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Usure dentaire

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 Quel protocole de collage ? Pour quels matériaux ?

L’objectif de la dentisterie restauratrice a évolué au fil du temps. Jusqu’à présent, la maladie carieuse était la principale préoccupation restauratrice, or, l’incidence de lésions érosives a significativement augmenté, cette augmentation étant due au vieillissement de la population, qui conserve ses dents jusqu’à un âge avancé, et à une consommation accrue d’aliments acides. La réussite du traitement de l’usure dentaire au moyen de techniques d’intervention minimalement invasives requiert cependant une analyse et une parfaite connaissance des concepts fondamentaux de l’occlusion, de l’esthétique, mais également de la dentisterie adhésive et des biomatériaux. Ces deux derniers aspects sont traités dans cet article.

Les patients touchés par des usures dentaires sévères présentent souvent des pertes de substances très importantes, et il s’agit généralement de sujets assez jeunes. Les techniques traditionnelles de restaurations périphériques (couronnes) s’avèrent trop mutilantes, en particulier pour cette population jeune. L’approche adhésive doit donc être privilégiée pour ce type de patients, afin de conserver au maximum les tissus sains et de reporter à plus tard les techniques plus invasives.

L’efficacité du collage n’est plus à prouver, cependant, le support dentaire usé n’est pas comparable à un substrat sain et cela implique quelques précautions supplémentaires.

Collage

Caractéristiques de la dent usée

Les lésions d’usures peuvent être causées par des phénomènes comme l’attrition, l’abrasion, l’abfraction ou encore l’érosion et ont pour conséquence la formation de dentine sclérotique.

La dentine sclérotique est hyper minéralisée avec des tubulis partiellement ou totalement obstrués par des dépôts minéraux qui empêchent la formation des tags de résine (Fig. 1 et 2, Tay, 2004).

En effet, cette dentine hyper minéralisée s’oppose à l’action des gels de mordançage lors du collage et diminue les valeurs d’adhérence (Etienne, 2016). Ces valeurs, quel que soit le type de système adhésif, sont plus faibles sur une dentine sclérotique que sur une dentine saine et cela peut aller jusqu’à 25 % selon les études.

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Figure 1 : image par microscopie électronique par balayage d’après Tay Fr et col. Dentine sclérotique. (Pointeur main) oblitérations sclérotiques obturant les tubules dentinaires – Figure 2 : image par microscopie électronique à transmission d’après Tay FR et col. (Pointeur main) cristallites de la couche hyper-minéralisée disposés de façon ordonnée, (flèche) cristallites de la dentine sclérotique sous-jacente disposés de façon aléatoire 

Quel adhésif privilégier?

En antérieur, à partir du moment où il reste de l’émail, toutes les études s’accordent sur le fait que les adhésifs avec mordançage/rinçage préalable (M&R) sont supérieurs. Les valeurs d’adhérences sont équivalentes que l’on utilise un système en deux ou trois étapes ou encore un adhésif universel utilisé avec mordançage.

En postérieur, de grosses plages de dentines sclérotiques compliquent sensiblement les choses. Augmenter le temps d’application du gel de mordançage n’est pas une bonne solution car au contraire, cela aura pour effet de déminéraliser en excès certaines zones inter et peri-tubulaires qui ne pourront pas être infiltrées par l’adhésif, créant des inégalités d’épaisseur dans la couche hybride.

Les adhésifs universels, de par leur faible acidité, ont pour eux l’avantage de préserver les cristaux d’hydroxyapatites se situant autour du collagène, ce qui permet une interaction chimique avec des monomères fonctionnels tels que le 10-MDP. Ces derniers adhésifs sont donc à privilégier en cas de dentine sclérotique. Avec les concepts de dentisterie à minima et la préservation de zones d’émail en périphérie de la dentine sclérotique, cette dernière famille d’adhésif trouve tout son sens.

