En CFAO directe, l’utilisation de blocs monolithiques de céramique feldspathique renforcée (Leucite ou Disilicate de Lithium) permet de jouer sur les propriétés optiques des matériaux, et d’obtenir des résultats esthétiques très satisfaisants par un simple maquillage/glaçage de surface.
Ainsi, l’utilisation de la glazure permet d’apporter une brillance naturelle, bien supérieure à un simple polissage mécanique. Les colorants tels les « shades » et les « stains » (voir définitions) permettent eux, de caractériser les faces occlusales, les zones cervicales, les rebords incisaux et de recréer fêlures ou hypo minéralisations de l’émail.
Enfin, le processus de cuisson et de glaçage améliore les propriétés mécaniques de la pièce non seulement par une éventuelle cristallisation, mais aussi en colmatant les microfissures causées par l’usinage. Du fait de la fragilité des céramiques, les étapes pré et post-cuisson demandent une grande rigueur afin d’éviter d’endommager la pièce prothétique.
Les étapes de maquillage sont donc d’une importance capitale en CFAO directe, tant sur le plan esthétique que mécanique.
Préparation de la couronne au maquillage
A la sortie de l’unité d’usinage, la pièce prothétique est séparée de son bloc : la tige de fixation est sectionnée à distance de la couronne Fig. 1a puis usée progressivement afin d’éviter tout écaillage.
Toutes les retouches sur la céramique « brute » sont faites avec des fraises diamantées sur pièce à main, à faible vitesse afin d’éviter l’échauffement Fig. 1b.
L’utilisation de la turbine est à proscrire du fait des hautes vitesses induites qui peuvent entrainer des fêlures et éclats (écaillage), notamment au niveau des bords cervicaux.
L’obtention d’une esthétique optimale passe par une caractérisation plus fine de la face occlusale et de l’état de surface. En effet, quel que soit l’unité d’usinage utilisée, le diamètre de la fraise Fig. 2 est trop important pour se dispenser d’affiner la surface manuellement. Cette étape consiste donc à resculpter plus finement les sillons (qui serviront de guide au maquillage) et à gratter ou griffer la face vestibulaire pour recréer la micro géographie de surface des dents collatérales. Ces retouches ne doivent cependant jamais entamer les épaisseurs minimales recommandées par les fabricants.
La couronne est ensuite nettoyée afin d’éliminer tous les résidus de fraisage par un passage à la vapeur ou au bac à ultrasons. A ce stade, il est préférable de ne pas sabler à l’Alumine (Al2O3) pour éviter tout écaillage.
Enfin, la couronne est fixée sur son support de cuisson Fig. 3 par l’intermédiaire d’une pâte réfractaire (IPS Object Fix Putty®, Ivoclar Vivadent®). Cela permet de stabiliser et fixer la couronne, de répartir la chaleur de façon homogène et de compenser les éventuelles variations dimensionnelles des matériaux.
Maquillage de la couronne Fig. 4
Il existe différentes techniques de maquillage en fonction de la nécessité de réaliser ou non une cristallisation, de l’application de la glazure en 1 ou 2 temps et des préférences de l’opérateur.
La systématisation des protocoles permet cependant une reproductibilité des résultats et un gain de temps non négligeable. La technique présentée ci-après consiste en l’application de la glazure et des maquillants en 1 seul temps et 1 seule cuisson.
Cela implique de maquiller la prothèse sur un substrat de céramique qui n’a pas toujours sa teinte de masse définitive (couleur bleutée des blocs IPS e-max® CAD couleur transparente et mate des blocs VITA Suprinity®). Il est toutefois possible de suivre le même protocole en ayant réalisé la cuisson de cristallisation au préalable, le temps nécessaire s’en trouvant allongé, mais le maquillage facilité.
1ère étape : application de la glazure
La glazure est appliquée sur l’ensemble de l’extrados prothétique, en prenant soin de ne pas saturer la face occlusale Fig. 5.
La quantité appliquée et la texture sont primordiales : une trop faible quantité donnera un brillant insuffisant, un excès entrainera une dilution des shades et stains, une perte de l’état de surface, une surbrillance et une surocclusion.
2ème étape : application de shade « dentine » au collet
L’application de shade de teinte dentine (ou « body ») correspondant au bloc choisi va permettre de foncer la couleur du collet et créer un dégradé de la zone cervicale vers la zone occlusale Fig. 6.
Par exemple, on appliquera un shade de teinte dentine A sur un bloc A3 pour transformer la teinte au collet en A3,5.
3ème étape : application de shade « dentine » sur la face occlusale
De la même façon, le shade dentine est appliqué sur les versants internes des cuspides de façon à donner un effet de profondeur Fig. 7. Les excès éventuels de glazure dans le sillon peuvent être éliminés à ce stade à l’aide d’un pinceau sec.
