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Rencontre avec Paul Miara

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Diplômé parmi les toutes dernières promotions de chirurgien dentiste, il a contribué à écrire, comme beaucoup d’hommes de sa génération, l’histoire de la dentisterie française. Passionné par son métier, il en a exploré toutes les facettes. Il a été bien sûr chirurgien dentiste mais a également dirigé un laboratoire de prothèse dentaire. Conférencier, rédacteur, concepteur de nombreux produits et protocoles, il a fait de l’invention et de l’innovation les deux moteurs de sa vie. Paul Miara a certainement eu un parcours atypique. A l’occasion de notre numéro spécial, nous l’avons rencontré pour qu’il partage avec nous son expérience et son regard sur notre métier.

Rituellement, la première question sera de vous demander de décrire votre parcours…

J’ai été diplômé de la faculté de médecine de Paris à la fin de l’année 69. Après mai 68, de toutes les universités, la nôtre a obtenu le meilleur bénéfice : une faculté indépendante ! Dès le début de mes études, j’ai eu la chance de connaître un stomatologiste, le Professeur Descrozailles, qui m’a proposé de venir chaque matin, à la consultation : j’y suis resté trois ans, presque tous les jours de la semaine. Très rapidement, il m’a initié à la chirurgie et m’a donné de plus en plus de responsabilités. C’était à l’époque mon père spirituel. Il a été ensuite nommé chef de service à l’hôpital Broussais et m’a proposé de le suivre. Il me considérait un peu comme son fils. Il m’a dit : « tu vas faire fonction d’externe, mais tu n’es pas médecin, tu ne peux pas être payé par l’hôpital, je vais donc te payer de ma poche. » Et il m’a salarié pendant deux ans. C’est un geste extraordinaire que je n’oublierai jamais…

Cette formation aurait dû m’orienter vers la chirurgie, mais à l’époque, cette discipline était du domaine des stomatologistes et j’étais persuadé que c’était une voie sans issue. La parodontologie et l’implantologie étaient à leurs balbutiements. Si seulement j’avais compris que quelques années plus tard, on pouvait aisément poser des implants ou pratiquer des greffes, j’aurais fait une autre carrière.

Puis, j’ai rencontré un second maître qui s’appelait André Brunold. Pendant mes deux années cliniques, à la Tour d’Auvergne, j’ai eu la chance de faire beaucoup de prothèses fixées et surtout de fréquenter, pendant mes temps libres, le laboratoire de prothèses qui était dirigé à l’époque par un artiste qui s’appelait Sully. J’étais passionné par le laboratoire et ce monsieur m’avait donné l’envie de faire de belles choses. Nous passions des heures ensemble, j’étais aimanté à ce laboratoire jusqu’à huit ou neuf heures du soir. Il faut savoir que l’enseignement était différent de celui dispensé de nos jours. On réalisait nous même toutes les prothèses que nous posions en bouche. Au cours de ces deux années, je me suis passionné pour la clinique mais aussi pour le laboratoire. A l’issue de mes études, je savais pratiquement réaliser mes prothèses.

Aujourd’hui, les praticiens se spécialisent trop vite, sans avoir connu les différentes possibilités offertes par le métier. On ne peut être spécialiste sans savoir ce que c’est que l’endodontie, l’occlusodontie, la prothèse…

J’ai ouvert mon cabinet en 1971, alors que j’avais 27 ans. Curieusement, je me suis associé dès le début. C’était une idée saugrenue, d’autant qu’il s’agissait d’une association pratiquement inconnue à l’époque, basée sur le partage équitable des bénéfices de notre travail. C’est une partie de ma vie exceptionnelle sur le plan de la formation mais très difficile sur le plan financier. C’était d’autant plus dur que nous avions l’ambition de pratiquer un certain type de dentisterie. Dés le départ, je me suis refusé à faire certaines choses, comme par exemple des couronnes ajustées. Très rapidement, j’ai cessé de faire des couronnes métalliques au profit des céramo- métalliques et je me suis vraiment orienté vers une prothèse plus esthétique. Je ne m’en sortais pas très bien financièrement mais le niveau de vie n’était pas celui d’aujourd’hui, nous n’avions pas besoin de beaucoup d’argent pour vivre. Comme j’avais du temps libre et peu de moyens, nous avions décidé, avec mon associé, de créer un laboratoire de prothèse dans l’enceinte du cabinet.

