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Hypnose, es-tu là ?

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La petite souris…

Introduction (source)

En avant-propos je citerais Colette dans «Mes apprentissages : Le tout est de changer». Voilà tout est dit. Mais en dentisterie, j’ai trouvé une citation encore plus appropriée. En effet Pierre DAC déclarait péremptoirement : «Il faut penser au changement avant de changer de pansement». Ainsi parfois, avant de parler d’hypnose, un simple changement de comportement du praticien entraîne un changement du comportement du patient. C’est peut-être une des clés de ce qui nous importe aujourd’hui.

Méthode

Bien sûr, pour changer, si l’on a une méthode et des outils, c’est plus facile ! Illustration à travers la gent canine.

1ère solution : vous prenez un chien, éricksonien de préférence, par exemple un labrador (cette histoire est véridique) dans votre cabinet. Pour chaque patient pusillanime ou difficile, le labrador qui dort sous le bureau est sifflé. Il se laisse, alors, caresser, et lèche la main du patient. L’efficacité est certaine, mais peu conforme aux normes d’hygiène…

2e solution : en s’inspirant de la première, vous prenez un pit-bull, dressé à montrer les dents : effet paralysant garantit. Cela nous rappelle l’hypnose traditionnelle ou la sidération de l’hypnose de théâtre…

3e solution : on peut prendre la sophrologie, mais c’est peut-être une technique un peu longue en cabinet dentaire. Ou alors, il faudrait le chien Droopy « You know what ? » mais celui-là il est unique !
Il nous reste encore une solution traditionnelle, et celle-ci réellement utilisée aussi ; l’assistante top-model. Mais cela ne fonctionne (en principe !) que pour le sexe mâle. Efficacité peu prouvée et de plus les lévitations ou catalepsies ne sont pas toujours contrôlées…

Donc vous l’aurez compris, l’hypnose éricksonienne est un outil de choix en dentisterie (en tous cas le mien). À ce propos, je préfèrerais parler « d’attitude éricksonienne », en général, pour le chirurgien-dentiste envers ses patients et en réservant seulement l’induction hypnotique classique pour certains patients seulement (patients en demande ou adressés pour cela).
Surtout que le patient arrivant chez nous est déjà en transe, son stress étant déjà en soi une transe.
En effet dans notre domaine la « distorsion cognitive » marche très bien, tant chez le patient que parfois chez le praticien, ainsi notre façon de voir les choses, de les interpréter en négatif, génère le stress.
Je rappelle qu’il y a 43 % des patients qui ont peur du dentiste dans les dernière statistiques, enfin 43 % qui l’ont avoué… (cf. Les visiteurs II : l’image du dentiste, associée à la torture, a traversé « les couloirs du temps » dans l’inconscient collectif)

Après cet « échauffement » entrons dans le match :

les joueurs :

portrait du patient

  • fils unique
  • 13 ans, « infernal » pas d’autre mot !
  • suce encore son pouce
  • pleure et crie très fort volontiers, sur le fauteuil

portrait de la mère 

  • très gentille
  • un peu démissionnaire, elle assiste à la séance, mais sur le « banc de touche »

portrait du praticien
bien qu’éricksonien, il lui arrive encore d’être stressé par certain patient, rien qu’à la vue de leur nom sur le carnet de rendez-vous ; (et ne me dites pas que cela ne vous arrive jamais !)

l’enjeu : 4 PM à enlever pour raison orthodontique, dont 2 dans la 1ére séance de traitement.

Donc, ce jour-là, je décide qu’il va en être autrement.
Je sais que notre petit patient joue au football. En présence de la mère, je lui explique qu’il va faire son match et moi le mien. L’induction est faite très rapidement. Il m’arrive encore d’être surpris de la facilité qu’ont les enfants (et les adultes aussi) d’entrer en transe très rapidement. Il semble que ce soit directement lié et inversement proportionnel à la confiance que l’on peut avoir en soi et donc dans sa technique. Au passage il faut avoir une pensée pour nos maîtres les Docteurs M. H. Erickson, J. Godin, J. Quelet, qui ont de plus en plus affiné ces techniques.

