y ai fait une très belle rencontre avec le concepteur du système, le Dr Richard Lazzara, qui m’a ensuite convié à suivre un programme qu’il organisait en partenariat avec l’université de Miami. En 2001, J’ai confié mon cabinet à un remplaçant pour plusieurs mois afin de vivre mon expérience américaine. C’est là-bas que j’ai réalisé mes premiers sinus lift.
A mon retour, j’ai rapidement orienté mon activité professionnelle vers la spécialité en développant un réseau de correspondants. Travailler en collaboration avec des confrères est un exercice difficile qui demande beaucoup de temps mais c’est un enrichissement quotidien. J’ai aussi beaucoup appris d’eux en tenant compte de leurs remarques. J’ai également toujours eu la chance d’avoir de très bons cliniciens collaborateurs et auprès d’eux, je me suis enrichi de nos discussions régulières sur la gestion des cas cliniques. L’exercice à plusieurs révèle cet avantage certain.
Tous les ans, je continue de me perfectionner en suivant des congrès, des formations dans des cabinets en France comme à l’étranger, en lisant beaucoup également et en allant à la rencontre des autres. Ainsi, j’ai croisé la route de nombreux confrères talentueux avec qui j’ai eu des échanges enrichissants.
Deux d’entre eux, dont j’apprécie particulièrement les qualités humaines et professionnelles, les Dr Frank Bonnet et Hadi Antoun, se sont imposés, chacun à leur manière, comme des modèles que j’essaye modestement de suivre. C’est important je crois d’avoir des gens qui vous stimulent et vous montrent une direction à suivre.
A côté de mon activité de soignant, il y a aussi celle, très chronophage, de conférencier qui devient presque un deuxième métier en soi. En 1993, à l’issue de ma thèse d’exercice sur le titane et de la publication dans les pages de l’Information Dentaire d’un petit article sur ce sujet, une société scientifique m’a sollicité pour donner une conférence en Italie. Je sortais à peine de la fac, je n’avais pas encore de cabinet, et j’ai fait ma première présentation en Italie. Cela m’a plu et j’ai compris à ce moment-là que je n’avais pas besoin d’attendre mes 50 ans, une solide expérience et un cabinet important pour publier et faire des présentations. J’ai tout de suite attrapé le virus qui ne m’a pas quitté depuis. J’ai présenté depuis plus d’une centaine de conférences et débats et réalisé quelques publications. C’est quelque chose d’important pour moi et j’ajouterai d’indissociable de mon activité de soins. Tout d’abord parce que j’aime enseigner et partager la connaissance avec les autres. Mais aussi parce que tu ne soignes pas de la même manière quand tu as la volonté d’iconographier et montrer ton travail à des confrères.
Tu es nécessairement plus exigeant avec toi-même et c’est un puissant moteur pour t’améliorer et essayer de réaliser un travail de qualité. De plus, lorsque tu prends les photos ou un film, les patients apprécient et participent volontiers à cette volonté d’excellence qui va naturellement dans leur intérêt.
On a remarqué que vous focalisiez vos conférences et une partie de votre activité sur le secteur antérieur. Pourquoi privilégier votre travail sur l’esthétique ?
L’esthétique me parle beaucoup. Cela vient peut-être de mon père qui travaillait dans la mode et qui était passionné d’art. J’ai grandi entouré d’œuvres et au contact d’artistes et des galeries.
J’ai gardé cette sensibilité pour les formes, l’harmonie, disons « le beau ». Reconstruire un sourire et plus précisément développer un joli profil d’émergence, est ce qui m’intéresse le plus et me procure une vraie satisfaction.
C’est aussi ce qu’il y a sans doute de plus difficile à réaliser en implantologie chirurgicale. C’est donc un challenge permanent et c’est aussi là que mon expérience prend tout son sens.
On a eu le plaisir de faire la connaissance de votre équipe et on a remarqué que vous opériez avec 2 assistantes au fauteuil. Pensez-vous que ce soit indispensable en implantologie ?
Cela m’arrive même d’opérer avec trois assistantes autour de moi. Cela me semble difficile de faire autrement dans le cadre de mon activité de spécialiste. J’opère quotidiennement à un rythme soutenu avec une moyenne de 5 à 6 interventions chirurgicales par jour.
