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Rencontre avec Patrick Hescot

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Président de l’Union Française pour la Santé Bucco Dentaire, Secrétaire général de l’ADF avec Claude Bouchet, expert auprès de l’Organisation Mondiale de la Santé, représentant de la France auprès de la Fédération Dentaire Internationale, depuis de nombreuses années, Patrick Hescot préside aux destinées de la santé bucco-dentaire en France.

Cet acteur incontournable de notre profession est paradoxalement assez peu médiatisé. Profitant de ce numéro spécial ADF, nous lui avons demandé de dresser un état des lieux de la profession.

M. Hescot, vous êtes le président de l’UFSBD, le secrétaire de l’ADF, vous êtes membre de différentes associations dentaires et vous exercez en cabinet, quel est le moteur de tant d’énergie ?

J’ai toujours voulu être un acteur de ma vie, à l’endroit où je me trouve. Je me suis toujours investi dans la vie associative. J’ai le goût de créer et de manager. Je travaille toujours avec des équipes, je n’aime pas travailler seul, j’aime déceler le meilleur de chacun et lui permettre de développer tout son potentiel.

Indépendamment de cela, je m’intéresse au bien public, j’aime organiser pour la profession afin que celle-ci soit reconnue comme une profession médicale à part entière.

Je pense qu’on est sur terre pour être acteur et non passif. On doit apporter sa pierre et c’est pour cela que je suis là.

Etant un observateur très averti du monde dentaire, nous voudrions connaître votre regard objectif sur l’état actuel de la profession.

C’est très contrasté. Il y a plusieurs aspects, celui du cabinet dentaire, du chirurgien-dentiste, de la santé publique et enfin celui des gouvernements et de la population.

En 20 ans en France, la santé a fait des progrès colossaux. Aujourd’hui nous sommes devant l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie… on est de loin les plus performants en terme de santé publique tout âge confondu.

Ce n’est certainement pas suffisant, mais pour des gens comme moi, qui nous occupons de santé publique depuis 20 ans c’est fantastique. Soyons honnête, ce n’est pas uniquement grâce aux chirurgiens-dentistes, mais aussi directement grâce à la Sécurité Sociale !

Globalement, la qualité de notre santé est bonne, tel que nous le savons bien à l’O.M.S.. Par contre, l’écart entre les gens en bonne santé et en mauvaise santé s’est creusé. Vous avez environ 35% de la population en excellente santé dentaire qui consulte son chirurgien-dentiste une fois par an et va rester en bonne santé toute sa vie. 40% des français sont relativement en bonne santé par rapport aux autres pays, mais pas comme nous le considérons.

Après, malheureusement, il y a 25% des français en très mauvaise santé dentaire, mais aussi psychologique, physique, mentale, voir financière…

Marc Gentilini, qui est Président de la Croix Rouge, m’a appris que « la santé dentaire est le meilleur indicateur social qui existe ». Dans ce pays, il y a malheureusement de plus en plus d’exclus, dans une situation de plus en plus précaire.

Pour les chirurgiens-dentistes, il y a plusieurs perceptions de la profession:

Les femmes sont globalement satisfaites de leur métier qui leur permet de concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle en travaillant en moyenne 30 à 35 heures par semaine.

Pour les hommes, c’est différent. Une part importante de praticiens ressent de plus en plus péniblement la réglementation. Ils ont décidé de faire ce métier pour l’aspect libéral synonyme de liberté. Liberté d’installation, d’entreprise, d’exercice, liberté d’horaires, … Il faut bien avouer qu’en 25 ans, notre liberté est allée en diminution constante.

Et puis il y a les jeunes, optimistes sur la profession, qui n’ont pas la même vision de temps de travail que les autres. A l’heure actuelle, un temps moyen de cabinet dentaire, c’est 50 heures et pour les jeunes plutôt 35 heures.