En effet, ils permettent un mordançage sélectif de l’émail, c’est à- dire une action avec mordançage préalable sur l’émail et une action automordançante sur la dentine, ce qui est le cas de figure idéal ici. En effet, les valeurs d’adhésion sur la dentine sclérotique ne sont pas influencées par le fait de les utiliser avec mordançage ou non. De plus, leur utilisation va également dans le sens d’une simplification des protocoles (Siqueira, 2018).

Afin d’améliorer l’adhésion sur ces zones de dentine usées, plusieurs stratégies ont été testées. Il semblerait que (seule) l’utilisation de chlorhexidine ou d’hypochlorite avant l’étape de mordançage, améliore les valeurs d’adhésion. De même que l’application prolongée du primer d’adhésion (30 secondes minimum). Par ailleurs, cette dentine étant très lisse, la création de micro-reliefs à l’aide d’une fraise diamantée gros grains, en carbure de tungstène ou par sablage (alumine 50μ) augmenterait la composante micromécanique de l’adhésion. L’acide polyacrylique à 20% ou l’EDTA n’ont pas d’action significative mais des études complémentaires sont nécessaires afin d’élaborer un protocole clinique pour ce substrat particulier qu’est la dentine sclérotique. (Augusto, 2018).

Ensuite, la fin du protocole de collage est à réaliser avec un composite de collage selon les recommandations du fabricant en respectant les temps d’application et de photo  olymérisation des produits.

Matériaux de reconstitution

Gradient thérapeutique

Selon les principes du gradient thérapeutique, les cas d’usures débutants peuvent être traités, de manière peu invasive, par technique de reconstitution en composites direct. C’est lorsque l’usure devient plus importante, touchant les deux arcades, et intéressant les faces vestibulaires et palatines ou linguales des dents, que la situation devient plus complexe. Il est indispensable dans ces cas de passer par des reconstitutions indirectes (Peutzfeldt,2014).

Cependant, le choix thérapeutique dépend aussi des circonstances individuelles ainsi que des besoins et préoccupations perçus du patient.

La réhabilitation des dents antérieures usées doit respecter les principes de la dentisterie minimalement invasive afin de préserver la vitalité pulpaire. En cas d’usure dentaire sur les surfaces vestibulaires et palatines, l’approche en sandwich consistant à reconstruire ces dents à l’aide d’une facette palatine et d’une facette vestibulaire distinctes, est un traitement optimal qui préserve la structure dentaire (Vailati 2013).

En postérieur, s’il n’y a pas de remontée de la dimension verticale (DVO), dans le cadre d’usures modérées, le gradient thérapeutique est classiquement le suivant : inlays, onlays, overlays, vennerlays, couronnes. A partir du moment, où une augmentation de la DVO est nécessaire, il faudra passer directement par des overlays ou des couronnes en fonction du délabrement dentaire initial.

Lorsque la DVO est à remonter, il est intéressant dans certains cas, d’utiliser le concept de Dahl. Ce concept est réalisé avec un appareil de Dahl, porté entre six et neuf mois, soit de manière amovible, soit de façon fixe, généralement sous forme de composites. Il permet dans les contextes d’usures sévères, une égression des dents postérieures afin de gagner la place nécessaire pour une réhabilitation antérieure moins invasive. (Poyser, 2005)

Le choix des matériaux de reconstitution va dépendre des caractéristiques intrinsèques des biomatériaux mais cela peut aussi dépendre de la situation économique du patient. En effet, en fonction de la sévérité de l’usure, de l’épaisseur de la restauration souhaitée, ou imposée par le cas clinique, plusieurs matériaux s’offrent aux praticiens. Ces premiers critères de choix vont donc être praticiens-dépendants mais il peut aussi y avoir des critères patients-dépendants, les restaurations en composites étant plus abordables que celles en céramiques.

Le traitement des intrados prothétiques dans ces conditions d’usure ne changent pas des conditions saines et sont à adapter en fonction du substrat prothétique.