Dans une chaine de stérilisation, la chirurgie appelle l’adoption de certains protocoles, donc il y a une assistante « stérile » en aide opératoire, et une assistante dite « volante » qui va passer les instruments et qui peut plus facilement changer ses gants pour aller chercher et ouvrir du matériel non stérile par exemple, prendre les photos, etc.
Actuellement, mon équipe est composée d’une responsable administrative et de quatre assistantes à temps plein. Tout le monde est bien occupé, il y aurait même du travail pour une personne de plus. Une société de ménage s’occupe en plus de l’entretien du cabinet tous les matins. On travaille dans une bonne ambiance. Une grande partie de mon équipe, m’accompagne depuis plus de 10 ans. Je suis aidé dans mon exercice par un jeune collaborateur, le Docteur Pierre Guinot dont le dynamisme motive toute l’équipe.
J’ai aussi un excellent laboratoire de prothèse, Céram Fixe à Tours, nous marions nos exigences depuis plus de 25 ans tout en préservant des relations très amicales.
Enfin, je réalise régulièrement des films des interventions chirurgicales avec Patrice un ami confrère à la retraite qui est passionné d’image et de vidéo. Il réalise la captation et le montage des films au sein du cabinet ce qui nous permet de documenter et d’échanger facilement. Comme tu l’as vu aujourd’hui, on dispose d’un système autonome et mobile adapté que l’on peut facilement installer dans la salle de chirurgie.
Comme le veut le concept de cette rubrique « On a passé une journée avec… » Nous aimerions échanger avec vous sur les interventions auxquelles nous avons assisté : Comment gérez-vous la prothèse transitoire en implantologie esthétique ?
Je réalise beaucoup d’implantations et mises en esthétique immédiates. Les interventions sont programmées le matin et comme le laboratoire de prothèse n’est pas très loin de mon cabinet, je place la prothèse temporaire le soir-même. Je ne scelle jamais. Toutes les couronnes sont transvissées directement dans les implants pour les cas unitaires ou de petite étendue et dans des piliers multi-units pour les cas complets. Cela oblige un positionnement précis des implants pour obtenir un axe de transvissage cingulaire.
Dans les cas d’implantation différée, le plus souvent, je demande au laboratoire de confectionner des petites prothèses amovibles en résine sans fausse gencive rose en vestibulaire pour ne pas comprimer et déformer le site implantaire. Je n’hésite pas à étendre l’appui en postérieur jusqu’en distal des deuxièmes molaires, si nécessaire pour être certain d’avoir une bonne stabilité et éviter des mouvements de bascule et d’enfoncement des dents sur les sites, surtout lorsque qu’une greffe osseuse et/ou gingivale est réalisée ce qui est presque toujours le cas.
Vous mettez du métronidazole dans le biomatériau quand vous réalisez un comblement du sinus mais pas dans les ROG, pourquoi ?
Depuis toujours, je mélange le matériau de comblement des sinus, le plus souvent du Bio-Oss® (Geistlich®) avec du métronidazole. Avec le recul, je suis déjà rassuré quant à l’absence d’effet négatif. L’idée part du principe que le sinus est un milieu septique qui communique avec les fosses nasales. Il y a quelques années, j’ai assisté à une conférence des Dr Joseph Choukroun et Alain Simonpieri, dans laquelle ils montraient des lacunes visibles sur les coupes de scanner réalisées quelques temps après la greffe de sinus qui s’apparenteraient à de possibles développements bactériens. On obtient en effet des greffes plus denses quand on associe le métronidazole au biomatériau.
Vous avez montré tout à l’heure, dans le cadre d’une ROG avec membrane résorbable, que vous utilisiez des pins. Est-ce une technique que vous utilisez depuis toujours ?
