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Entretien avec le Dr Ely Mandel

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Vous insistez souvent dans vos publications et aussi auprès de vos étudiants sur le fait que la « parodontite apicale » soit un terme antinomique. Pourquoi autant de conviction autour d’une terminologie ?

On a beaucoup parlé de techniques et je suis content que vous me posiez cette question, elle me permet simplement d’aborder l’aspect biologique de l’endodontie. Axé sur les critères du succès/échec des traitements endodontiques, le terme « parodontite apicale » a été utilisé dans maintes publications statistiques menées dans les pays nordiques. Effectivement, on y a observé la présence ou l’absence de lésion au niveau apical, d’où naît l’appellation la « parodontite apicale ».

Mais, nous savons maintenant avec une certitude indéfectible que l’unique cause de toutes les atteintes pulpaires et péri-apicales trouve son origine dans les germes: bactéries (et leurs dérivés), champignons et virus.

Par ailleurs, lorsque l’on se penche sur les diverses études anatomiques menées à l’aide des différents maté- riaux et méthodes, on ne peut qu’être stupéfait de deux données essentielles : d’une part, la complexité et la variabilité de l’anatomie endodontique et, d’autre part, la très grande richesse de ramifications et communication que le canal radiculaire peut épouser dans l’espace avec le ligament parodontal. Quand bien même le foramen apical en est la voie principale, il n’est pas la seule et unique voie de communication avec les tissus parodontaux. Les canaux latéraux qui se trouvent le long de la racine peuvent à leur tour polluer les tissus périradiculaires et être à l’origine des lésions latérales. Et dans ce cas, comment allons-nous les appeler puisque leur situation géographique n’est plus à l’apex ? Ces « lésions latérales » ont-elles une nature histologique et une origine différentes de celles situées à l’apex ? Devons-nous les appeler la « parodontite latérale » ? Et puis, j’ai trouvé que le terme « parodontite » employé en endodontie était une source de confusion avec la même terminologie utilisée en parodontologie auprès des étudiants, confusion que l’on trouve d’ailleurs dans leur copie d’examen et aussi chez le praticien peu averti.

Voilà pourquoi pour moi l’appellation la « parodontite apicale » est impropre. Proposé par Schilder, je pense qu’il est bon de dire simplement « lésion d’origine endodontique » ou LOE. Par ailleurs, puisqu’elles sont toujours d’origine inflammatoire, il n’est point nécessaire de mentionner le terme « inflammatoire ».

Pensez-vous que l’essor considérable qu’a connu l’implantologie est de nature à réduire la part de l’endodontie ?

C’est une excellente question. Le fait est que durant les cinq dernières années, nous assistons à une multitude de publications concernant la fameuse interrogation « retraiter ou implanter ? ». J’aurais préféré, pour ma part, que la question dans les différents débats soit plutôt posée d’une autre manière, par exemple, « extraire et implanter » car, l’alternative au retraitement endodontique n’est pas la pose d’implant mais l’extraction pure et simple de la dent.

Je pense qu’aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’essor qu’a connu l’implantologie a rendu un grand service à l’endodontie. Grâce à elle, on n’a plus tendance à se lancer dans des retraitements avec, au départ, un pronostic peu favorable. Prenez l’exemple d’une prémolaire maxillaire atteinte d’un délabrement coronaire important, à ras de gencive, avec une longueur radiculaire intra-osseuse faible ou non suffisante (racine courte). Aujourd’hui, on ne va plus s’acharner à retraiter une telle dent qui va se fracturer dans un avenir proche. Et dans ce sens, je dirais même que paradoxalement, dans l’avenir, l’essor de l’implantologie va contribuer à augmenter le taux du succès des traitements endodontiques puisqu’on saura mieux faire une sélection plus judicieuse des dents candidates au retraitement endodontique.

On parle trop souvent de l’évolution technologique et rarement de celle concernant les produits utilisés.

Au départ, l’endodontie a connu une période axée sur la pharmacologie. Avec la découverte de Pasteur, ce fut la période de l’infection et d’agent anti-infectieux. On pensait éradiquer l’infection endodontique à coup de produits miracles et de plus en plus puissants mais aussi, de plus en plus toxiques pour les tissus périradiculaires. C’est durant toute cette période qui a duré jusque dans les années soixante qu’on a vu surgir de jour en jour une multitude de produits chimiques sur le marché. Avec les progrès en chirurgie et ceux réalisés notamment sur l’importance du nettoyage mécanique des plaies infectées des soldats blessés de la guerre, on a pris conscience qu’il fallait retirer le tissu pulpaire infecté avant toute tentative de désinfection. Le fait que les débris pulpaires pouvaient servir d’abri aux germes en les protégeant de l’action antiseptique des produits a fait pencher la balance en faveur du débridement mécanique de l’endodonte. C’est à partir de cette prise de conscience que les instruments et les techniques instrumentales ont commencé à apparaître.

