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Lionel Elbaz : comment un chirurgien-dentiste s’est lancé dans l’IA ?

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 Améliorer la relation praticien-patient en offrant aux professionnels de la dentisterie des outils facilitant le diagnostic et la transmission des informations : telle est l’ambition de Lionel Elbaz, chirurgien-dentiste qui a fondé Allisone, une application qui repose sur l’Intelligence artificielle. Entretien.

Racontez-nous votre parcours et ce qui vous a poussé à créer Allisone  ?

Je suis chirurgien-dentiste. J’ai étudié à l’université de Paris-Diderot, puis j’ai exercé en cabinet, pendant quelques années, avec mon frère à Paris. Ensuite, j’ai développé, avec mes anciens associés, un groupe de cliniques dentaires qui compte aujourd’hui une vingtaine de centres en France. Au fil des années, je me suis aperçu qu’il y avait un souci, à la fois du côté des praticiens et, plus encore, du côté patient : on passe beaucoup de temps à expliquer à nos patients ce que montre une radio. Mais eux ne comprennent pas toujours ou, lorsqu’ils comprennent et qu’ils reviennent deux semaines plus tard, ils ont oublié. Ce qui est d’ailleurs logique : nous avons passé 6 ou 7 ans à étudier pour être à l’aise sur ce genre de radiographies, et on ne peut pas attendre d’un patient qu’il comprenne ce qu’on lui raconte en une dizaine de minutes.

J’ai donc eu l’idée de créer cette application d’intelligence artificielle qui analyse la radio, pour permettre au patient de comprendre instantanément son besoin en santé. Et du coup, d’augmenter l’adhérence à son plan de traitement. Pour le praticien, Allisone  permet d’obtenir, en un instant, une seconde opinion sur un cliché. Après tout, c’est arrivé à tous les dentistes, ou presque, de passer à côté d’une petite carie…

 Comment fonctionne Allisone  ?

C’est ce qu’on appelle un SaaS (pour Software-as-a-Service). Concrètement, c’est un logiciel en ligne. Inutile, donc, d’installer quoi que ce soit. Il suffit simplement d’uploader une radio dans ce logiciel intelligent qui va, en une seconde, rendre visibles tous les éléments de la radio et les retranscrire à l’écran : chaque élément visible (couronne, implant, carie, etc) est détouré et se voit appliquer un code-couleur très simple à comprendre pour les patients.

Allisone fonctionne sur le principe du deep learning (ou apprentissage profond) : le logiciel apprend en continu grâce aux éléments qui sont ajoutés par les utilisateurs et qui sont enregistrés et cryptés. Bien sûr, tout reste anonyme : nous avons accès aux informations sur la radio, mais en aucun cas aux données du patient.

 Comment est composée l’équipe d’Allisone  ?

Aujourd’hui, ce sont majoritairement des développeurs-produit, qui sont donc des ingénieurs, notamment spécialisés en machine learning. A ceux-ci s’ajoute une petite équipe qui répond aux demandes ou aux besoins des utilisateurs. Ils les accompagnent sur les nouvelles fonctionnalités, qui sont proposées très régulièrement. Nous sommes aujourd’hui une dizaine de personnes et l’équipe grandit mois après mois.

 Allisone  est une toute jeune startup, mais elle est pourtant déjà opérationnelle…

En effet, on a lancé le projet il y a un an et on y travaille de manière très intense ! Ce qui nous a beaucoup aidé, c’est le fait de connaître parfaitement le métier et d’avoir beaucoup de contacts… Cela nous a permis de comprendre tout de suite les besoins des utilisateurs. Allisone , c’est finalement un produit créé par des dentistes, en collaboration avec des dentistes, pour des dentistes. Tout est mis au centre pour cibler immédiatement les besoins des praticiens et pour rendre l’application très simple d’utilisation.

 Comment voyez-vous l’avenir de la dentisterie ?

D’une manière générale, la santé, le médical et la dentisterie se digitalisent, et on doit aller dans ce sens. Bien sûr, tous les dentistes ont appris à travailler avec certaines méthodes et ne sont pas toujours à l’aise pour les modifier. Mais de la même manière que l’on a l’habitude de se mettre à jour sur les techniques de traitement, nous devons nous mettre à jour sur les technologies mises à disposition pour travailler au mieux pour le patient. L’IA a vraiment des applications concrètes depuis trois ans et je pense que, d’ici trois à cinq ans, il n’y aura pas un nouveau cabinet qui ne sera pas accompagné d’IA.