Dans mon activité, j’utilise essentiellement la régénération osseuse guidée pour reconstruire les volumes osseux nécessaires. Je fixe systématiquement toutes les membranes qu’elles soient résorbables ou non. En palatin, je les suture et en vestibulaire, j’essaye de placer au minimum deux pins. Il est indispensable que la membrane soit parfaitement stable pour ne pas déstabiliser le caillot sous-jacent. Ces pins sont en titane et ils ne sont pas retirés. De manière significative, on peut obtenir des volumes d’os conséquents dans les augmentations horizontales, tant en densité qu’en qualité, avec des membranes résorbables réticulées en association notamment avec de l’os allogénique particulaire (Biobank®). Comme membranes, j’utilise le plus souvent l’OsseoGuard® et la Copios® (ZimmerBiomet®). Dans certaines indications, il m’arrive encore d’utiliser des membranes non-résorbables (Cytoplast®) qui donnent de très bons résultats mais avec un risque de complication plus important en cas d’exposition. Et puis il faut les retirer ce qui alourdit notablement la durée globale du plan de traitement, même si on en profite toujours pour glisser un greffon conjonctif. Pour les augmentations verticales, c’est plus compliqué. J’utilise les membranes non résorbables, de plus en plus avec armature titane ou encore des lames allogéniques pour réaliser des coffrages.
Faites-vous plus de ROG avec du Biobank® pur ou avec du Biobank® mélangé avec de l’os autogène ? Utilisez-vous toujours des blocs autogènes ?
Avec l’os allogénique particulaire, tu n’as pas besoin d’ajouter d’os autogène comme avec un matériau xénogène qui est exclusivement minéral. Il m’arrive de prélever un peu d’os autogène sur le site à l’aide d’un bone-scraper pour le placer directement au contact de l’implant, mais je n’ouvre jamais de deuxième site pour prélever sauf dans quelques rares indications où je souhaite réaliser un coffrage autogène.
Je n’utilise jamais de blocs autogènes qui ont montré cette faculté à se résorber dans le temps et rarement des blocs allogéniques.
L’os allogénique représente selon moi une bonne alternative au prélèvement autogène et je constate que beaucoup de praticiens l’utilisent de plus en plus. L’os allogénique, pour lequel on manque d’études sur le long terme, a une presse mitigée car au début de son utilisation, on l’exploitait sous forme de blocs qui ont montré d’importantes résorptions dans le temps. On a tiré la conclusion que l’os allogénique avait une faculté à se résorber dans le temps. Comme avec l’os autogène, il faut encore faire la distinction entre blocs et particules.
Donc pour résumer, vous avez essayé plusieurs techniques, des blocs 3D, des membranes résorbables, non résorbables, et vous vous rendez compte que l’avenir de l’implantologie c’est la simplicité et la limitation de la morbidité ? Pourquoi selon vous ne parvenons-nous pas à trouver un consensus de traitement en termes de chirurgie pré-implantaire justement avec une technique simple, sans morbidité, et qui fonctionne de manière répétitive ?
C’est compliqué. Il existe de nombreuses techniques et il est difficile de dire qu’une fonctionne mieux qu’une autre. L’avenir de l’implantologie c’est avant tout ce qui réussit entre les mains du clinicien. Il y a des praticiens admirables qui se limitent à une technique et montrent d’excellents résultats. Par exemple le Dr U. Gründer utilise presque exclusivement des membranes non résorbables, le Dr Fouad Khoury traite tous ses défauts osseux avec des coffrages autogènes, etc. Pour ces praticiens, leur technique fonctionne très bien et ils ont du recul.
Il y a peut-être le comblement sinusien qui est une technique très documentée et dont le protocole semble assez consensuel aujourd’hui. Sinon, il n’existe pas de technique idéale. Elles ont toutes des avantages et des inconvénients. Personnellement, j’en utilise plusieurs selon les indications.
J’essaye toutefois comme tu l’as dit de simplifier au maximum ma technique, de réduire la durée de l’intervention (que j’effectue exclusivement sous anesthésie locale) et l’invasivité sans pour autant compromettre le résultat. Ainsi, je réalise beaucoup d’extractions avec implantation immédiate, je n’ouvre quasiment jamais de deuxième site pour prélever de l’os autogène, je place l’implant et régénère l’os en même temps, je privilégie les membranes résorbables réticulées aux membranes non résorbables, j’utilise de l’os allogénique particulaire et des lames allogéniques pour réaliser des coffrages, des armatures titanes que j’ai de plus en plus tendance à ne pas retirer. Pour l’avenir, je trouve le concept d’extraction partielle proposé par Hürzeler et coll. en 2010 très intéressant dans le secteur antérieur.