On constate également un éclatement de la profession. Quand je me suis installé, il y a maintenant plus de 25 ans, on était presque tous semblables. Les revenus et le type d’exercice variaient de 1 à 3. Aujourd’hui, cela varie de 1 à 10. Il y a un véritable écart qui s’est creusé et je ne pense pas que cela soit bon. Par exemple, je ne comprends pas qu’un cabinet puisse travailler sans assistante dentaire. Malheureusement vous avez au moins 10 000 cabinets dans ce cas. Je ne condamne pas le confrère qui n’a pas d’assistante. Il faut trouver le moyen de lui faire prendre conscience que grâce à elle, il aura une meilleure qualité de vie, d’exercice professionnel et qu’en plus il augmentera ses revenus. Vous avez aujourd’hui des chirurgiens-dentistes qui croulent sous le travail et ont beaucoup de mal à produire des soins de qualité.

Or, mieux organisés, ils soigneraient autant de patients avec un meilleur résultat.

Un autre aspect, c’est le grand public. Avec la SOFRES, on a initié une enquête qualitative et quantitative sur les attentes et les besoins des français par rapport aux chirurgiens dentistes.

On constate que depuis une dizaine d’années, le chiffre de 60 à 65% de gens qui consultent leur chirurgien-dentiste chaque année n’a pas évolué.

L’aspect cosmétique de notre profession, qui n’est pas globalement bien perçu par la population, nous pénalise et nous marginalise du monde médical.

Il y a également un problème très mal vécu par le patient. Nous sommes la seule profession médicale qui parle d’argent, je pense qu’il faut que nous soyons attentifs à cela.

Enfin, le dernier aspect concerné, ce sont les financeurs. Ceux qui nous gouvernent et nous financent ne nous ont pas réellement classés comme spécialité médicale. Le fait qu’on soit une sorte de secteur 2 est parfois un inconvénient. On a une position hybride qui n’est pas toujours bien perçue.

Comment la profession est-elle perçue par ceux qui nous gouvernent ?

Le public a pris conscience de l’importance de la santé en générale qui va donc prendre de plus en plus de place au Parlement.

La santé dentaire doit être considérée comme une santé à part entière.

La profession doit se mobiliser à tous les niveaux : syndicats, Conseil de l’Ordre, UFSBD, ADF… pour faire prendre conscience à nos élus que la santé dentaire, c’est important. On a environ 70 députés issus du monde médical dont seulement 4 ou 5 chirurgiens dentistes qui ne pensent pas suffisamment au dentaire.

Le second problème, c’est qu’aujourd’hui on nous impose de plus en plus de réglementation, de contraintes. La population française est une population d’assistés de la naissance au décès. La santé devrait être un problème de responsabilité individuelle. Donc, il y a une inadaptation de la santé avec la mentalité collective de ce pays basée sur l’assistanat. Il y a aussi le problème financier que n’importe quel financeur veut limiter. D’une part, la Caisse d’Assurance Maladie voit d’un très mauvais oeil que nous soyons reconnus en tant que praticien de santé et que nous ayons notre secteur libre et d’autre part l’Assurance Complémentaire, qui a un raisonnement économique et non de santé.

Pour ceux-ci, le remboursement des soins dentaires est un moyen « d’attirer » le client mais malheureusement ne le fidélise pas. C’est pour ça que nous avons inventé le contrat de santé dentaire dans le cadre de l’U. F.S.B.D. Nous devons passer d’une logique de soins à une logique de santé.

Quand vous faites la prévention du sida, vous utilisez un préservatif de qualité ou détérioré ?

Votre vision justement de l’avenir du métier ?

J’imagine l’avenir de la façon suivante : trois scénarios sont envisageables.

