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Rencontre avec … Edmond Binhas

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Edmond Binhas, votre nom est familier à bon nombre de chirurgiens-dentistes en France et à l’étranger mais afin de mieux vous situer, pouvez vous nous brosser votre parcours ?

On peut dire que mon parcours est assez atypique. Je suis, semble-t-il un des plus jeunes diplômés de chirurgie dentaire en France puisque j’ai achevé mes études à l’âge de 21 ans. Après mes obligations militaires, dès 22 ans, j’ai ouvert mon cabinet à Marseille.

Passionné par la clinique, j’ai enchaîné CES, DU et thèse de 3e cycle. J’ai d’autre part été enseignant à la Faculté de Marseille pendant 8 ans. Puis, j’ai été amené à intervenir en tant que conférencier dans toute la France notamment dans les domaines de l’ergonomie, l’hygiène et l’asepsie.

Au cours des différents échanges avec mes confrères présents, j’ai constaté qu’une majorité de questions portaient sur la gestion du temps, le management des équipes, la communication avec les patients, l’organisation administrative et financière.

C’est pourquoi, je me suis intéressé plus attentivement à ces domaines. En appliquant la technique du « benchmarking », j’ai tout d’abord commencé par une revue exhaustive de tout ce qui existait en la matière à travers le monde. J’ai ainsi pu observer les différents types d’exercice de notre profession à l’étranger. De même, j’ai étudié les modes de fonctionnement des entreprises en général. Ces recherches m’ont mené aux quatre coins du continent, dans les pays scandinaves, en Angleterre, en Italie, en Espagne, aux USA, au Brésil… J’ai ainsi pu tirer la quintessence des meilleures pratiques au monde et les adapter à la culture dentaire française.

Le groupe Edmond Binhas, dédié au consulting et à la formation des chirurgiens-dentistes était né. J’ai pu tester ces pratiques dans mon propre cabinet puis dans celui de quelques confrères. C’est alors qu’il m’a fallu faire des choix. Mener de front mon exercice de chirurgien-dentiste et mon métier de consultant devenait impossible.

Je crois qu’il est grand temps de tourner le dos à la pratique artisanale et d’aborder avec réalisme l’idée que nous sommes des entreprises de santé.

J’ai donc vendu mon cabinet, il y a 10 ans, pour exclusivement proposer mes services de formation et de consulting à nos confrères. Notre travail ne consiste pas à être le « partenaire du chef d’entreprise dentaire ». Cela consiste à l’aider à gouverner son cabinet de façon globale pour une continuité à long terme.

Notre activité se répartit sur quatre niveaux.

  1. Mettre en place une organisation technique du cabinet. Nous formons les équipes dentaires à l’ergonomie, le travail à 4 mains, la stérilisation, la conception architecturale… Ce niveau malgré son importance, ne constitue qu’une première étape.
  2. Le second niveau concerne l’organisation interne du cabinet, dans ses aspects non cliniques (gestion du planning, système d’encaissement, gestion du stock, indicateurs de gestion…). Ainsi, nos analyses s’appuient sur des indicateurs objectifs et non sur des facteurs empiriques qui sont insuffisants pour gérer le cabinet dentaire d’aujourd’hui.
  3. La communication est le 3e niveau de notre métier. L’accueil, la relation avec le patient, la qualité du service, l’environnement physique sont autant de facteurs qui construisent l’image du praticien dans l’esprit du patient. Un deuxième aspect de ce niveau est constitué par le management d’équipe pour lequel nous avons développé un concept très pragmatique adapté à la culture dentaire française.
  4. Enfin, le dernier niveau est l’accompagnement de nos confrères dans tout ce qui relève des choix stratégiques de sa carrière : le recrutement, l’association, l’investissement, le positionnement, voire la cession de cabinet …

Tous ces domaines d’intervention constituent ce que nous appelons l’approche globale de la gouvernance du cabinet dentaire. Dans cette perspective, nous proposons des programmes avec, pour ceux qui le souhaitent, un accompagnement tout au long de la carrière. Dans le passé, j’ai connu certains confrères qui réalisaient leur prothèse ou leur comptabilité eux-mêmes. Aujourd’hui, la plupart des cabinets font appel à des spécialistes pour cela. De même, dans un futur proche, au vu de l’évolution de la profession, je suis convaincu que la plupart des praticiens seront amenés à faire appel à des consultants.