Le tableau 1 récapitule les impératifs à respecter pour les différents matériaux disponibles actuellement ainsi que traitements des intrados correspondants pour permettre un choix raisonné. Les céramiques cristallines (zircone) n’ont pas été retenues pour ce tableau de par leur faible indication pour les facettes, inlays, onlays, overlays et leur aptitude au collage moindre par rapport aux autres matériaux sur le marché. De plus, malgré la réalité des techniques conventionnelles, l’éventail des possibilités étant plus important avec les techniques numériques, ce tableau regroupe les différents matériaux disponibles en CFAO (Conception et fabrication assistées par ordinateur). Cela allant aussi dans le sens de la digitalisation de la dentisterie moderne.

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Tableau 1 : propriétés des matériaux et utilisation

Vieillissement des restaurations

Les études s’accordent sur le fait que les conditions érosives n’ont que peu d’impact sur le comportement ou la coloration des matériaux de restauration, tels que les composites et les céramiques. Cependant, l’usure de l’émail par des matériaux de restauration antagonistes est fortement influencée par les conditions érosives.

Dans le cas d’usures sévères, les deux arcades sont traitées donc ce sont les matériaux de restauration qui sont en contact. Par contre, il est important de garder à l’esprit que l’étiologie des lésions érosives doit être déterminée afin de mettre un terme à la maladie, sinon le processus érosif continuera à détruire la substance dentaire (Wiegand,2017).

Conclusion

Lorsque l’usure est à un stade très avancé, la réhabilitation orale devient nécessaire. Avant la dernière décennie, les usures dentaires ne pouvaient être réhabilitées qu’en prévoyant des travaux assez mutilants. Grâce aux améliorations apportées aux matériaux de restauration composites et aux techniques de collage, il est devenu possible de réhabiliter ces patients de manière beaucoup moins invasive. Les adhésifs universels utilisés avec mordançage préalable semblent être plus avantageux pour ce type de lésions. Que ces traitements passent par des reconstructions composites directes ou par des restaurations en céramique collées, le large choix de matériaux permet au clinicien de s’adapter aux différentes situations rencontrées.

Cependant le choix thérapeutique, dépend aussi des circonstances individuelles ainsi que des besoins et préoccupations perçus du patient.

Bibliographie

1. Etienne O, Anckenmann L, (2016), Restaurations esthétiques en céramique collée, France, Editions CdP.
2. Tay FR, Pashley DH. Resin bonding to cervical sclerotic dentin: A review. J Dent. 2004 Mar;32(3):173–96.
3. Siqueira FSF, Cardenas AM, Ocampo JB, Hass V, Bandeca MC, Gomes JC, Reis A, Loguercio AD. Bonding Performance of Universal Adhesives to Eroded Dentin. J Adhes Dent. 2018;20(2):121-132
4 – Augusto MG, Torres C, Pucci CR, Schlueter N, Borges AB. Bond Stability of a Universal Adhesive System to Eroded/Abraded Dentin After Deproteinization. Oper Dent. 2018 May/Jun;43(3):291-300.
5 – Peutzfeldt A1, Jaeggi T, Lussi A.Restorative therapy of erosive lesions. Monogr Oral Sci. 2014;25:253-61. doi: 10.1159/000360562. Epub 2014 Jun 26.
6. Vailati F, Gruetter L, Belser UC.Adhesively restored anterior maxillary dentitions affected by severe erosion: up to 6-year results of a prospective clinical study.Eur J Esthet Dent. 2013 Winter;8(4):506-30.
7. Poyser NJ, RW Porter, Briggs PF, Chana HS, Kelleher MG. The Dahl Concept: past, present and future Br Dent J. 2005; 198 (11): 669-76 .
8. Wiegand A1, Credé A2, Tschammler C3, Attin T2, Tauböck TT2. Enamel wear by antagonistic restorative materials under erosive conditions. Clin Oral Investig. 2017 Dec;21(9):2689-2693

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A propos de l'auteur

Dr. Camille LAULAN

Praticienne liberale, Bordeaux
DU CFAO


Adresse : 30 RUE ROBERT SCHUMANN, APPT D31

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