Une autre rencontre intéressante a été celle du professeur Simon Paoli, qui m’a permis de faire ma première conférence à l’ADF sur les techniques de laboratoire, et notamment sur la liaison céramique avec les nickels chrome. Aujourd’hui, cela paraît évident, mais à l’époque, rares étaient les prothésistes qui connaissaient et utilisaient cette technique. Aidé par un associé extrêmement adroit, nous avons très vite amélioré la qualité de nos travaux sur métal non précieux car nous en faisions de plus en plus.

C’est alors que nous avons décidé de monter un laboratoire de prothèses indépendant du cabinet, qui s’appelait « Microcéram », spécialisé en céramique sur nickel chrome. On travaillait le jour au cabinet et une grande partie de la nuit au laboratoire. On allait très souvent livrer les prothèses nous-mêmes quand on avait fini à trois ou quatre heures du matin. Un parcours amusant ! On a gardé ce laboratoire pendant environ cinq ans. Puis, cette double casquette nous paraissait lourde à porter, le cabinet fonctionnait de mieux en mieux mais le laboratoire également. À la fin, il fallait faire un choix. Nous avons longtemps hésité.

J’ai choisi l’option pour laquelle j’avais été formé au départ. Mais, il est vrai que aujourd’hui je me pose la question. N’aurais-je pas mieux fait de continuer dans le laboratoire où j’avais une formation solide ? Il n’y a pas de prothésistes qui ont été dentistes. Cela aurait été une expérience extraordinaire. Aujourd’hui, je ne peux travailler que de mes mains dans mon cabinet dentaire. Dans un laboratoire, je peux travailler avec un personnel plus ou moins important. En 1978, j’ai eu le premier poste d’assistant en biomatériaux dans le service du professeur Burdairon. J’y apprends les bases de mon métier, les fondements des matériaux et surtout je fais de la recherche sur la fonderie de précision, sur la liaison céramique-dent, puis surtout sur les alliages non précieux.

J’ai consacré beaucoup de temps à ma thèse de 3ème cycle dans laquelle il s’agissait de trouver les propriétés d’un alliage non précieux dans lequel on avait supprimé le nickel qui provoquait parfois une allergie. J’ai travaillé à Orsay, sous la direction du professeur Roger Dessieux. J’ai réalisé des centaines d’essais, testé de nombreuses compositions différentes et j’ai réussi. J’ai remplacé le nickel par le manganèse, il fallait trouver les proportions. Un universitaire, qui était professeur à l’époque, a eu l’incorrection de prendre ma composition et de commercialiser cet alliage.

Lorsque je l’ai appris, je suis rentré chez moi et de rage, j’ai déchiré et jeté tous les documents et échantillons qui constituaient le fruit de trois années de travail. Je n’ai donc jamais passé ma thèse et de fait, je ne suis pas D.S.O. J’étais blessé, on avait trahi ma confiance d’une façon absolument odieuse. J’ai donc décidé de quitter la Fac pour me consacrer essentiellement à mon cabinet.

J’intègre alors la S.O.P., dirigée à l’époque par le professeur Missika. J’avais déjà fait partie de l’équipe qui a créé les ROM, rencontres odontologiques de Montrouge qui étaient à l’époque sous la direction du professeur Germain Zeilig. Cette expérience au sein de ces deux sociétés a été déterminante car elle m’a donné les moyens de côtoyer de très nombreux conférenciers. C’est notamment grâce à la S.O.P. que j’ai pu dispenser mes premières conférences de haut niveau.

Je me lie alors d’amitié avec le docteur Bernard Touati qui venait de créer la Société Française de Dentisterie Esthétique, première de ce type en Europe. Je le rejoins et nous quittons la S.O.P. pour nous dédier à ce nouveau projet.

Pourquoi avoir créé une nouvelle société et ne pas avoir développé la dentisterie esthétique au sein de la S.O.P. ?