  • Première hypothèse :

La Caisse d’Assurance Maladie arrêtera de prendre en charge les soins dentaires pour les adultes. C’est ma responsabilité européenne qui me fait dire cela. Avec notre système de Sécurité Sociale, nous sommes une exception en Europe. Reste à savoir si on doit se battre pour la garder. Il n’est pas raisonnable d’imaginer que la Caisse d’Assurance Maladie investira des sommes considérables pour la santé bucco-dentaire. Il me semble important de donner la chance à tout le monde d’être en bonne santé buccodentaire. Si on arrive à 16 ans en bonne santé bucco-dentaire et si on est responsabilisé, on a de meilleures chances d’être en meilleure santé ultérieurement. Il faudrait mettre l’accent sur la prévention et prendre en charge comme dans tous les pays d’Europe les soins préventifs et curatifs de tous les enfants jusqu’à 16 ans. Pour les 25 % de la population, évoqués précédemment, qui sont les personnes à risque physique, moral ou financier, il s’agit d’envisager la réhabilitation la plus complète possible. Une CMU améliorée. Tout l’argent qui circule sur le dentaire pourrait permettre cela. Et avec l’assurance complémentaire on prendrait en charge en négociation un certain nombre d’actes à leur juste valeur pour les autres populations.

  • Deuxième hypothèse :

On peut aussi imaginer que le dentaire sera complètement libre, sorti du giron de la Sécurité Sociale. Ce n’est pas une solution que personnellement j’approuverais.

  • Troisième hypothèse :

Enfin la pire des choses, serait que tous les actes deviennent opposables ce qui peut être un risque avec la C.C.A.M. prochainement mise en place.

Moi ce qui m’intéresse, c’est la qualité dans toute chose. Quand je fais des projets de prévention et que je négocie avec les financeurs, je leur dis : « C’est très simple, quand vous faites la prévention du sida, vous utilisez un préservatif de qualité ou détérioré ? La discussion s’arrête immédiatement. Pourquoi faire les choses à moitié ? Aujourd’hui, on est en situation bâtarde, rien n’est fait correctement. Il faudra que le politique ait le courage un jour de décider. C’est à nous, citoyens, à nous, chirurgiens-dentistes de leur faire prendre conscience qu’il faut prendre une position basée sur la qualité. Et je crois que là-dessus, on peut y arriver.

Selon notre éducation judéo-chrétienne, l’argent est sale, la notion d’entreprise est sale…

La formation initiale, la formation continue, les congrès, l’industrie, la recherche tire la profession vers le haut en imposant un niveau d’exigence et de compétence professionnelle très élevée. La nomenclature, les honoraires bloqués, le rythme de travail rend difficile ce challenge. Comment le praticien peut-il travailler sereinement en faisant perpétuellement le grand écart entre ces objectifs et la réalité de son quotidien ?

C’est un gros problème qui n’est pas lié qu’au dentaire. Dans la formation continue, c’est vrai qu’on prône l’excellence, mais ce n’est pas pour autant qu’elle soit atteignable. Notre rôle est de tirer la profession vers le haut. C’est vrai que les conditions de travail sont difficiles. Encore une fois si on veut se donner les moyens on y arrive. Comment pouvez-vous expliquer qu’un certain nombre de confrères y parviennent ? Beaucoup sont noyés dans leur quotidien et n’ont pas pris conscience du rôle de chef d’entreprise qu’ils doivent tenir, au sens noble du terme.

Selon notre éducation judéo-chrétienne, l’argent est sale, la notion d’entreprise est sale… moi je parle souvent d’entreprise de santé et certaines personnes m’attaquent. Une entreprise, cela signifie que c’est professionnel, on ne peut pas gérer un cabinet dentaire comme un amateur. Sachant que notre objectif est de rendre le bien-être physique et moral à la population qui nous est confiée. Il est très important aujourd’hui d’expliquer nos méthodes de travail à nos confrères, pas seulement nos méthodes de soins, mais les méthodes d’organisation du travail parce que nous ne sommes absolument pas formés à cela. La formation initiale nous éduque surtout à l’acte clinique. Or, on s’aperçoit que tout praticien est capable de prodiguer un acte clinique par contre, il a une carence organisationnelle. Les enseignants eux-mêmes, ne connaissent pas la gestion de l’entreprise. Ce n’est pas une critique. Ils sont excellents en clinique mais l’organisation et la gestion est un vrai métier.*

Fort de ce constat, nous allons avec l’AFAQ lancer la première certification qualité de service. Nous travaillons avec le Conseil de l’Ordre car il est très important que tout soit fait dans le cadre déontologique et éthique. Il faut être vigilant car la ligne jaune est très vite franchie. La gestion de cabinet dentaire doit avoir pour finalité la santé et le bienêtre moral et physique du patient, et finalement si vous êtes bien organisé, vous gagnerez bien votre vie.