Je pense aussi, après toute mes années d’expérience, que l’os a une incidence plus relative, dans la pérennité des résultats sur le long terme, que la présence d’une muqueuse kératinisée péri-implantaire en quantité suffisante autour de l’implant. Il est essentiel, que ce soit dans le secteur antérieur comme postérieur, de disposer en fin de traitement d’une hauteur et d’une épaisseur de gencive attachée péri-implantaire satisfaisantes.
La présence d’une grosse infection lors d’une extraction-implantation immédiate vous tempère-t-elle ou pas du tout ?
Cela dépend, ce n’est pas une contre-indication absolue. Si c’est une lésion d’origine endodontique (granulome apical principalement), même si elle est volumineuse, elle n’est pas un problème dès lors que le volume osseux résiduel est suffisant pour assurer une bonne stabilité primaire à l’implant et que la corticale vestibulaire est encore intacte ou faiblement altérée. On peut donc placer un implant dans un tel site sans risque dès lors que l’on a cureté et désinfecté l’alvéole. Cela a été montré dans la littérature.
Voyez-vous une différence entre les diverses marques d’implants ?
Je ne pense pas que la marque d’implant ait une incidence importante sur la réussite d’un cas clinique. Il faut bien connaître et maitriser son système avant tout. Ce qui est important c’est la main de l’opérateur et en particulier la façon dont l’implant est placé. J’ai vu de nombreux cas magnifiques réalisés avec des systèmes différents. La clef de voûte de la réussite d’un cas clinique, c’est la position de l’implant guidée par la prothèse.
Ensuite, il est essentiel de disposer d’une hauteur de gencive kératinisée péri-implantaire suffisante (idéalement 5 mm) pour améliorer la stabilité de l’ensemble et limiter les problèmes infectieux. La gestion des tissus mous, apport et mise en forme, doit être maitrisée.
Que cela soit dans le secteur antérieur ou postérieur, je privilégie systématiquement la prothèse vissée à la prothèse scellée. Il faut donc que l’accastillage prothétique soit adapté au transvissage, ce qui est le cas de presque tous les systèmes aujourd’hui.
Entre les chirurgies, vous nous avez parlé des nombreuses formations que vous faisiez qui consistent le plus souvent à passer du temps dans le cabinet de confrères.
J’aime aller à la rencontre des autres. De nombreux confrères proposent des formations de qualité au sein de leur cabinet. Tout praticien a la nécessité de consacrer une partie de son temps à la formation, c’est même une obligation légale, un devoir. Pour moi, c’est un plaisir et j’apprends sans cesse de nouvelles choses.
Et puis la science évolue vite. Les concepts sont en mutation constante et tu peux être très vite dépassé. Si je souhaite maintenir un rôle de leader d’opinion alors je me dois de me tenir toujours informé. Internet commence aussi à prendre une place importante dans la formation. On trouve de plus en plus de présentation en ligne de qualité. Cela permet d’accéder à l’information à son rythme, quand on est disponible.
Etes-vous inquiet pour votre avenir ?
Non, même si je reste prudent. Pour la profession en général, je le suis davantage au vu de la nouvelle nomenclature et d’une volonté politique qui manifestement cherche à répondre à un besoin de santé publique sans prendre en compte la réalité d’un exercice qualitatif.
Néanmoins je perçois de l’enthousiasme chez les confrères que je rencontre. Beaucoup d’entre eux ont une réelle envie de se former et de s’approprier les technologies d’aujourd’hui et de demain. Avec l’essor du numérique, nous devrions vivre une décennie passionnante, notamment dans le domaine de l’implantologie.
Quels conseils donneriez-vous à un omnipraticien pour développer son activité implantaire ?
Mon conseil serait de suivre une formation sérieuse et de se limiter à des cas accessibles au départ sans se lancer dans une chirurgie pré-implantaire non maitrisée.
Il est préférable de réserver les cas du secteur antérieur qui sont toujours sensibles, à des confrères qui ont plus d’expérience et des plateaux techniques adaptés.