L’étanchéité coronaire semble être un facteur essentiel du succès à long terme. D’après vous la reconstitution postendodontique est-elle du ressort de l’endodontiste ou du prostodontiste ?

Parmi les paramètres du succès/échec du traitement endodontique, il est juste de dire que l’étanchéité coronaire intervient à long terme par le biais de la qualité du traitement prothétique sous-jacent. Mais une mauvaise étanchéité coronaire à cause de l’absence de la digue par exemple, peut tout aussi bien conduire à une pénétration microbienne pendant le traitement et être la cause d’un échec à court terme. En fait, le succès du traitement endodontique est pluridisciplinaire, il est tant dépendant des facteurs purement endodontiques que prothétiques, parodontaux, etc. L’échec à long terme du traitement endodontique est principalement d’ordre prothétique (percolation coronaire), traumatique (fêlure et fracture) ou de la maladie parodontale (insuffisance des tissus du soutien).

Quant à la deuxième partie de votre question, nous savons que parmi les dents traitées en endodontie, celles qui portent un ancrage radiculaire présentent le taux de succès le moins élevé.

D’ailleurs, des travaux récents préconisent maintenant la « couronne endodontique » ; celle qui prend ancrage simplement dans la chambre pulpaire et juste à l’amorce des entrées canalaires. Mais, je pense, comme son nom l’indique, que la reconstitution post endodontique relève de la compétence de celui qui s’apprête à faire le traitement prothétique de la dent. Il est vrai que l’endodontiste est le seul à connaître au mieux l’anatomie externe et interne de la dent qu’il vient de traiter. Mais, rien ne l’empêche d’ôter la gutta-percha dans le segment cervical de la racine qu’il estime au mieux pouvoir supporter les charges imposées par le futur ancrage.

Personnellement, c’est ainsi que je procède auprès de mes correspondants qui me le demandent de plus en plus. Et puis, on sait que la communication entre l’endodontiste et le « prostodontiste » est un facteur important de succès du traitement. C’est notre rôle de fournir à ce dernier tous les éléments dont il a besoin pour mener à bien son traitement prothétique.

Et l’avenir, pour vous ? Quelle orientation prendra l’endodontie de demain ?

Dans un futur plus lointain, sur le plan de recherche purement fondamentale, je pense que l’ingénierie appliquée au tissu pulpaire sera amenée à faire des percées. Elle suivra certainement celles que l’on aura acquises dans d’autres domaines médicaux, notamment sur les cellules souches des organes. Cette évolution nous amènera probablement à modifier toute notre perception de l’endodontie telle que nous l’envisageons aujourd’hui. Sur le plan clinique, la qualité du nettoyage au tiers apical reste le facteur clef du succès du traitement. On sait que c’est là où il demeure le plus de débris, le plus d’enduit pariétal et le plus de germes. En réduisant la durée de la mise en forme, les techniques mono-instrumentales ne sont pas susceptibles d’améliorer cet état de chose. Dans un futur plus proche, il sera nécessaire probablement que des progrès soient faits dans ce sens. Les procédés de désinfection au laser couplés à la photoactivation sont prometteurs mais ils deviendront plus accessibles à un plus grand nombre de praticiens.

Parallèlement, les avancées technologiques nous permettront de disposer d’un meilleur alliage pour la fabrication des instruments endodontiques. Cela aura pour conséquence de disposer d’instruments plus sûrs, plus respectueux de l’anatomie endodontique au tiers apical mais aussi plus efficaces. Dans ce sens, les techniques de mise en forme mono-instrumentales seront appelées à faire encore des progrès.

Merci beaucoup Ely d’avoir répondu aussi clairement à nos questions et merci de porter toujours aussi haut l’excellence endodontique.

 

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A propos de l'auteur

Dr. Ely MANDEL

Praticien hospitalier
Maître de conférences de l’université Paris 7
Ancien président du Cercle parisien d’endodontologie appliqué

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