Nous avons un monopole d’exercice, avec des droits, des avantages et des devoirs … il ne faut pas oublier que le chirurgien-dentiste heureux rendra les patients heureux, mais la finalité, c’est que les patients soient heureux. Moi dans mon cabinet dentaire je m’amuse et j’applique le contrat de santé dentaire depuis longtemps, j’applique les techniques de management et de service. Notre challenge est un superbe challenge. Nous devons intégrer l’éthique, la dimension médicale et la dimension entrepreneuriale. Je prétends que c’est tout à fait possible.

Etant le représentant de la Fédération Dentaire Internationale, il vous est possible de comparer les modes d’exercice des chirurgiens dentistes en France et dans d’autres pays. Quels sont les points forts et les faiblesses du système français ?

C’est notre Sécurité Sociale qui constitue à la fois notre point fort et notre faiblesse. Les Anglais ont inventé les vraies entreprises. Tant de chirurgiens-dentistes salariés, tant de chirurgiens-dentistes associés, tant d’aide médicale, ils ont leurs horaires pour soigner et leurs heures de rentabilité pour faire ce qu’ils veulent. C’est « l’hypocrisie » de nos amis anglais. On peut dire qu’ils sont mieux ou moins bien que nous, tout dépend comment on se situe. Un praticien qui veut avoir la totale liberté d’exprimer son art et faire ce qu’il veut, au Canada, aux EU ou dans d’autres pays, peut le faire sans contrainte. Il n’y a pas d’aide sociale. Les Allemands avaient une position encore meilleure que la nôtre mais cela a évolué. Les pays nordiques ont une position désavantagée. Là-bas, le chirurgien dentiste est celui qui est le plus bas dans l’échelle de la profession médicale. On parle de la Suisse. Vous savez combien coûte un soin dentaire en Suisse ? 5 à 10 fois plus qu’en France et ils n’ont pas d’assurance sociale. Nous, on a une position médiane qui est très bonne. Encore une fois, ce qui rend impossible les comparaisons, c’est l’exception de notre système.

Je comprends les confrères qui, à l’instar d’autres pays, souhaiteraient travailler avec des hygiénistes. Ces praticiens considèrent que l’acte le plus noble, c’est l’acte chirurgical. Je suis désolé de vous dire que pour moi, l’acte le plus noble c’est l’acte intellectuel, de responsabilisation et de prévention pour son patient. Une chirurgie ne fait que réparer les dégâts tandis que l’éducation et la responsabilisation les évitent. Ce qui est complètement différent en terme d’économie de soin, de tissus, de coût… C’est une révolution d’esprit et il va nous falloir 25 ans pour faire prendre conscience de tout cela.

Vous répondez en terme de politique de santé globale mais en terme de liberté de soin, pourquoi ignorer ce souhait exprimé par une grande partie de la profession qui encore une fois renforce l’exception française ?

Je suis un des responsables de la profession c’est à dire de 28000 cabinets. Si, en étant généreux, 500 cabinets veulent les services d’un hygiéniste, qu’adviendra t-il des 27500 autres ?

Quand l’Etat créera le corps d’hygiénistes, elles feront les actes de prévention actuellement accomplis par les chirurgiens dentistes et ces soins seront sousévalués, leur prix se verra diminué… exactement comme le médecin et l’infirmière avec l’injection.

Croyez-vous qu’il sera possible d’envisager un détartrage de seconde zone par une hygiéniste et de première zone par un chirurgien- dentiste ?