La S.O.P. dispense un enseignement généraliste en faveur des omnipraticiens. Nous voulions créer une structure différente. Bernard Touati et moi avions déjà par nos lectures, nos voyages aux Etats-Unis, compris qu’il y avait une autre émulation qui était en train de se créer. Cette dentisterie esthétique à laquelle nous étions formés, n’était pas très bien accueillie au sein des universités et des sociétés scientifiques. Nous avons compris qu’on ne pourrait pas s’exprimer comme nous le souhaitions au sein d’une autre société.

J’ai deux credo très importants. Le premier, c’est que l’innovation et l’invention sont les deux véritables moteurs du progrès. Le second, c’est que la nouveauté dérange les habitudes acquises.

A la faculté, les professeurs enseignent dans leurs carcans, leurs techniques conventionnelles. L’apport de nouveaux procédés dérange les acquis. Ce n’est pas facile de rencontrer des esprits ouverts. Toutes les innovations et toutes les inventions que j’ai proposées m’ont attiré des critiques absolument monstrueuses ! « Les facettes ne tiendront jamais sur les dents, les inlays doivent se faire en métal, les bridges collés ne tiendront jamais etc.». Il n’y avait donc aucun enseignement de ces techniques. Lorsque j’ai introduit le blanchiment en Europe, il y a 20 ans, j’ai rendu les gens furieux : « Pourquoi voulez-vous blanchir les dents ? Le blanchiment ronge l’émail. »

Il y a des milliers de publications qui affirment précisément le contraire ! C’est le traitement le plus inoffensif qui existe aujourd’hui. Est-il préférable de faire un blanchiment ou 10 facettes maxillaires et autant en mandibulaire ?

Dans les années 80, le dentiste était là uniquement pour éliminer la douleur et réhabiliter la fonction. Aujourd’hui, la dentisterie esthétique ne devrait même plus s’appeler ainsi. Existe-t-il une dentisterie inesthétique ? Ces termes ont été utilisés par opposition à une dentisterie ultra conventionnelle où le résultat esthétique n’était pas pris en compte. Aujourd’hui, si un praticien fait un travail sans résultat esthétique, il risque d’être poursuivi alors qu’il y a trente ans, absolument pas !

Le premier reproche que l’on nous opposait était le manque de recul clinique. Le problème, c’est qu’aujourd’hui nous n’avons pas toujours le temps d’avoir le recul clinique que nous avions dans le passé. Dans une certaine mesure, il est vrai que ce n’est pas une dentisterie pour tous au départ. On a eu des soucis, des échecs, nous les avons assumés. Personne ne progresse uniquement par des succès et on apprend davantage d’un échec. Et puis on s’est amélioré. On ne doit pas casser l’innovation et l’invention. Il faut au contraire l’encourager, même si on ne la pratique pas. Je ne prétends pas avoir été un visionnaire, mais je pense avoir une bonne appréciation de l’avenir.

Puis, les esprits ont changé parce que les années 80 ont été le début d’une effervescence extraordinaire, notamment avec le chamboulement apporté par l’adhésion. L’adhésion a transformé complètement notre point de vue au niveau de la prothèse et de la dentisterie restauratrice. Puisqu’elle n’avait plus besoin d’être scellée, il n’y avait plus besoin de faire des rétentions, on pouvait la coller, et là tous les concepts ont explosé. Être reconnus par ses pairs a mis un certain temps, mais très rapidement les praticiens se sont reconnus dans cette dentisterie et ils nous ont encensés. Même si cela a été difficile au début, en quatre ans nous avons été entendus parce que ce que nous proposions allait dans le sens de l’histoire et existait déjà ailleurs. Face à une dentisterie plus conventionnelle, nous avions l’air de faire une dentisterie du futur.

Les médias ont également contribué à ce succès. Dans les années 80-85, on pouvait voir des articles dans la presse grand public où on abordait le blanchiment, les facettes. La demande ne venait plus du dentiste mais du patient et cela a été un vecteur extraordinaire. Aujourd’hui, c’est encore plus exacerbé avec Internet.

