Comme toutes les autres spécialités médicales, la parodontie évolue, continue et continuera d’évoluer. Les informations relatives à ces changements, quelquefois majeurs, sont disponibles dans la presse professionnelle française mais surtout anglosaxonne. Pour des raisons multiples, les données scientifiques relevantes et pertinentes pour le praticien mettent obligatoirement un certain temps avant de lui parvenir retardant ainsi les profits qu’il pourrait en tirer.
Cette modeste chronique a pour but d’informer les chirurgiens dentistes des éventuelles modifications à apporter quant aux moyens de diagnostic, traitement(s) et prévention des différentes pathologies parodontales auxquelles ils/elles ont à faire face tous les jours.
Fragilité et solidité
En parodontie, tout semble commencer et se terminer à la jonction gencive/dent, c’est-à-dire à l’attache épithélio-conjonctive (Figure 1). Celle-ci est à la fois éminemment fragile et solide.
Fragile, car la moindre irritation de cet espace se traduit par des modifications cliniques et infra-cliniques. La force qu’est capable de supporter l’épithélium de jonction avant de se détacher de la surface dentaire se situe aux environs de 0,75 Newton ce qui est relativement peu (et en tout cas très éloignée) de ce que le sondage classique impose (1). De même, lors de la réalisation des soins, des prothèses ou du détartrage conventionnel, la jonction dento-gingivale est inévitablement agressée et souvent détruite.
Ceci est d’autant plus vrai que le parodonte est inflammatoire et/ou infecté.
Solide, car la réaction inflammatoire physiologique mise en place dans les minutes qui suivent cette agression a pour but de rétablir l’équilibre avec – in fine – une réparation relativement rapide (de l’ordre de quelques jours) mais quelquefois en situation plus apicale que celle d’origine (2).
Défense immunitaire
L’afflux constant de dizaines de milliers de leucocytes par minute et par dent (en majorité des polymorphonucléaires neutrophiles) (Figure 2) provenant des capillaires gingivaux assurent une défense très efficace des tissus parodontaux superficiels et profonds en formant une barrière entre les éléments microbiens et les épithélia de jonction et sulculaire. Leurs fonctions (de l’adhésion à la bactéricidie) ont pour but de conserver une flore microbienne compatible avec la santé parodontale (3). Lorsque ces défenses fonctionnent normalement, le parodonte reste en bonne santé. Lorsqu’elles sont altérées, le parodonte est en danger.
Les cellules épithéliales ont également des rôles très importants dans la défense du parodonte. Non seulement, elles représentent une barrière physique entre le biofilm bactérien (i.e. plaque dentaire) et le tissu conjonctif sous-jacent mais elles ont la capacité de renseigner le système immunitaire sur la nature de l’environnement par l’intermédiaire de molécules qu’elles synthétisent et excrètent (cytokines et interleukines). Le système immunitaire peut alors s’adapter et mettre en place les mécanismes de défense adaptés.
Renouvellement
Les cellules de l’attache épithlio-conjonctive ont un taux de renouvellement (« turn-over ») des plus rapides de l’organisme (1). En quelques jours, la moitié des cellules épithéliales vieillies et/ou mortes sont remplacées par de nouvelles cellules.
En ce qui concerne les fibroblastes (cellules de base des tissus conjonctifs), ces derniers synthétisent puis excrètent les molécules de collagène. Ces mêmes cellules le détruisent lorsqu’il est vieilli grâce à des métalloprotéases et métalloprotéinases (collagénases) (3). Si la quantité de collagène détruit est équivalente à celle synthétisée, le capital de fibres conjonctives reste, au fil du temps, intact.
Conclusions cliniques
La prudence impose donc d’être « délicat » lors de la réalisation des soins, des prothèses et de l’élimination du tartre. Si le parodonte saigne, c’est qu’on est allé « trop loin » car l’épithélium ne contient pas de vaisseaux sanguins.
Le sondage effectué au-delà des forces que peut supporter l’attache épithéliale conduit à une surestimation de sa profondeur avec les décisions cliniques inappropriées.
Les limites des restaurations seront donc, dans toute la mesure du possible, éloignées de la jonction dento-gingivale (Figure 3). u De même, toute forme d’agression (chimique ou mécanique) des cellules épithéliales diminuera la capacité de celles-ci à remplir leurs fonctions de défense.
Toute forme de pathologie systémique qui affecte les fonctions et/ou le nombre de leucocytes diminuera ipso facto la capacité des tissus parodontaux à être défendu. C’est par exemple le cas au cours de certaines chimiothérapies anticancéreuses aplasiantes (neutropénie notamment) qui detruisent les cellules à renouvellement rapide (follicules pileux, cellules de la moelle osseuse, cellules tumorales et cellules épithéliales) ce qui se traduira par une plus grande susceptibilité aux infections (4) (5). De telles thérapeutiques ne pourront donc être mises en place à la condition que le parodonte soit sain.
La consommation de tabac modifie profondément la fonction des polymorphonucléaires neutrophiles et donc la protection des tissus parodontaux contre les infections (5). L’arrêt du tabac entraîne un retour, plus ou moins rapide à un fonctionnement normal.
Références bibliographiques
1. Litsgarten M.A. – Periodontal probing. What does it mean ? J Clin Periodontol 7 : 165 – 176, 1980
2. Schroeder H.E. et Listgarten M.A. – The gingival tissues : the architecture of periodontal protection Periodontol 2000 13 : 91 – 120, 1997
3. Meikle M.C., Hembry R.M., Holley J., Horton C., McFarlane C.G. et Reynolds J.J. – Immunolocalization of matrix metalloproteinases and TIMP-1 (tissue inhibitor of metalloproteinases) in human gingival tissues from periodontitis patients. J Periodont Res 29 : 118 – 126, 1994
4. American Academy of Periodontology – Diabetes and periodontal diseases. Position Paper. J Periodontol 67 : 166 -176, 1996
5. American Academy of Periodontology. – Periodontal considerations in the managment of the cancer patient. Position paper. J Periodontol 68 : 791 – 801, 1997
6. American Academy for Periodontology – Tobacco use and the periodontal patient. Position Paper. J Periodontol 70 : 1419 – 1427, 1999
7. American Academy of Periodontology – Diabetes and periodontal diseases. Position Paper. J Periodontol 71 : 664 – 678, 2000