Dans les autres pays, c’est complètement différent, ils n’ont pas de Sécurité Sociale et donc pas d’actes nomenclaturés et ils sont en liberté de tarification du détartrage.

N’ayons pas un raisonnement individualiste, corporatif, de défense des intérêts de « mon cabinet », raisonnons au nom de la santé globale et des 28000 cabinets dentaires.

Certains s’imaginent que comme l’Etat ne mettra jamais d’argent sur la prévention, il vaut mieux la laisser faire par d’autres et bénéficier d’une augmentation des honoraires sur d’autres actes. Rendez-vous compte du pari !

C’est « je te donne et tu me donnes ». Mais avec l’Etat cela ne fonctionne jamais ainsi. Le jour où sera crée ce corps avec des soins sous-cotés, l’Etat acceptera- t-il une augmentation en contrepartie et même si cela était possible, cela repoussera de dix ans la prochaine. Il ne faut pas se leurrer.

Revenons à ce que j’ai dit tout à l’heure. Combien de cabinets dentaires fonctionnent sans assistante ? A fortiori, ceux-là auront-ils des hygiénistes? Ce qui m’intéresse, c’est 66 millions de français, 28000 cabinets dentaires et pas seulement 3 millions de français et 500 praticiens privilégiés.

Je ne suis pas opposé à la santé élitiste, à condition que cela ne lèse pas les cabinets dentaires.

Tout ce que je peux vous dire en conclusion au niveau de l’Europe, c’est que dans aucun pays, on a créé un corps d’hygiénistes pour des raisons de santé publique. Que vous alliez au Canada, en Angleterre, dans les pays nordiques, en Allemagne ou en Italie récemment, chaque fois, les gouvernements l’ont crée contre la volonté de la profession, pour diminuer les coûts.

Vous êtes le seul expert français de la santé dentaire mandaté en nom propre auprès de l’OMS, votre mandat a été renouvelé récemment, quel est votre rôle dans l’Organisation ?

C’est avant tout une richesse d’échange. Je donne toujours l’exemple d’une de mes premières missions OMS. Cela nous apprend la tolérance et la modestie. J’ai été missionné pour aller au Liban, au nom de l’OMS, pour faire un diagnostic du pays et des préconisations pour le gouvernement. C’est génial.

C’est un travail colossal mais quand vous avez fini, vous rentrez chez vous et vous ne savez pas ce qui va se passer après. Vous faites des conclusions avec des priorités et ils vont choisir ce qu’ils veulent, n’en choisir aucune ou en choisir une pour des raisons complètement opposées à la santé publique. Mais, c’est enrichissant. Parce que vous avez l’impression de servir à quelque chose. La vie, c’est fait pour servir et non pour se servir. Ce qui est intéressant, ce sont les différences de cultures, de vision qui nous ramènent toujours à l’être humain, à sa nature et à sa place sur terre. C’est de cet échange que la société grandit.

Par ailleurs, l’UFSBD est centre collaborateur OMS pour lequel je suis directeur. Il y a un mandat précis de 4 ans. L’UFSBD est chargé au niveau mondial, d’amener des avancées sur plusieurs domaines.

L’ADF se définit comme une force de fédération. N’est-il pas difficile de fédérer autant d’associations lesquelles, par définition, ont choisi d’exister parce qu’elles avaient un message différent, une autre vision de la profession que celle des associations déjà existantes ?

En tant que président de l’UFSBD, je comprends qu’un président d’association n’ait pas envie que l’ADF le dirige. Mais l’ADF ne commande pas les associations et n’est pas au-dessus d’elles… L’ADF est un lieu de convergence, de discussion où l’on débat de façon prospective de l’avenir de toute la profession. Toutes les grandes décisions de la profession sont passées par l’ADF. Et le débat que nous avons eu les 1er et 2 octobre sur l’avenir de la profession sera le point de départ des grandes réformes des 10 prochaines années. C’est ce lieu d’échange et de réflexion qui permet ensuite de bâtir les propositions. On a confié à l’ADF deux dossiers principaux où elle représente toute la profession. Le premier, c’est la démarche qualité. A ce titre, nous avons signé une convention avec l’ANAES. Le second est le dossier de la formation continue qui va être officialisé bientôt par décret où nous représentons toutes les sociétés scientifiques.