Avec Bernard Touati, nous avons par la suite créé le CIDE qui demeure, encore aujourd’hui, certainement un des plus grands congrès mondiaux en matière d’esthétique. Le CIDE qui a lieu en principe tous les deux ans, réunit durant deux jours les conférenciers les plus prestigieux au monde. C’est une riche vitrine des plus belles réalisations et nous sommes plutôt fiers d’être les présidents de ce congrès. Le seul point attristant est son taux de fréquentation : il accueille en moyenne entre 700 et 900 participants. Vous organisez le même congrès en Russie ou au Brésil, ils sont plusieurs milliers. Malheureusement, il n’y a qu’en France qu’on constate des chiffres pareils !

Vous êtes vous déjà fait « coaché » ?

Non seulement je n’en ai pas éprouvé la nécessité mais je pense que les « coach » sont des gens parfois dangereux. Je n’aime pas les sectes et je n’aime pas les gourous.

Quand vous aurez des “coachs” qui prendront en compte le bien des patients et non pas uniquement celui des praticiens, cela ira mieux ! Je veux bien être coaché, mais pas par un type qui réfléchit uniquement en dollars.

Du jour au lendemain, on vous propose un changement radical : un second fauteuil, une assistante supplémentaire, le recrutement d’une hygiéniste… Finalement, vous êtes assaillis de frais sans pour autant ressentir une évolution notoire de votre chiffre d’affaires. Je crois qu’on ne peut pas devenir ce que l’on n’est pas !

Je pense que c’est par la démarche qualité qu’on va fidéliser une clientèle et non pas par des trucs et astuces. Par contre, je suis pour réfléchir sur la façon de bien faire son travail, c’est là où on peut se faire aider. Il serait intéressant un jour de demander à un praticien ami de venir passer une journée avec vous au cabinet dentaire pour apporter un oeil extérieur. L’analyse d’un praticien ami, qui observe, écoute et après en tire un bilan général, peut être extrêmement enrichissante, et pas uniquement sur des problèmes financiers.

Vous êtes un des chantres de la dentisterie esthétique, mais à côté de vous, il y a toute une catégorie de praticiens et ils sont nombreux, qui ne s’en sortent pas financièrement. Que leur conseillez-vous pour réussir dans leur exercice ?

Je crois d’abord en la formation. Aujourd’hui, on ne peut se démarquer que si on parvient à sortir du carcan de la dentisterie conventionnelle. Lorsque dans mes conférences, je demande : « Qui fait des blanchiments ? » Cinq mains se lèvent. « Qui fait des Inlays Onlays en composite ou en céramique ? » Deux mains se lèvent. « Qui fait des facettes de céramique ? » Quatre ou cinq mains se lèvent. « Qui fait de l’implantologie ? » À la fin, je leur dis : « Dites-moi comment gagnez-vous votre vie ? Vous ne faites pas de céramo-céramique, pas d’implant, pas de blanchiment, pas de facettes, pas d’Onlay ! »

Si par exemple, vous appreniez seulement à faire des Inlays Onlays céramique. Vous auriez cette corde à votre arc. Vous voyez 80 patients par semaine, en admettant que 95% d’entre eux ne soient pas d’accord avec ce que vous leur proposez, il en reste 5 %, soit quatre patients. Si vous réalisez un Inlay à chacun au prix de 400 euros, cela fait 1 600 euros, tout simplement. Vous pourriez avoir le même raisonnement avec les facettes, les implants…

Et vous pensez que tous les cabinets dans toutes les régions peuvent accéder à ce type de dentisterie ?

Je pense qu’il faut un minimum de conditions. Il est évident que si vous exercez dans un centre de soins mutualiste situé dans une zone extrêmement défavorisée, vous aurez du mal à sortir du rail, acculé entre le faible coût des actes nomenclaturés et le manque de temps pour faire le reste des choses. Néanmoins, à part 15 ou 20 % des cabinets touchés par ce problème, je pense que tous les autres en ont l’opportunité.

Dans une clientèle de cabinet moyen, il y aura toujours des gens capables de dépenser un petit peu d’argent pour un travail de qualité. Les derniers patients que j’ai soignés avant votre arrivée cet après midi étaient une infirmière et une enseignante. L’une d’elle avait un composite à réaliser pour restaurer un angle fracturé et elle s’est déplacée de Lille pour cela. Pourtant, je suis persuadé que des dizaines de praticiens sont capables de proposer le même travail dans cette région.