 Comment convaincre les dentistes qui ne croient pas forcément en l’intérêt d’intégrer l’IA dans leur pratique ?

Certains ont des doutes et c’est normal : ils pensent parfois que l’IA pourrait changer leur manière de travailler ou d’une certaine manière les remplacer et modifier le relationnel à leur patient. Mais justement, l’IA est là pour intervenir sur les tâches chronophages, redondantes, qui peuvent être aujourd’hui automatisées et qui, in fine, nous retirent du temps avec nos patients : le temps que l’on passe sur l’ordinateur, à rédiger des compte-rendu, c’est du temps en moins avec nos patients. Si un outil rédige pour nous un compte-rendu propre, c’est du temps gagné dans la relation-patient. En fait, cela remet au centre la relation praticien-patient, car cela augmente la perception de clarté et de transparence pour les patients. Et, on le sait, les dentistes n’ont pas toujours bonne réputation en matière de transparence, ce qui est normal puisqu’ils interviennent dans la bouche, là où l’on ne voit pas, où l’on ne comprend pas. Quand la majorité des applications mesurent leur efficacité sur le temps passé sur l’ordinateur, nous, c’est l’inverse ! Moins un utilisateur passe de temps sur son écran, plus il a de temps pour, peut-être, expliquer ce qui se passe à son patient, quel est son plan de traitement, pour quoi il décide d’agir de telle ou telle manière. En automatisant les tâches administratives, un praticien dispose de beaucoup plus de temps pour faire son travail, qui est de soigner, d’être empathique avec le patient, de comprendre, d’adapter un plan de traitement, en raison d’éléments biologiques, mais aussi parfois psychologiques…

 Quels sont les challenges auxquels l’Intelligence artificielle doit faire face aujourd’hui ?

D’une manière générale, bien entendu, l’IA doit parvenir à une plus grande précision. L’idée est d’arriver à un point où l’IA sera suffisamment entraînée pour être tout aussi précise, si ce n’est plus précise, que l’humain. Ce qui n’est pas grave, puisque ce n’est pas une compétition… D’ailleurs, cela peut effrayer, je l’ai déjà constaté, des praticiens qui se demandent si l’IA est plus efficace qu’eux. En réalité, c’est comme travailler pour la première fois avec des loupes. Un dentiste travaille très bien sans, mais il travaille généralement encore mieux avec. Ce sera pareil avec l’Intelligence artificielle. On parle d’ailleurs de dentisterie et de santé augmentée. On augmente les performances du praticien, on ne les remplace pas. L’IA ne remplacera jamais le médecin ou le praticien dentaire. C’est un outil qui vient l’accompagner dans sa pratique.

 L’aspect éthique est important lorsque l’on parle d’IA. Comment répondez-vous aux craintes des praticiens sur cet aspect ?

En effet, c’est un enjeu important. Un praticien peut se dire, par exemple : si l’IA met en avant un élément que je n’avais pas vu, que je traite le patient à partir de cette analyse mais que finalement l’algorithme s’est trompé, que se passe-t-il ? A mon sens, c’est un peu comme pour les voitures autonomes. C’est pourquoi chez Allisone  nous prenons le parti de laisser totalement la main au praticien. C’est lui qui définit les traitements et lui qui reste donc responsable en tant que docteur. D’autant que les éléments visibles à la radio, c’est une chose, mais ce qu’on voit dans la bouche c’en est une autre. C’est la combinaison des deux qui permet d’établir un diagnostic très précis.

 L’UE doit définir un cadre réglementaire au printemps sur l’Intelligence artificielle. Que faut-il en attendre ?

En effet, beaucoup de choses se mettent en place, y compris au niveau national. Le PariSanté Campus et le Health Data Hub notamment doivent permettre de mettre les données à disposition dans un cadre très sécurisé. L’objectif est notamment de permettre à des sociétés technologiques ou biotechnologiques de se développer beaucoup plus rapidement.

 Parallèlement à Allisone , vous avez développé Allisone  Academy. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Nous avons développé un partenariat avec les universités de Bordeaux, de Toulouse et de Lyon pour apporter cette information, cette technologie aux étudiants. Pour qu’ils s’y acclimatent, qu’ils comprennent l’enjeu et qu’ils sachent travailler avec l’IA lorsqu’ils arriveront dans la vie active. On met à leur disposition toutes les informations sur tout ce qui permettrait de digitaliser et, par la même occasion, de mettre un peu de dynamique à la pédagogie. Ils vont enfin pouvoir ranger leurs post-it ! Naturellement, cela plaît beaucoup aux étudiants.

 

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