Depuis 1999, l’ADF a collaboré avec le COMIDENT, quelles étaient les raisons de ce choix ? C’est une décision qui a émané des exposants qui considéraient que d’un point de vue économique, il était ridicule d’assurer deux expositions par an. Quand il y a quelque chose qui marche très bien pourquoi vouloir faire quelque chose d’autre ? A part une volonté néfaste ?

Les exposants ont dit au Comident : « Arrêtons les frais ! ». Et cela a permis à 2 mondes qui ne se connaissaient pas de se rencontrer.

On s’est assis autour d’une table et on a abouti à un accord qui respecte les uns et les autres. Ainsi, le comité des expositions de l’ADF s’est enrichi du Comident et il est désormais composé de 5 membres de l’ADF et 5 membres du Comident , d’un président de l’ADF et d’un vice président du Comident, en totale parité. On a montré que des adultes étaient capables de s’entendre. A partir du moment où on n’a pas de vision de pouvoir et d’argent mais seulement des visions prospectives du bien, on arrive à s’entendre.

De la même manière, comment l’ADF appréhende t-elle la création d’autre congrès comme Euro Expo Dental par exemple ?

Quand les organisateurs sont venus nous voir, ils nous on dit vous savez il y a de la place pour 2, il y a pleins de choses que vous ne savez pas faire et que nous savons faire. Je leur ai dit : « Allez-y, que le meilleur gagne ! ». J’aime bien la concurrence.

Le Comident lui, nous a clairement dit qu’il n’avait pas les moyens financiers pour 2 expositions. Dans la situation économique actuelle, il est vrai que deux expositions nationales sont difficilement concevables.

Quelles sont les perspectives de l’UFSBD ?

Elles sont énormes parce qu’à toute la problématique que j’ai relevée, l’UFSBD peut apporter des solutions avec les autres organisations professionnelles. L’UFSBD a créé un département de santé publique qui est en train de positionner la santé dentaire au cœur de la médecine. A l’issue d’un colloque sur les personnes âgées, l’UFSBD est en train d’initier la mise en place d’un camion qui va visiter tous les instituts de personnes âgées sur Paris, avec des chirurgiens dentistes. Nous allons, si besoin est, former le personnel à la problématique des personnes âgées pour que toute l’année, ils surveillent leur état bucco-dentaire, qu’ils entretiennent leurs prothèses. Je peux vous dire que les gens sont stupéfaits de ce qu’on va faire, on va soigner les gens sur place, créer un réseau de chirurgiens-dentistes…. Donc, nous allons montrer que nous sommes au cœur de la vie des gens à tout âge. Il ne s’agit pas seulement de prévention, qui est le premier cheval de bataille de l’UFSBD, mais d’intégrer complètement la santé dentaire dans le quotidien des français.

Ensuite, c’est prendre en compte la problématique médicale. L’année prochaine, l’UFSBD va mener deux grandes actions, l’une sur les cancers buccaux, l’autre sur le tabac.

Le chirurgien-dentiste a un rôle à jouer en temps que tabacologue. Les méfaits du tabac, tant au niveau de la santé en général qu’au niveau esthétique et parodontal confèrent au chirurgien dentiste un rôle primordial, y compris de prescripteur. L’UFSBD va donc créer un secteur dans ce domaine l’an prochain.

En ce qui concerne les cancers buccaux, la France est le second pays d’Europe pour cette pathologie. Un des enjeux actuels de l’UFSBD, est donc véritablement de répondre à cette problématique en bâtissant dès l’an prochain, des programmes de formations et de sensibilisation au dépistage de ces cancers.