Lorsque l’on a une patientèle importante dans son cabinet, il y a un tri qui peut s’opérer. J’ai fait ce choix. Je pense qu’à un moment ou à un autre, le praticien doit se poser une question : « Suis-je content de ma situation ? Sinon que puis-je faire pour la faire évoluer ? » Il faut que je transforme ma façon de travailler. Pour ce faire, il s’agit en priorité que j’améliore mes connaissances. Tant que vous ne serez pas persuadé que ces techniques fonctionnent, vous ne pourrez jamais les proposer. Quand on est sûr de soi, le patient le ressent immédiatement. La confiance doit être là.

Les confrères qui se plaignent d’accuser de nombreux refus doivent recourir à la formation car la connaissance amène l’assurance et votre façon d’appréhender les choses devient alors totalement différente.

Pour vous, quel avenir pour la dentisterie en France ?

L’avenir de la dentisterie, c’est l’hyperspécialisation. Soit vous choisissez d’être un dentiste basique, et de fonctionner avec des actes simples, soit vous prenez le chemin de la formation et vous optez pour une spécialité en concentrant votre exercice sur cette discipline. Les gens sont prêts à payer pour un bon spécialiste. Toutefois, vous avez également des praticiens qui font du « bas de gamme » et qui ont la patientèle pour cela. Par contre, les dentistes qui sont au milieu de la vague, avec une bonne clientèle, mais pas une super adresse, et qui font une qualité de travail correcte pour des actes et avec des honoraires conventionnels, ceux-là risquent de beaucoup souffrir.

Quels conseils donneriez-vous à de jeunes confrères qui débutent dans cette profession ?

Le premier conseil que je donnerais à un jeune, c’est de s’initier parfaitement à l’anglais. C’est la première porte ouverte sur toutes les publications, les conférences internationales, c’est la langue médicale. Aujourd’hui, de nombreux jeunes quittent la France pour migrer vers Dubaï, Londres, le Portugal ou la Chine. Il y a une demande étrangère énorme. La fuite des cerveaux ne touche pas exclusivement le monde de la finance. Elle est en train d’arriver chez nous à grands pas. L’anglais, c’est le passeport.

Le deuxième conseil, est de ne pas commencer à se former trop tôt. Je pense qu’il est intéressant pour un jeune de se forger une expérience de travail pendant une ou deux années. Passer un D.U. d’implantologie en sortant de l’école est prématuré. Les trois premières années, le praticien est malléable et va apprendre les bons et les mauvais côtés de son exercice. Tous les défauts de son métier vont occuper sa mémoire très longtemps, il aura beaucoup de mal à s’en dessaisir. S’il a la chance extraordinaire de trouver un cabinet avec un bon mentor, qui va dans le droit chemin, avec une bonne qualité, à quelque niveau que ce soit, il a toutes les chances de réussir. Quoi qu’il advienne, les trois premières années ne sont pas faites pour gagner de l’argent, mais pour apprendre son métier. Ce n’est qu’au delà de cette période qu’il est intéressant de s’inscrire à des formations spécifiques.

Très tôt, le jeune devrait s’intéresser aux sociétés scientifiques. Adhérer à une petite structure où il parvient à se créer un réseau d’amis, de relations, côtoyer des personnalités intéressantes. Par exemple, si un jeune intégrait la SFDE, c’est certain que nous nous en occuperions. On se dirait : « il est sorti de l’école, il fait la démarche de venir, c’est sympa, on va l’aider ». Un réseau ne se crée pas n’importe comment, mais en prenant du temps pour aller aux conférences, aux réunions. Nous allions aux congrès aux États-Unis, on dépensait beaucoup d’argent alors qu’on n’en avait pas beaucoup. Cela nous a permis de considérer parmi nos amis des personnes imminentes comme Ronald Goldstein ou Garber.

Est-ce qu’il est possible d’être un bon dentiste sans être aussi investi dans son métier que vous l’avez fait ? Y a-t-il une vie après le cabinet ?