Il y encore peu de temps, plusieurs sociétés spécialisées dans votre domaine co-existaient. Nombre d’entre-elles n’existent plus aujourd’hui, mais vous êtes toujours là. Comment expliquez-vous cette pérennité ?

J’entrevois plusieurs raisons. Tout d’abord, une des clés de la pérennité dans le métier de formateur et de consultant est la très grande exigence professionnelle dont nous devons faire preuve. Le Groupe Edmond Binhas a pour maître-mot la rigueur. Notre métier exige beaucoup de volonté, une grande énergie. Il faut s’entourer d’une équipe compétente et efficace. Pour cela, nous mettons l’accent sur la qualité de notre recrutement et nous formons des consultants de haut niveau. Ce régime que nous nous infligeons, nous en faisons bénéficier les cabinets avec lesquels nous travaillons. Nous mettons en place des process et demandons aux cabinets que nous accompagnons de prendre le temps de les appliquer. Tout développement rapide n’est pas pérenne, il faut temporiser, se doter des bons outils …

La seconde raison est née d’un constat : chaque cabinet dentaire est unique. C’est pourquoi dans notre méthode, il est impossible d’appliquer une recette universelle. Pour cela, nous construisons pierre par pierre, sans effet de manches pourvu que, finalement, l’édifice soit solide.

Une troisième raison est de nous appliquer à nous-mêmes ce que nous demandons aux cabinets.

Comme nous dit le dicton : C’est quand il fait beau que l’on répare le toit.

C’est pourquoi nous faisons sans cesse preuve de créativité. À aucun moment, je n’ai pu penser que nous étions arrivés. Je sais que pour ceux qui pensent cela, c’est le début de la fin.

Même si aujourd’hui, nous œuvrons auprès de nombreux cabinets, nous redoublons d’efforts pour être encore meilleurs, nous sommes en perpétuelle recherche de nouveaux outils en adéquation avec l’évolution de la profession. Le Groupe Edmond Binhas compte aujourd’hui 18 personnes dont 9 consultants qui sont a minima titulaires d’un Bac +5 et que nous formons aux multiples aspects d’un cabinet dentaire.

Enfin, la dernière raison, je l’attribue à ma connaissance parfaite de la culture dentaire. En tant que chirurgien-dentiste, ce dont je parle, je l’ai vécu dans mes fibres, ce n’est pas une construction intellectuelle. Ce regard, croisé avec celui de mes équipes généralistes, nous confère une expertise unique.

Vous êtes un fidèle partenaire du Fil Dentaire depuis sa création et nous profitons de cette occasion pour informer nos lecteurs que récemment, vous avez pris part au capital de la publication, pouvez-vous nous en donner les motivations ?

Tout d’abord, le Fil Dentaire a été la première revue gratuite diffusée à la quasi-totalité de la profession. Son objectif est d’être distribuée dans la majorité des cabinets. Ainsi, des confrères qui jusqu’alors n’étaient pas abonnés à des revues reçoivent désormais régulièrement des informations de qualité dans les aspects cliniques mais également sur l’environnement professionnel du cabinet.

Je suis convaincu que Le Fil Dentaire occupera une place de plus en plus importante dans l’échiquier dentaire et je veux être de la partie.

D’autre part, ce rapprochement se justifie également par une communion de valeurs.

Éthique – Qualité – Approche pratique

Le Fil dentaire est une revue de lecture facile dont la ligne éditoriale clinique et didactique est adaptée à la pratique que nous défendons. Elle conserve les valeurs essentielles de notre métier : le patient avant tout et la qualité du traitement. Enfin, la presse gratuite grand public rime souvent avec mauvaise qualité de contenant et de contenu. En revanche, en dépit de sa grande diffusion, le Fil, quant à lui, s’est toujours attaché à la qualité de son contenu et de son contenant. Pour ce qui est du contenu, c’est là toute sa force et la source de sa pérennité. D’abord, par sa consistance étonnante en articles et non en publicités. Ensuite, par la qualité et l’expertise des auteurs avec lesquels il collabore. En se spécialisant dans les numéros thématiques très aboutis notamment, la revue a su établir une relation solide avec son lectorat.