Le second volet est la qualité du service rendu possible par la certification qualité AFAQ. C’est le contrat de santé dentaire que nous allons mettre en place pour faire prendre conscience au chirurgien dentiste que son rôle ne se limite pas à soigner. Nous avons bâti ce contrat en 7 points. Sur cette base, on va initier les formations de management portant sur l’ensemble de la problématique qui vous concerne vous en tant que patient à l’exception de la clinique. Votre environnement: comment je vais gérer votre douleur, comment je vais la traiter, comment je vais gérer votre stress, comment je vais vous parler d’argent, comment je vais vous éduquer, comment je vais vous écouter, comment je vais vous maintenir en bonne santé. Et indépendamment de cela, le management du cabinet dentaire. Nous sommes actuellement en pourparler pour lancer en partenariat avec une école de commerce de renom, un master de management. De même, avec une université de psychologie, nous entendons développer la psychologie adaptée à la dentisterie.

Et le troisième aspect de l’UFSBD, c’est la promotion du chirurgien-dentiste. La promotion de la santé. Il faut absolument qu’on fasse prendre conscience aux pouvoirs publics de l’importance d’être en bonne santé dentaire. Dans toutes les campagnes de promotion que nous menons, il y a les produits pour lesquels nous sommes souvent critiqués. On nous dit « vendus aux marques »… c’est complètement faux on a une charte de partenariat qui fait qu’en aucun cas, on fait la promotion d’un produit. On ne donne notre logo à un produit que s’il est qualitatif et validé par nos scientifiques. Croyez-moi, le nombre de produits qu’on refuse est plus important que celui qu’on agrée. La qualité des produits d’hygiène bucco dentaire en France aujourd’hui a considérablement évolué depuis 10 ans en partie grâce à nous. La brosse à dents la plus vendue en France autrefois était une brosse à dents que vous n’oseriez pas utiliser aujourd’hui. Les plus vendues aujourd’hui sont d’une qualité nettement plus élevée qu’il y a 5 ans. L’UFSBD a participé à cette amélioration. De la même façon pour le chewing-gum sans sucre. La France est le premier consommateur en Europe de chewing-gum sans sucre et j’en suis très fier. Aujourd’hui il se vend plus de chewing-gum sans sucre que de chewinggum sucré. Cela a amélioré la santé bucco-dentaire qu’on le veuille ou non. L’avenir de l’UFSBD est dans ces trois volets: médicalisation, organisation professionnelle et promotion.

Pour finir, pouvez-vous nous livrer vos projets personnels, professionnels, ceux de l’ADF ?

Baisser mon handicap au golf (rires) ! Continuer à conserver l’équilibre entre ma vie privée, familiale, avec mes enfants, ma femme, ce qui est le plus important, et ma vie professionnelle. Je le dis simplement, je suis heureux. Et donc, c’est de continuer à être heureux. Au niveau de l’ADF, c’est continuer avec l’équipe, avec Claude Bouchet, avec Meyer Fitoussi et avec tous les autres parce que j’insiste beaucoup sur l’équipe. Faire grandir l’ADF, c’est à dire faire en sorte que nos actions soient encore meilleures. Que notre congrès, que notre démarche qualité et que notre formation continue s’améliorent. Si on pouvait faire qu’à l’ADF les gens s’écoutent encore mieux, acceptent davantage leur différence, soient plus tolérants. Ça serait un grand pas.

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A propos de l'auteur

Dr. Norbert COHEN

Rédacteur en chef du magazine LEFILDENTAIRE
Implantologie dentaire
Stomatologue
Docteur en médecine
Diplomé de l'institut de stomatologie et de chirurgie maxillofacial de Paris
Diplômé d'implantologie dentaire
Post graduate de parodontologie et d'implantologie de l'université de New-York
Diplomé de chirurgie pré et peri implantaire
Ex attaché des hopitaux de Paris
Diplômé d'expertise en médecine bucco-dentaire

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