4ème étape : application de shade « incisal » au niveau des pointes cuspidiennes
Pour créer un effet de contraste, le shade « incisal » est appliqué sur les versants externes des cuspides et les crêtes marginales Fig. 8. Cela contribue à donner un effet de transparence identique à celui de l’émail.
5ème étape : application de stain « blanc » au niveau des cuspides
Sur les dents jeunes, la pointe cuspidienne peut être soulignée par apport de stain blanc Fig. 9. Toutefois, l’utilisation des stains doit, en règle générale être parcimonieuse et maîtrisée. Des tests peuvent être réalisés sur des blocs d’essai pour une meilleure perception des effets de chaque teinte.
6ème étape : application de stain « chocolat » au niveau des sillons
En fonction de l’aspect des dents adjacentes et de leur âge, il est possible de recréer l’aspect infiltré des sillons principaux.
À ce stade, il est primordial de ne pas avoir trop de glazure en fond de sillon sous peine de dilution des stains et d’un rendu inesthétique. Les éventuels excès peuvent être éliminés par passage d’un pinceau sec et fin.
Les stains sont des colorants très opaques et très puissants. Ils sont donc déposés en un seul point du sillon principal à l’aide d’une lime endodontique ou de la pointe d’un bistouri. Le colorant est ensuite étiré délicatement pour infiltrer l’ensemble du sillon Fig. 10.
Il est prudent de ne pas exagérer cette caractérisation, la plupart des patients ne désirant pas de tâches brunes sur leurs dents.
7ème étape : application de stain « blanc » au niveau des arrêtes cuspidiennes
L’effet de profondeur sur des dents jeunes peut être augmenté par l’apposition de stain blanc sur la ligne de crête des versants cuspidiens internes.
De la même façon, dans l’éventualité de marbrures ou rainures blanchâtres sur les faces vestibulaires, des stains blanc ou vanille peuvent être déposés pour copier les dents adjacentes.
Choix de la translucidité
Une des clefs de la réussite esthétique du maquillage réside dans le choix du bloc à usiner. En effet, si la plupart des praticiens sont à l’aise dans le choix de la teinte grâce à un teintier ou un spectrophotomètre, il est très difficile de choisir la bonne translucidité en fonction du substrat sous-jacent ou du mode de jonction.
Les blocs pour CFAO directe sont disponibles en 2 translucidités pour chaque teinte : HT (Haute translucidité/High Translucency) et LT (Basse translucidité/ Low Translucency). Les autres blocs ne conviennent pas aux techniques de CFAO directe et au maquillage de surface.
Le choix de la translucidité se fera donc en fonction :
- de la coloration du moignon sous-jacent : Préférer LT sur dent dyschromiée.
- des dents collatérales : Préférer LT si les dents sont des coiffes céramo-métalliques, HT si les dents collatérales sont intactes.
- de la caractérisation nécessaire: Préférer LT si des effets par stains sont recherchés. Le maquillage est plus visible sur les blocs LT.
- des préférences et habitudes des praticiens.
La complexité de ce choix est illustrée dans le cas clinique présenté Fig. 11 a à h.
Cuisson de la céramique
La couronne est placée sur son support, au centre du four Fig. 12a.
Les paramètres de cuisson (température, pallier, vitesse de chauffe, vide…) doivent être parfaitement adaptés en fonction du type de matériau utilisé (se référer au fabricant), et le four étalonné régulièrement.
De même, certains supports de cuisson sont inadaptés au matériau. Pour exemple, il ne faudra pas utiliser de support en nid d’abeille pour les pièces en IPS e-max CAD®.
Une fois le programme terminé, la coiffe est placée sur le rebord externe du four, en attente de son refroidissement Fig. 12b.
Il ne faut en aucun cas refroidir prématurément la pièce prothétique (par immersion dans l’eau ou spray d’air), sous peine de choc thermique et de fracture.
Enfin, l’intrados est débarrassé de sa pâte réfractaire avec une sonde, et la coiffe est nettoyée macroscopiquement par passage dans un bac à ultrasons.
La prothèse est alors prête à recevoir son traitement de surface pour collage.
Conclusion
En CFAO directe, le choix du bloc à usiner et le maquillage sont les 2 étapes clés de la réussite esthétique.
Même si l’expérience du praticien est primordiale, son sens de l’observation et le respect d’un protocole rigoureux permettent d’obtenir des résultats reproductibles et esthétiquement très satisfaisants.
Définitions
Glazure : pâte de glaçage.
Shades : maquillants « dentine » à base de colorants de terre rare permettant de modifier la teinte de la céramique sousjacente.
Stains : maquillants intensifs à base d’oxydes métalliques opaques permettant de créer des effets ponctuels (fonds de sillons, fêlures, tâches blanchâtres).