Je suis convaincu que Le Fil Dentaire occupera une place de plus en plus importante dans l’échiquier dentaire et je veux être de la partie.

Au vu de votre position vis-à-vis du monde dentaire, pouvez-vous nous livrer votre vision du cabinet dentaire de demain ?

Nous vivons une véritable transformation du paysage professionnel. Le passé est révolu et plus tôt la profession acceptera ce constat, plus vite elle pourra donner à nos confrères les moyens d’avoir un exercice serein. Je crois qu’il est grand temps de tourner le dos à la pratique artisanale et d’aborder avec réalisme l’idée que nous sommes des entreprises de santé. Ces propos vont déplaire à bon nombre de confrères. Comme toujours, je ne suis pas là pour uniquement tenir des propos plaisants ou lénifiants mais pour dépeindre la réalité crue telle qu’elle est. Pas forcément comme on aimerait qu’elle soit.

Comment se dessine le paysage dentaire de demain ?

Sans être voyant, je pense que l’on se dirige vers :

  • le développement de centres mutualistes

Contrairement à ce que l’on peut penser, ces centres ne sont pas des réincarnations de nos dispensaires des années 70. Ils ne sont pas exclusivement destinés à accueillir des personnes nécessiteuses. Vous seriez très surpris de voir quelles sont les personnes qui fréquentent ces centres. Il est également important de préciser que leurs normes d’hygiène et d’asepsie atteignent un niveau de vigilance plus élevé que la moyenne de ceux des cabinets libéraux.

  • l’accroissement des réseaux de soins (cf. Axa, Mgen…)

Ils proposent des contrats aux praticiens libéraux évitant ainsi l’avance de frais par les patients. Ce système a l’avantage de vous garantir un chiffre d’affaires mais il devient un inconvénient le jour où le réseau décide de rompre le contrat avec votre cabinet. Il s’agit de sélectionner minutieusement les réseaux avec lesquels il est opportun de collaborer. Néanmoins, il est capital de ne pas baser la majeure part de son chiffre d’affaires sur ces contrats.

  • l’évolution du modus operandi des dentistes libéraux

Ils seront à diviser en deux catégories. D’une part, ceux qui n’ont pas compris les enjeux actuels de la profession. Il s’agit de confrères qui regorgent de patients, qui effectuent de nombreuses heures avec une productivité qui baisse de jour en jour engendrant son cortège de frustrations et de démotivation. C’est mal – heureusement le burn out qui les guette. Travailler plus vite et plus dur n’est plus adapté aujourd’hui, il faut travailler mieux. D’autre part, ceux qui ont compris ces enjeux et qui acceptent d’utiliser les outils de travail adaptés à notre époque comme le management, la gestion, les techniques de communication … tout en gardant une vision globale du cabinet dans son environnement. C’est notre but de consultant de les aider à y parvenir. Beaucoup se méprennent sur ce que signifie « gérer une entreprise ». Il s’agit d’avoir une réflexion stratégique au service à la fois de ses objectifs personnels et de la santé publique. Ensuite, cela consiste à employer les outils nécessaires en fonction des options qui auront été prises. Des outils sérieux et non uni – quement un vernis organisationnel.

En dehors de ces trois catégories, on voit apparaître depuis peu deux autres types de pratique dentaire : des cabinets dédiés aux patients bénéficiaires de la CMU (cela existe déjà) et des cabinets faisant partie d’une véritable chaîne privée de cabinets. Ce dernier phéno – mène n’est pas encore arrivé en France mais dans certains pays européens, on recense déjà de telles chaînes privées comptant jusqu’à 800 cabinets.

En conclusion, contrairement à la morosité ambiante qui tend à nous suggérer que les évolutions sont plus délicates dans la période économique que nous traver – sons, j’ai la preuve que les possibilités de se dévelop – per et de s’épanouir sont très importantes. Il faut savoir saisir les opportunités d’un exercice épanoui, éthique et valorisant et arrêter de se lamenter en regardant la vie dans le rétroviseur.

 

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