Je pense qu’il ne faut pas faire comme moi. J’ai la chance, tout comme Bernard, d’avoir un gros potentiel de travail. Toutes les minutes sont occupées à quelque chose. Je fais plusieurs choses en même temps. Je pense qu’il ne faut pas rentrer dans une vie comme la nôtre. Sacrifice des enfants, sacrifice des parents, c’est un enfer pour tous les gens qui sont autour. Je suis passionné dans tout ce que je fais. Mais il n’est pas nécessaire d’être complètement polarisé pour devenir un bon dentiste, au contraire. Un bon dentiste, c’est quelqu’un qui sort, qui a une vie équilibrée, un bon relationnel. Lorsqu’on est bien dans sa peau, on soigne bien les gens.

Au niveau technique, un minimum de connaissances peut vous permettre d’exercer dans de bonnes conditions sans être forcément à la pointe de la technique ou au fait des toutes dernières tendances. On n’est pas obligé de prendre son cabinet dentaire pour un laboratoire d’essais. C’est aussi très plaisant de faire des choses que l’on connaît et ne pas se martyriser en pratiquant des techniques que l’on découvre. Si vous ne maîtrisez pas l’endodontie, adressez-la. Essayez dans votre exercice de vous concentrer sur des actes que vous savez faire et de temps en temps, faites vous plaisir en suivant une formation. Je ne souhaite à personne d’être comme nous, c’est un engrenage. Il y a autre chose dans la vie que la dentisterie.

Votre plus grande satisfaction en tant que praticien ? Un souvenir marquant qui a changé votre vie ?

Quand mon fils a été diplômé, j’ai été très content. Ça ne m’aurait pas affecté s’il avait pris une autre voie, mais j’ai quand même été très fier qu’il y ait une filiation mais surtout qu’il ait eu une bonne image du métier que je faisais. Je vis avec mon fils quelque chose d’exceptionnel. On discute, c’est mon meilleur copain. Je ne l’ai pas encouragé mais j’ai l’impression qu’il y a quand même des gènes qui ont dû vraisemblablement se transmettre. Il s’intéresse à un autre domaine, l’implantologie, et je le soutiens, parce que si j’avais eu son âge, c’est vraisemblablement dans ce domaine-là que je me serais lancé. Cela me rappelle un peu mes premières amours. Il est passionné, il a envie de donner des conférences, il écrit… Le drame avec ses enfants c’est qu’on ne les voit plus. Mon plus gros plaisir n’est pas tant qu’il soit dentiste, c’est qu’il partage une très grosse partie de ma vie. Il n’y a pas beaucoup de parents qui voient leur enfant huit heures par jour.

Puisque je parle de ma famille, le bonheur de ce métier et de ces multiples entreprises, je les dois en particulier à une personne, c’est ma femme. J’ai la chance d’avoir une épouse qui a adhéré à tout ce que j’ai fait et qui participe activement à la vie de mon cabinet. Je ne sais pas ce qu’est un papier, je sais à peine me servir d’une carte bleue ! Ma femme s’occupe de toute la gestion, les banques, les crédits, les factures, l’expertcomptable, l’expert fiscal. Si j’ai autant d’idées, c’est parce que dans ma tête je suis libre. C’est un point fondamental. Quelquefois il m’arrive de travailler jusqu’à dix ou onze heures du soir et elle comprend.

Pour finir quels sont vos projets ?

Pour préparer ma retraite, je me consacre surtout à améliorer mon handicap au golf et de plus en plus à la peinture. C’est un deuxième métier, ce que vous voyez ici, c’est à moi ! Je peins beaucoup, je fais des expositions. C’est vraiment plus qu’une envie et j’aimerais bien monter une galerie. C’est un vœu qui m’est cher. Mais, malgré tous ces hobbies qui occupent désormais une partie de ma vie, je reste toujours très actif au sein de mon cabinet et des sociétés scientifiques.

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A propos de l'auteur

Dr. Norbert COHEN

Rédacteur en chef du magazine LEFILDENTAIRE
Implantologie dentaire
Stomatologue
Docteur en médecine
Diplomé de l'institut de stomatologie et de chirurgie maxillofacial de Paris
Diplômé d'implantologie dentaire
Post graduate de parodontologie et d'implantologie de l'université de New-York
Diplomé de chirurgie pré et peri implantaire
Ex attaché des hopitaux de Paris
Diplômé d'expertise en médecine bucco-dentaire

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