Dr Philippe Pirnay : Outre les prothèses dentaires que vous réalisez depuis 35 ans pour vos patients, vous avez fabriqué des maquettes de charpentes de navires du XVIIIe qui ont été présentées lors d’expositions au musée de la Marine de Paris et au Pavillon de l’Arsenal dans le Marais. D’où vient cette passion pour le bois ?
Dr Jean-Claude Lagache : Je l’ai toujours connue et soupçonne donc une cause génétique ! Ceci étant, en marqueterie, il est souvent nécessaire de travailler d’autres matériaux. Notamment la « marqueterie Boulle » comporte du cuivre, de l’étain ou de l’écaille (ou de la corne pour raison « écologique »). À vrai dire, tous les métiers d’art me passionnent, j’ai abordé également la sculpture (bois, terre cuite) !
Dr Ph P. : Votre formation de marqueteur s’est faite en l’illustre école Boulle à Paris. Vous avez acquis l’art d’ornement et du plaquage du bois présenté comme « un métier complexe du fait de son extrême diversité. La maîtrise de la marqueterie requiert un long apprentissage manuel associé à une formation artistique de haut niveau ; elle est essentiellement destinée à des ébénistes confirmés. » Comment choisissez- vous vos créations et à qui sont destinées ces miniatures (2 à 20 cm) de jeux ou meubles anciens ?
Dr J.-C. L. : Je m’efforce de choisir comme modèles des objets ou meubles ayant un caractère exceptionnel, réalisations miniaturisées, comme faisaient et font encore je crois les Compagnons en fin d’étude. J’arpente pour cela de nombreux musées ou expositions, où je trouve mes modèles.
Mes travaux n’ont pas de destinataires à priori : je n’ai pas d’optique commerciale au moment de ce choix. Travailler pour le plaisir prend toute sa signification ! À part les restaurations que l’on me confie, je n’ai pas encore réussi à développer cette approche par manque de structures adéquates : les peintres et les sculpteurs ont les galeries d’art pour faire connaître et vendre leurs œuvres. Quant aux antiquaires, ils ne s’intéressent pas aux fabrications récentes. Ce que je fabrique est très atypique, et intéresse certainement « quelqu’un » « quelque part », mais je ne l’ai pas encore rencontré !
Dr Ph. P. : Votre formation dentaire vous a-t-elle aidé (travail manuel, instrument, rigueur…) pour la marqueterie ?
Dr J.-C. L. : Concernant la dextérité et la rigueur, sans aucun doute. Concernant le matériel, pas vraiment : nos instruments ont une vitesse de rotation inadaptée pour le bois. Par contre, les techniques de coulée utilisées pour nos prothèses me servent pour la fabrication des bronzes de mes meubles. Je sculpte le modèle original en bois et le duplicata est coulé par le procédé de la cire perdue.
Dr Ph. P. : Quelle est la création dont vous êtes le plus fier ?
Dr J.-C. L. : Peut-être mes miniatures, copies de jeux anciens, notamment jeux d’échec dont le plus petit (2 cm x 2 cm) comporte des pièces de 1 à 2 mm (en ébène et ivoire, ou or blanc et cuivre).
Dr Ph. P. : Quel est votre plus agréable souvenir dans votre exercice de praticien ?
Dr J.-C. L. : Il ne me revient pas d’évènement marquant. Je suis, peut-être, une vocation contrariée car j’aurais toujours souhaité exercer un métier d’art et les faits en ont décidé autrement. Mon métier (l’art dentaire !) me permet pourtant d’exercer ma dextérité, mais je le ressens assez stressant du fait du rapport à la douleur, en contradiction avec le rapport au plaisir, pour soi et celui qui reçoit, concernant les métiers d’art. Est-ce grave Docteur ?
Dr Ph. P. : Avez-vous une expérience que vous aimeriez partager avec nos confrères ?
Dr J.-C. L. : Je souhaiterais prendre contact avec des confrères ayant abordé les métiers d’art pour rechercher d’éventuelles complémentarités, et en savoir un peu plus sur les démarches entreprises pour se faire connaître.