Pour en revenir au patient, je ne mets jamais de gants à ce moment-là, un des avantages du chirurgien-dentiste est qu’il peut toucher le bras ou le visage. Cela est utile :

  • pour rassurer le patient
  • pour induire la transe : je pratique ici ce que j’appellerais une « catalepsie d’autorité »

Je place la main gauche du patient en position de catalepsie sur l’accoudoir du fauteuil, lui expliquant qu’ainsi je vois mieux ses doigts s’il doit me signaler quelque chose. Le « signaling » est ainsi placé naturellement et la catalepsie est normalisée.

Après je lui demande simplement s’il veut fermer les yeux pour « mieux voir » son match. À ce moment, la mère est un peu inquiète, avec un air interrogateur ; je lui explique que l’on va travailler « en relaxation ». Elle s’apaise aussi, à l’image renvoyée par son fils.

Pendant l’avulsion, vous réalisez bien que le football me permet de jouer avec des métaphores toutes simples :

  • ainsi notre petit patient peut pratiquer une ouverture
  • afin d’élargir le jeu
  • il ne perd pas sa concentration, ni le contrôle de la balle
  • tu es dans la surface de réparation et tu tires (j’extrais !)

À la mi-temps, je lui demande si le match se passe bien : « Oui ».

Nous rejouons de la même façon, l’autre mi-temps pour lui, l’autre dent pour moi. À la fin de la séance, toujours dans la surface de réparation, je lui dis « tu tires et tu marques ». En fin de partie, après la douche « qui réveille », je lui donne des conseils postopératoires qui sont autant des suggestions posthypnotiques. Par exemple : « Tu vas saigner juste ce qu’il faut pour cicatriser, et cela va s’arrêter ». « Inutile de se rincer, tu cicatrises déjà !» « Une fois réveillé, il est logique de ressentir un peu quelque chose ».

Quand notre petit patient se relève, il est encore « un peu dans la lune » et sa mère est un peu interloquée car il est « étrangement calme ».
Au rendez-vous suivant pas de douleur, pas de saignement. La séance se déroule encore plus facilement pour les 2 autres prémolaires. Il y a cependant une différence, notre jeune patient apparaît plus tranquille, plus sûr de lui. Il a d’ailleurs arrêté la succion du pouce peu de temps après ! Et au moment de se quitter il me dit, fier : « Je vous ai écouté, Docteur ! » Je lui dis que c’est bien, pensant à mes conseils postopératoires. Il ajoute « J’ai marqué un but l’autre jour avec mon équipe, vous savez ? »
J’avoue que je n’avais pas pensé à cette suggestion posthypnotique… Ainsi à aucun moment notre petit patient ne parle des extractions. Il est comme étranger à ce qui s’est passé à la 1ère séance, comme à la 2e séance. Il a effectué de plus un travail sur lui : plus de maîtrise, arrêt de succion du pouce.
Il a atteint son but : 1
J’ai atteint mon but : 0 prémolaire, 0 stress.

Bilan

Match Patient VS – Praticien
Score : 1 – 0
Commentaire : sur ce cas, disons qu’aujourd’hui j’aurais une économie de mots, et surtout pas de présence de parents dans la salle de soins ! Car cela implique de gérer psychologiquement une autre personne, pas forcément sereine dans ce cas…

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A propos de l'auteur

Dr. Bruno DELCOMBEL

Dr en Chirurgie Dentaire, Lyon 1
C.E.S Psychologie Médicale Générale
Praticien qualifié en hypnose clinique et psychothérapie ericksonienne
IMHE de Paris agréé
Fondation Erickson Phoenix USA
Hypnothérapeute certifié (AFNH)
Formateur

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