L’idéal est de travailler en partenariat avec un praticien spécialiste. J’ai de plus en plus de correspondants qui posent des implants. Ils me demandent des conseils et ils savent que je pourrai les aider à gérer d’éventuelles complications. En retour, ils m’adressent leurs cas les plus complexes.
Après, si nous raisonnons d’un point de vue strictement qualitatif, compte tenu de l’évolution des connaissances dans toutes les disciplines de la dentisterie, le patient devrait selon moi être pris en charge non plus par un seul praticien mais par une équipe de confrères chacun spécialiste dans son domaine (ortho, endo, paro, implanto et prothèse). Des structures de groupe ou chacun aurait un domaine de spécialité se développeront peut-être davantage à l’avenir avec une mutualisation des moyens et une forme de distribution équitable des bénéfices.
Quels conseils donneriez-vous à un confrère qui voudrait devenir implantologiste exclusif ?
C’est sans doute plus difficile aujourd’hui qu’il y a 15 ans de devenir exclusif alors que de nombreux confrères posent des implants ou souhaitent en poser.
Il faut d’abord avoir une bonne expérience d’ omnipratique. Ce serait, à mon sens, une erreur de vouloir se lancer d’emblée dans cette spécialité. Ensuite, il faut acquérir une solide formation et consolider ses acquis régulièrement. Une bonne formule consiste aussi à sympathiser avec un praticien déjà exclusif qui va pouvoir te conseiller sur les formations, te donner des conseils sur tes premiers cas, t’aider en cas de complications, etc. C’est rassurant de sentir quelqu’un d’expérimenté à ses côtés. Car clairement il ne suffit pas d’avoir des connaissances pour devenir un bon chirurgien, il faut acquérir expérience et assurance.
Exercer en exclusif implique aussi de travailler avec un réseau de correspondants. Il faut donc organiser des réunions avec des confrères de votre région. Pour préparer ces formations, il est souhaitable en amont d’iconographier son travail pour le montrer et l’expliquer aux confrères. Il faut renforcer la confiance de ses correspondants en leur donnant la possibilité de se développer dans cette discipline, maintenir un dialogue permanent et être très disponible. En créant ce lien avec vos correspondants, vous développez avec eux une relation de confiance et s’ils ont confiance en vous, leurs patients l’auront également.
Quel est d’après vous l’avenir de l’implantologie ?
L’implantologie est une belle technique qui a modifié la conception de nos plans de traitement. C’est une discipline incontournable aujourd’hui. Ce n’est pas une technique aussi simple que cela, et elle n’est pas aussi facile qu’on aimerait parfois nous la « vendre ». Il y a beaucoup de choses à savoir et d’expériences à acquérir.
Elle va certainement se développer de manière exponentielle et parallèlement les complications aussi ! Le nombre d’implants placés se multipliant, il y aura donc logiquement plus de problèmes à gérer pour nous, praticiens spécialisés.
Enfin, quels sont vos projets ?
Comme beaucoup j’imagine, je souhaiterais trouver l’équilibre idéal entre ma vie professionnelle et personnelle. J’aimerais me faire plaisir en travaillant avec moins de pressions financières pour prendre plus de temps à réaliser des cas cliniques aboutis, utilisant toute la palette des techniques mises à notre disposition.
J’ai beaucoup appris de mes ainés et j’ai moi-même enseigné, mais j’aimerais pouvoir transmettre mes acquis par l’intermédiaire d’un livre moderne associé à des vidéos accessibles sur internet par exemple. J’ai accumulé au fil du temps une très large iconographie qui pourrait se révéler comme une belle base de travail. J’aurai des regrets d’arriver au terme de ma carrière professionnelle en n’ayant pas eu le courage de le faire. Pouvoir m’affranchir un peu plus de la clinique et créer un centre de formation me plairait aussi. J’ai beaucoup de demandes de confrères qui souhaitent venir au cabinet. Cela me permettrait de structurer des cours, et bénéficier ainsi du partage des connaissances. Enfin, jusqu’à présent j’ai donné beaucoup de temps à mon métier. J’aimerais en consacrer beaucoup plus à ma famille et à mes amis, en somme garder du temps pour moi, les autres, et… progresser en kite surf et en guitare !
Photos Patrice Grange
Regards & images